GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Médias D&S – Bibliothèque

Economie politique du patriarcat

Qui est « l'ennemi principal » ?

Assurément ni l'homme avec une majuscule ni les hommes, en général.

Ce n'est ni une essence ni un groupe naturel ; c'est un système.

Ce système n'est, ni principalement, ni exclusivement le système capitaliste.

Ce système est défini comme structure sociale hiérarchique et inégalitaire autonome d'exploitation et de domination dénommé patriarcat.

« L'économie politique du patriarcat » refuse toute explication de subordination des femmes sur des bases biologiques, naturalistes, essentialistes ou encore fondée sur l'idéologie du discours et pose les bases de l'analyse de ce système en terme de pratiques sociales matérielles dont découlent la domination patriarcale exercée sur les femmes.

Recueil de textes parus entre 1970 et 78, cet ouvrage pose les bases d'une analyse bannissant le parti pris androcentrique dominant de la science sociale, met en question sa prétention à l'objectivité en utilisant la trame d'une analyse marxiste hétérodoxe.

« L'ennemi principal », premier chapitre et chapitre clef de la réflexion postule :

- l'organisation de la cellule familiale met en œuvre des rapports de production s'appliquant au travail domestique (ex : entretien du logement) et aux productions destinées au marché quand elles sont produites dans la famille (ex : fabrication des repas).

  • Ces rapports sont déséquilibrés car ils mettent en œuvre la force de travail des femmes sans rétribution. La nature particulière des parties intéressées épouse/époux, mère/enfant n'oblige pas de rétribution, au plus le retour de la prestation peut être un don.
  • Cette gratuité ne dépend pas de la nature des travaux, car quand les femmes les produisent en dehors de la sphère familiale, elles sont rémunérées.
  • Il n'y a pas de différence entre les services domestiques produits par les femmes et les bien et services produits consommés par la famille (plats préparés, heures de ménage payées à une femme de ménage).
  • La fourniture gratuite de travail dans le cadre d'une relation globale et personnelle constitue un rapport d'esclavage.
  • L'exploitation patriarcale constitue l'oppression commune (80% des femmes mariées, à tout moment), spécifique (l'obligation de fournir des services domestiques gratuits n'est subie que par les femmes), et principale (même quand elles travaillent « au dehors », l'appartenance de classe qui en découle est conditionnée par leur oppression.

    Le capitalisme, s'il n'est pas à l'origine du patriarcat, n'en atténue pas les inconvénients bien au contraire puisqu'il impose des contraintes supplémentaires aux femmes.

    « travail ménager ou travail domestique » n'est pas qu'un paragraphe de distinction sémantique il constate que le travail ménager n'est pas considéré comme productif et n'est pas retenu dans la comptabilité nationale.

    Dans les 4 chapitres suivants les domaines des travaux ménagers, de la consommation familiale, la transmission héréditaire, du mariage et du divorce sont sérieusement étudiés en tant qu'échanges économiques inégaux déséquilibrés.

    Non sans humour le chapitre « nos amis et nous… » traite du dilemme masculin face au féminisme ; en effet quoi de plus délicat comme posture que d'être juge et parti ?

    Dans ce débat être femme paraît plus confortable, à priori…

    « Les femmes dans les études de stratification « décrypte l'image qu'on a des femmes selon leur groupe social d'appartenance et la position sociale de leurs alliés. Cette analyse sociologique donne un éclairage sur le regard que les femmes aussi portent sur elles-même et sur leurs congénères.

    « Proto féminisme et antiféminisme « est une polémique qui ne mérite pas nécessairement la lecture des ouvrages dont il est fait référence car les termes en sont connus : opposition tache/travail, leur valeur économique, la dévalorisation d'un travail dans la mesure où il est féminisé. Même si les lois Roudy sont passées par-là cette incongruité est encore d'actualité.

    Le chapitre « capitalisme, patriarcat et luttes de femmes » aère salutairement cet ouvrage d'une théoricienne pointue et rigoureuse par un dialogue vivant au cours duquel elle précise et affine sa thèse.

    La conclusion milite pour un féminisme matérialiste, mouvement social, dont la finalité est la révolution de cette économie politique ferment de l'oppression des femmes.

    Cet ouvrage recentre intelligemment les termes des longs débats qui ont traversé les sociétés occidentales, qui ont contribué à un lent processus d'amélioration de la condition féminine. Ce processus est encore en mouvement tout comme le débat se doit encore de l'être : au-delà de la question du partage des taches ménagères, qui est un substitut de débat féministe, la question de la rétribution des travaux ménagers est d'actualité dans les cercles de réflexion, de même que la question de la rétribution des soins et de l'éducation dispensés aux enfants( quels critères d'évaluation, quelle forme de rétribution publique privée ?).

    Ouvrage indispensable pour une réflexion féministe dépoussiérée, sans ambiguïté accessible à toutes et à tous.

    Par Guilaine LETERME-AUZANNEAU, Ris-Orangis, Essonne.

    Document PDF à télécharger
    L’article en PDF

    Inscrivez-vous à l'infolettre de GDS




    La revue papier

    Les Vidéos

    En voir plus…