GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

International – Europe

Ecouter le peuple de gauche !

L'immense leçon du 29 mai, c'est qu'il s'agit d'un vote de classe, un vote du salariat contre le libéralisme. Des millions d'employés, d'ouvriers, d'agriculteurs, de fonctionnaires, en activité, en formation, en retraite ou au chômage, ont, dans un même mouvement dit "non" à la politique libérale en Europe comme à la politique libérale de Chirac. C'est un "non" pro-européen et social.

La gauche a tellement dominé le "non", imposé son contenu, que pour la première fois depuis longtemps, nous avons reconquis de haute lutte du terrain contre le lepenisme et le villierisme. La campagne du "non" de gauche a été unitaire, populaire, massive, enthousiaste, débordante, et elle a, de loin, décidé de l'issue du scrutin, tiré à elle l'essentiel des « non ». Il y a eu surtout un fort "non socialiste" au coeur du "non" de gauche" : 59 % de l'électorat socialiste a ainsi contredit le résultat du référendum interne au parti socialiste.

On a même de quoi s'étonner sérieusement quand on considère les grosses fédérations du PS où le "oui" avait rassemblé 60 % des voix en interne, et qui ont eu, le 29 mai, plus de 60 % de "non" dans leur électorat. Qu'est-ce que cela signifie ? Est-ce que le vote interne était insincère ? Ou est-ce le fossé entre ces fédérations puissantes et la masse de leur électorat qui est plus considérable qu'ailleurs ?

Le décalage entre la majorité du PS et ses électeurs est général : bien qu'elle disposait de 100 % des moyens du parti, de son autorité, des affiches, des meetings, du soutien des médias, elle n'a convaincu que 41 % des électeurs socialistes. Ces derniers ont largement préféré le "non" socialiste défendu par une minorité dépourvue de moyens et de tout soutien médiatique.

La victoire générale du "non", dans 84 départements sur 100, avec 55 % des voix et une forte participation de 70 % indique que ce traité constitutionnel posait un vrai problème de fond aux Français. La sociographie précise du vote montre que c'est la droite et les cadres supérieurs qui ont porté le "oui", tandis que c'est la gauche et les classes populaires qui ont fait la victoire du "non". C'est là l'évidence que le parti socialiste doit désormais prendre en compte par-delà sa divergence interne sur le référendum.

Il est grand temps d'écouter le peuple de gauche. Car n'est pas la première fois qu'il indique la bonne direction ! Déjà le 21 avril 2002, notre candidat avait été éliminé au premier tour à la suite d'un déplacement du centre de gravité de la gauche vers la gauche et non pas d'un basculement vers la droite. En 2003, ce mouvement était confirmé avec près de 30 millions de jours de grève, 140 jours de lutte, 11 journées nationales enseignantes, 9 journées interprofessionnelles, 4 journées avec plus de 2,2 millions de manifestants... Chirac n'a pas voulu entendre la rue, il a été battu deux fois dans les urnes en 2004. Et le mouvement social a redémarré les 18-20 janvier, 5 février, 5 et 10 mars 2005 nourrissant le "non".

Le peuple de gauche français, majoritairement et avec constance, dans les élections comme dans la rue, indique qu'il veut une vraie politique de gauche antilibérale, et non pas du "social-libéralisme".

La réponse de MM. Chirac, Villepin et Sarkozy est connue d'avance : prétendument pour faire descendre le chômage, ils vont flexibiliser le Code du travail, faciliter les licenciements, l'exclusion des chômeurs, développer des emplois aidés avec des cadeaux supplémentaires aux employeurs. En 100 jours, tout ce qu'ils peuvent réussir, c'est pousser le mouvement social à gronder à nouveau. Il n'est pas certain que le quinquennat de Chirac se prolonge à son terme. La logique voudrait qu'il y ait des élections anticipées. Il y a donc urgence sociale à prendre les initiatives anticipatrices : appeler toutes les forces de gauche qui le veulent, sans exclusives, à débattre immédiatement d‘un programme commun d'action pour un gouvernement de gauche alternatif et désigner les candidats sur cette base.

Cela commence par une bataille publique unitaire pour une Assemblée constituante européenne, , pour une Europe sociale, autour notamment des 7 exigences formulées à l'unanimité en 2003, 2004 par le Parti socialiste : harmonisation sociale par le haut, Smic unique européen, Europe des 35 h, harmonisation fiscale, défense et extension des services publics, l'initiative des lois au Parlement européen, une Banque centrale européenne sous contrôle démocratique et une politique monétaire favorable à l'emploi, gouvernement économique, assouplissement des procédures de révision de la Constitution, etc.

Cela commence aussi par l'engagement ferme d'abroger les mesures antisociales de la droite, la loi Fillon contre les retraites, la loi Douste-Blazy contre la Sécu, la loi Raffarin-Larcher contre les 35 h, les lois Fillon contre le Code du travail, contre l'école. Et la promesse d'une vraie priorité à la lutte contre le chômage, par la baisse du coût du capital et la meilleure rémunération du travail, par la réduction du temps de travail hebdomadaire et sur toute la vie, par l'emploi public partout où il est nécessaire, par la redistribution au profit des classes populaires, etc.

Un tel programme demande l'unité de la gauche mais aussi l'unité des socialistes. Le débat sur le « oui » ou le « non » a été tranchée le 29 mai par nos électeurs. On doit à présent travailler tous ensemble, dans des conditions qui permettent de réconcilier le parti autour du puissant message de nos électeurs. Le prochain congrès, doit être ouvert et refondateur, et préparé par une commission paritaire rassemblant correctement les sensibilités de notre parti. Il doit viser non pas à régler des comptes sur la question dépassée du référendum, mais à prendre en compte ce qui s'est passé : les leçons du 21 avril 2002 comme du 29 mai 2005 doivent s'imposer à nous, collectivement. Dans cette perspective, nous, qui avons milité, sans moyens, en tentant déjà d'incarner une forme d'unité antilibérale (entre Nouveau monde, Nouveau parti socialiste et Force militante) nous appelons à ce que la gauche du parti réalise aussi son unité.

Marc Dolez, Gérard Filoche, Jacques Généreux

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