GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

International – Europe

Echos du Cn du Ps du 4 juin par Gérard Filoche

Ci-dessous l'intervention que j'avais préparée et que j'aurais faite à ce Cn... si on m'avait donné la parole :

Chers camarades,

Le "non" a gagné massivement à gauche, de façon unitaire, enthousiaste, convaincante, sur le fond ! Le non de gauche était majoritaire à 75 % selon toutes les études, dans le salariat, c'était un "non" de classe, celui de notre camp. Vous venez encore d'essayer, cher François, chère Martine, chère Elisabeth, d'en diminuer la portée en agitant l'extrême droite et la xénophobie "contre le plombier polonais". Mais avez-vous remarqué que le "non" était donné à 54 % avant que Le Pen ne commence sa campagne, que sa campagne a été minable, deux repas de 150 personnes, et que son "plus grand meeting" du "non" annoncé, le 1er mai devant Jeanne d'Arc s'est révélé ne regrouper que 2000 vieilles badernes épuisées. Ses premières paroles ont été : «Mon "non" ne sera ni social, ni économique, mais national», tout était dit, le débat dans tout le pays a concerné un "non social"... Même le vicomte vendéen semblait découvrir le syndicalisme quand il parlait, tellement le thème était dominant ! C'est la première fois depuis plus de 20 ans qu'en fait, nous avons regagné du terrain sur l'électorat d'extrême-droite, et c'est la détermination du "non" de gauche, pro européen qui l'a permis !

Nous aimons l'ouvrier du bâtiment letton, le chauffeur bulgare, le sidérurgiste tchèque, l'électricien portugais, le peintre et le plombier polonais, nous les aimons tellement que nous voulons qu'ils gagnent autant que nous sans que nos salaires baissent ! Pour lutter contre les délocalisations et leurs compléments, les directives Bolkestein, il faut un Smic unique européen. La construction d'un tel Smic par voie de négociation et de législation est dissuasive pour ceux qui veulent emmener leurs machines d'ici à là-bas : à quoi bon, puisqu'un Smic est planifié ? Et pour ceux qui veulent exiler la main d'oeuvre de là-bas vers ici : à quoi bon si un même Smic est prévu ? Mais pour mettre en place un Smic, il fallait repousser l'article III-210 de la Constitution qui “excluait toute harmonisation sociale et fiscale”.

Il y avait une telle interpénétration entre le projet de texte constitutionnel, la politique de Chirac, la directive Bolkestein, qu'au cours même de la campagne, le 16 avril dernier, le Parlement français a voté un “Bolkestein sur mer”, le RIF, registre international français, qui introduit un ségrégation salariale sur les bateaux français entre les marins payés selon leurs pays d'origine ! Bolkestein sur fer est également en marche puisque le projet de Jacques Barrot-stein prévoit des trains privés dans les régions, le premier de ces trains privés ayant circulé cette semaine en Moselle. Le conducteur est formé en un mois et demi, contre neuf mois pour un conducteur Sncf, et il payé un tiers en moins, demain il pourra être bulgare, en effet, grâce au fait que toute entrave à la liberté d'établissement est interdite par les textes européens.

Nous devrions alors que le “non” a gagné en Hollande, qu'il progresse au Danemark, en Pologne, au Portugal, demander que la Constitution devienne l'oeuvre d'une Assemblée constituante européenne élue dans ce but. Nous devrions le demander publiquement et au sein du Pse. Nous devrions ré actualiser notamment les “sept exigences” qui avaient fait l'unanimité entre nous et constitué la base de notre campagne électorale du 13 juin 2004 et amené 30 % des voix à notre parti.

Nous ne devrions pas parler de “projet 2007” mais de projet alternatif car les choses peuvent aller plus vite que prévu. Il n'est pas dit, au vu du gouvernement Galouzeau de Villepin et des frères Sarkozy, que le quinquennat ne soit pas abrégé, la colère sociale aidant. Leur projet de destruction du Code du travail, prétendument au nom de l'emploi, les conduira dans le mur. La logique voudrait des élections anticipées, et donc que nous nous y préparions vite, dans notre parti, comme dans la gauche : il faut prendre tous les contacts unitaires à gauche, sans exclusive, avec ceux qui veulent discuter d'un programme commun de gouvernement alternatif à la politique libérale.

Unité doit être le maître mot : unité de la gauche, unité des socialistes, et j'ajouterais, ici, au passage, unité des socialistes de gauche...

Dans cette salle houleuse du Conseil national, deux légitimités semblent s'affronter aujourd'hui, dans le Parti socialiste :

la légitimité n°1, en “interne”, celle du vote des adhérents, le 1er décembre, 98 000 votants,

... et la légitimité n°2, celle des électeurs socialistes, en “externe”, environ 59 % pour le “non”, selon tous les sondeurs sur 5 à 6 millions d'électeurs concernés.

Selon la légende de ce vote, 58 % des 98 000 adhérents auraient voté pour le “oui” et 42 % pour le “non”, en “interne”.

En fait, le résultat démontre que la légitimité n°1 était rendue contestable par la légitimité n°2.

Car, il y avait, sur 98 000 votants, un écart de 16 000 votants environ, il suffisait donc de 8 500 voix pour faire la bascule.

Ces 8500 voix étaient concentrées dans trois ou quatre grandes fédérations, qui faisaient presque une voix sur cinq.

Ce qui est révélé par le vote du 29 mai, dans les départements de ces fédérations, c'est qu'alors qu'elles avaient voté à plus de 60 % des voix en “interne” pour le “oui”, leurs électeurs socialistes, eux avaient voté à plus de 60 % pour le “non”.

N'importe qui examinant ces votes, bureau par bureau, section par section, ne peut que s'interroger, d'Arras à Marseille.

  • Soit le vote était insincère.
  • Soit ces sections et fédérations connaissent une “coupure” entre le vote des adhérents et celui de leurs électeurs, plus importante que dans le reste du parti, et alors comment l'expliquer ? : est-ce que, plus il y a de socialistes encartés, moins il y a d'électeurs qui les écoutent ?
  • Quelle est la vérité ? Les deux.

    La réalité du vote du 1er décembre est mis en cause par la vérité du vote du 29 mai et c'est donc cette légitimité-là, la n°2, qui s'impose.

    Alors ce soudain empressement, aujourd'hui, du rappel à la discipline, de la “clarification”, non seulement n'est absolument pas fondé par “la démocratie militante” comme certains d'entre vous ne cessent de le crier ici, mais il est très contestable !

    La direction du parti avec 58 % des voix en interne a disposé, sans conteste de 100 % des moyens pour mener campagne en faveur du “oui”, 100 % de la presse, 100 % des affiches, 100 % des tracts, des meetings, 100 % et plus des médias... Avec tous ces moyens obtenus par le vote interne du 1er décembre, elle n'a gagné que 41 % des voix de nos électeurs. C'est sans doute qu'il y avait un problème dans le vote du 1er décembre, et au vu de ce “gap” avec notre électorat et s'il y a une leçon à tirer aujourd'hui, c'est celle-là !

    Ensuite, la démocratie, dans un parti, c'est que la majorité dispose des moyens d'actions, ce n'est pas que les minoritaires se taisent ! Nous n'en sommes plus aux vieux temps du centralisme démocratique !

    C'est d'ailleurs ce que nous croyions, exemples à l'appui, être la pratique de notre parti ! Car lorsqu'en 2003, après que le Congrès de Dijon, à l'unanimité, eut voté une motion prévoyant l'abrogation de la loi Fillon contre les retraites, Michel Rocard exprima son soutien à ladite loi Fillon, dans le dos du mouvement social, il ne fut ni rappelé à l'ordre, ni sanctionné, mais promu tête de liste aux élections européennes de 2004 dans le grand sud-est. Lorsque Bernard Kouchner, prit position pour la guerre de Bush en Irak, il ne fut ni sanctionné, ni évincé puisqu'il était l'un des porte-parole du “oui socialiste” dans la récente campagne... Il y a donc, soudain, dans cette salle, aujourd'hui, contre ceux qui ont défendu le “non”, des indignations opportunes à géométrie variable.

    François Hollande tente d'imposer la légitimité n°1 contre la légitimité n°2. C'est un très mauvais choix. C'est l'inverse qu'il faudrait faire. On ne peut “dissoudre le peuple”, il vaut mieux, au contraire, que le parti écoute le peuple de gauche.

    Gérard Filoche, le 4 juin 2005


    Commentaires :

    Le Cn a duré de 11 h à 16 h. Houleux. Partagé en deux “camps”. Une trentaine d'interventions. En dépit des appels à l'unité et au calme. Malgré tout, des arguments ont été échangés et il y a eu une certaine écoute tellement le choix que s'apprêtait à faire la direction Hollande paraissait discutable, même à ceux qui s'apprêtaient à le voter. Le vote a été serré : au sein strict du Conseil national, instance élue à la proportionnelle au Congrès de Dijon, il y a eu 101 voix contre le texte de François Hollande, et 99 pour. Mais il y a eu ensuite le vote des premiers secrétaires fédéraux, additionné, qui a porté le score à 127 voix contre et 162 voix pour. Sachant que le vote des fédéraux est moins représentatif à la proportionnelle, des sensibilités du parti. Ce fut très serré, et on peut dire que le vaincu, est, en fait, le vainqueur...

    Laurent Fabius, écarté du secrétariat du parti, reste au Bureau national, comme tous ceux élus lors du Congrès de Dijon. Le vote du Cn du 4 juin cela revient à en faire un symbole personnalisé de la campagne du “non” socialiste, de cette campagne victorieuse. Il est d'ailleurs parti du Conseil national sous une forêt sans précédent de caméras, de photographes, de micros...

    Il y a sans doute eu, sur le terrain, une majorité de militants socialistes pour le “non”... Même si, en apparence, une majorité d'adhérents avaient été comptabilisés pour le “oui”, le 1er décembre...

    il y a eu des centaines de meetings, à la base, du “non socialiste”, qui ont reçu, partout, un tel écho, qu'ils étaient davantage remplis de participants que ceux de la direction officielle... C'est ainsi que 60 % des électeurs du Ps ont exprimé leur choix démocratique et aussi en se rendant aux réunions des “sans moyens”, minoritaires, plutôt qu'aux réunions de la direction qui disposait de tous les moyens matériels du parti depuis le vote du 1er décembre...

    Laurent Fabius, Henri Emmanuelli, Jean-Luc Mélenchon, et le “trio” socialiste, Marc Dolez, Gérard Filoche, Jacques Généreux ont sans aucun doute contribué a faire pencher la balance, à assurer un “non” socialiste au sein du “non” de gauche... (cf. D&S n°124, avril-mai) Mais c'est un immense service rendu à notre parti que de l'avoir ancré au coeur de la gauche !

    GF

    Vous trouverez le texte de François Hollande et la liste du nouveau secrétariat annexée, sur le site du Ps, et les textes des interventions de Jacques Généreux, Henri Emmanuelli, Jean-Luc Melenchon, Marc Dolez, Arnaud Montebourg, Vincent Peillon, Benoit Hamon, Françoise Mesnard, Laurence Rossignol, Laurent Fabius, Henri Weber, etc.

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