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Féminisme La revue DS

Égalité salariale : en Islande comme en France !

Inédit ! Première mondiale ! Le 1er janvier 2018, l’Islande a été unanimement saluée pour l’entrée en vigueur d’une nouvelle législation interdisant toute différence de salaire entre les hommes et les femmes. Tout en partageant l’enthousiasme soulevé par cette annonce, on n’en reste pas moins étonné par ces formulations. « Inédit » ? « Première mondiale » ?

La différence de traitement n’était-elle pas déjà illégale dans un pays plutôt bien placé en matière d’égalité ? En France, le principe d’égale rémunération entre les hommes et les femmes n’est-il pas inscrit dans la loi depuis 1972 ? Évidemment tout cela est vrai, mais...

L’Islande fait la loi

En Islande, l’égalité salariale est inscrite dans la loi depuis 1961. Toutefois, en 2015, les salaires des femmes y étaient toujours de 17,5 % inférieurs à ceux des hommes*. Face à ce constat persistant, le gouvernement a souhaité renforcer la contrainte en obligeant les entreprises de plus de 25 salarié.e.s à apporter la preuve qu’à travail égal, elles versent le même salaire aux hommes et aux femmes. Une certification leur sera ainsi attribuée, à renouveler tous les trois ans. En absence de cette certification, les entreprises encourront une amende pouvant aller jusqu’à 400 euros par jour.

Plus contraignante, cette loi donne donc aux entreprises une obligation de résultats, car elles doivent prouver qu’elles font bien œuvre de non-discrimination. Si – comme dans la grande majorité des entreprises – le bilan comparé des salaires des femmes et des hommes montre une disparité, l’entreprise devra apporter la preuve que ce n’est pas la conséquence d’une discrimination et ses explications devront être validées.

Et en France ?

Dans une enquête publiée le 1er décembre 2017, l’Insee indique qu’en France, en 2015, les femmes ont perçu un revenu salarial inférieur en moyenne de 24 % à celui des hommes1.

Les écarts diffèrent selon l’âge et le niveau de revenu. Dans le bas de l’échelle, les écarts sont très marqués : de 25 à 39 ans, un quart des hommes perçoit un revenu annuel inférieur à 13 640 euros ; le montant correspondant est de 9 350 euros pour les femmes.

Au milieu de l’échelle salariale, l’écart est moins marqué et augmente avec l’âge. L’Insee note que ces écarts entre hommes et femmes selon l’âge s’expliquent davantage par le volume de travail dans le bas de l’échelle de revenu salarial et par le salaire en EQTP dans le haut de l’échelle.

Le temps partiel n’est pas la principale explication à ces différences de salaires. Certes, le temps partiel reste l’apanage des femmes. En 2016, 30,1 % des femmes qui travaillent sont à temps partiel contre seulement 8,2 % des hommes2. Mais l’étude de l’Insee précise que « l’écart de revenu salarial moyen entre femmes et hommes s’explique pour plus des deux tiers par des écarts de salaire en EQTP et pour moins d’un tiers par des différences de volume de travail ».

Le fait et le droit

En France, la loi Roudy de 1983 est venue donner corps à la loi du 22 décembre 1972 qui inscrivait l’égalité salariale dans le Code du travail. Elle a établi les bases de la notion d’égalité professionnelle dans l’entreprise en rendant obligatoire la production d’un rapport de situation comparée entre les hommes et les femmes. Régulièrement, de nouvelles lois ont permis de préciser le cadre, l’objectif de ces rapports et les obligations faites aux entreprises : la loi Génisson de 2001, la loi relative à l’égalité salariale du 23 mars 2006 et plus récemment encore les lois de mars 2102 et d’août 2014 qui ont donné obligation aux collectivités territoriales de plus de 20 000 habitants de présenter elles aussi de tels rapports.

Mais force est de constater que les disparités salariales ont assez peu évolué depuis vingt ans. Si on retient les chiffres publiés chaque année par le ministère dans le document intitulé « Les chiffres clés pour l’égalité » (qui compare les salaires en EQTP), l’écart des salaires est établi à 18,9 % en 2005, à 19,9 % en 2010 et à 18,6 % en 2014. Est-ce à dire que ces lois n’ont servi à rien ? Tant s’en faut, car elles ont permis de poser de plus en plus précisément les diagnostics et permettent de mettre en lumière tous les paramètres et les processus qui aboutissent à de telles discriminations. Une chose semble certaine : tant que des obligations de résultats – et pas seulement de moyens – ne seront pas fixés, tant que la contrainte ne sera pas au rendez-vous, ainsi que le contrôle et les pénalités qui vont avec, les femmes continueront à subir ce qui est aujourd’hui clairement vécu et identifié comme une injustice insupportable.

Malheureusement, depuis la loi El Khomri, les réformes du Code du travail vont plutôt vers un assouplissement des contraintes, ont rendu optionnel le fait de rendre publics les rapports, et ont allégé les sanctions encourues par les entreprises ne respectant pas les engagements pris.

Voilà pourquoi la nouvelle législation islandaise a été saluée à travers le monde et sera observée avec espoir.

Cet article de notre camarade Claude Touchefeu est paru dans la revue Démocratie&Socialisme n°251 de janvier 2018

  1. https://www.insee.fr/fr/statistiques/3204195
  2. http://www.egalite-femmes-hommes.gouv.fr/publications/droits-des-femmes/egalite-entre-les-femmes-et-les-hommes.

* Une certaine manière de compter

L’écart est toujours indiqué dans ce sens. Mais dire que « les femmes gagnent 17 % de moins que les hommes », cela signifie également que « les hommes gagnent 20 % de plus que les femmes ». En effet une différence de 340 euros, c’est 17 % d’un salaire de 2000 euros, mais c’est aussi 20 % d’un salaire de 1660 euros. Ainsi, en France, l’écart de 24 % peut aussi être considéré comme un écart de 31 % si on l’exprime à partir du salaire des femmes. Encore plus significatif, non ?

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