GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur Au Parti socialiste

Echanges et débats ouverts après la désignation de Ségolène Royal (III)

Pour un bilan nécessaire, quelques premières réflexions sur la désignation de Royal comme candidate du PS.

Après quelques semaines de débats publics ou semi publics, et avec toutes les limites que l'on doit donner au mot « débat », entre trois candidats qui défendaient officiellement le même projet politique, Royal l'a emporté. Fabius et Strauss-Kahn sont clairement battus.

Ainsi a été désignée la candidate qui s'est réclamée de Blair, n'a cessé de promouvoir « l'ordre juste », a affirmé vouloir augmenter le temps de travail des enseignants, remettre en cause - comme Sarkozy - la carte scolaire, confier les jeunes délinquants à l'armée....Ainsi a été désignée une candidate qui, pour nombre de militants du PS, apparaissait comme incompétente ; certaines de ses réponses sont dignes d'une anthologie : « le nouveau gouvernement irakien est démocratique » a-t-elle tranquillement affirmée à propos de ce gouvernement fantoche installé sous le contrôle de l'armée américaine ; « je me rallierai à la position du peuple français » sur la question turque ; « je n'ai pas aujourd'hui réponse à tout » fut la réponse à une autre question...et ceci, alors que toutes les questions lui avaient été communiquées avant les « débats » et les fiches réponses préparées par ses conseillers... Ainsi a été désignée une candidate qui, pour beaucoup, apparaissait comme étant la plus « à droite » des trois candidats.

Or le score de Royal - 60% - acquis lors du scrutin interne au PS du 16 novembre est élevé et, formellement, peu contestable, même s'il a bénéficié de quelques trucages qui lui ont permis de passer la barre des 60%. Faut-il rappeler qu'à Montpellier, la 11° section (260 cartes) est une section fantôme et qu'il existe une section OPAC de 500 cartes dont personne ne sait où elle se réunit ? Il est vrai que le très raciste G.Frêche fut un soutien enthousiaste de Royal.

Mais l'essentiel est que Royal est élue au premier tour, largement. Et ceci doit être expliqué.

Car pour les militants du PS qui se sont battus contre cette candidature, pour les jeunes et les travailleurs qui, sans être membres du PS, ont suivi les débats et entendu avec effarement certaines propositions de Royal, il y a maintenant une grande inquiétude : peur que Royal soit la plus mauvaise candidate pour battre Sarkozy, du fait que bien des positions de Royal sont proches de celles de Sarkozy ; peur qu'elle conduise ou facilite la division entre PS et PCF, ce qui profiterai à Sarkozy et à la bourgeoisie ; crainte qu'elle ne conduise, si elle était élue, une politique ouvertement réactionnaire.

Des explications fausses, incomplètes ou superficielles

Une première explication a été avancée, en particulier par un dirigeant de l'UMP : la PS a évolué à droite parce que la société française a glissé à droite. Cette explication ne vaut rien parce qu'elle nie la réalité : faut-il rappeler la triple défaite électorale de l'UMP et de l'UDF lors des élections de mars 2004 (régionales et cantonales) et juin 2004 (européennes) ? Il faut dire au contraire qu'il y a un processus de radicalisation du côté de la jeunesse et des travailleurs, dont témoigne l'ampleur des mobilisations contre le CPE.

Deuxième explication : Royal a été la candidate des sondages ; depuis plus d'un an, sa campagne a été préparée par la presse : 70% des médias (télévisions, radios et presses) sont tenus par trois groupes (Bouygues, Lagardère et Dassault). C'est dès le 15 septembre 2005 que Match (Lagardère) offre une grande interview à Royal et pose « innocemment » la question de son éventuelle candidature à la présidentielle : « ça peut arriver (...) s'il s'avère que je suis la mieux placée ». Pendant un an, ces médias ont donc martelé sur le duo Ségo- Sarko, et les « sondages » se sont évertués à montrer que Royal était - selon eux- «la mieux placée »... : les militants du PS se seraient donc soumis à l'intox médiatique. Ceci n'est pas faux mais n'est pas suffisant : en 2004 et 2005, pour le traité constitutionnel, les médias avaient mené campagne pour le Oui au traité mais , dans le PS, lors du vote interne au PS le 1° décembre 2004, le OUI ne l'avait emporté que de justesse et grâce à quelques « arrangements » des résultats ...et finalement, le NON l'avait emporté le 29 mai 2005 avec l'appui actif de nombreux militants du PS.

Si la presse a joué un rôle, la question devient : comment se fait-il que les militants du PS aient été si sensibles aux sirènes médiatiques ?

D'autres explications sont alors avancées, qui toutes ont une part de réalité :

1) Le rôle décisif des « barons » qui tiennent les sections, tiennent les mandats innombrables (élus municipaux, départementaux, régionaux, députés et sénateurs, etc...) et ont comme soucis principal la préservation de leurs strapontins : ils ont rallié Royal parce que les « sondages » leur disaient qu'elle était la meilleure pour gagner, et donc préserver leurs places..Mais dans le détail, bien des « barons » ont fort mal contrôlé leur baronnie (ainsi, Delanoë avait fait savoir, en bon jospinien, qu'il voterait ‘blanc'... mais il n'y eut que 12 « blancs » dans sa section).

2) la « sociologie » du parti, de plus en plus petit bourgeois : c'est vrai, mais il apparaît en réalité que les sections « bobo » ont souvent moins voté Royal que la province, et davantage Strauss-Kahn : c'est manifeste à Paris.

3) Le fait que le PS ne soit plus guère un parti de militants, mais un parti d'adhérents qui ignorent tout, y compris l'histoire de leur parti. Ce phénomène est renforcé par les nouveaux adhérents à 20 euros...Là encore, ce n'est qu'en partie l'explication du succès de Royal : ceci peut tout au mieux contribuer au score bien médiocre de Fabius, mais regardons là où le nombre d'adhérents a explosé, comme à Paris : là, Royal fait moins que la moyenne nationale, tandis que nombre de sections de banlieues où il n'y a presque pas de nouveaux font un bon score pour Royal : ainsi dans l'Est lyonnais, une section de 17 cartes n'avait qu'une seule carte à 20 euros ; mais il y a eu 9 votes pour Royal sur 16 votants, 6 pour Strauss-Kahn et 1 vote pour Fabius...

Certes, on peut toujours additionner des explications partielles pour arriver à une somme globale, majorité en faveur de Royal mais ceci ne suffit pas pour expliquer l'importance de son score, et le fait que ses « opposants », qui ont été actifs des semaines durant, soient arrivés à un résultat si loin de leurs espérances. Ainsi, les fabusiens avaient regroupé plus de 20% des voix pour le congrès de novembre 2005, ils pouvaient compter sur le renfort des amis d'Emmanuelli de NPS-SA, des pro-Montebourg qui avaient dénoncé le ralliement de ce dernier à Royal, l'appui de FMDS avec Dolez et Filoche ...Ils rêvaient de 30 ou 35% au premier tour, et se retrouvent avec moins de 20% ! La désillusion est cruelle.

Reste alors l'explication de Mélenchon : le vote des militants serait « irrationnel ». Si cela est, autant arrêter de faire de la politique et aller voir les cartomanciennes : Madame Soleil nous éclairera sur madame Royal. Ce n'est pas sérieux et illustre le désarroi de Mélenchon.

On peut aussi dire : Le PS n'a plus rien à voir, même de loin, avec les salariés; à l'intérieur du PS ne peut plus s'exprimer aucune résistance ; il faut donc aller voir ailleurs...au PCF... C'est ce que certains proposent, qui oublient soigneusement d'analyser la politique du PCF.

Pour y voir clair, il faut donc remettre les choses dans l'ordre, et poser quatre questions : la politique de Fabius est-elle parue aux yeux des militants comme qualitativement différente de celle de Royal ? Les opposants à Hollande et Royal ont-ils ouvert, en 2005 et 2006, une issue pour en finir avec la politique de Chirac et Sarkozy ? Ces opposants à Hollande et Royal ont-ils agit contre ce système de désignation du candidat ? Ont-ils regroupé leurs forces pour avancer une orientation et choisir un candidat pour cette orientation ?

Fabius : à gauche, vraiment ?

C'est une question clef. Certes, il avait pour lui d'avoir appelé à voter non au référendum sur le traité constitutionnel ; mais pour bien des militants, ceci ne suffisait pas à effacer la politique qu'il avait conduite quand il avait été premier ministre, puis ministre des finances ou président de la chambre des députés : une politique de défense des intérêts du capitalisme français. Il lui eût fallu avancer un programme de rupture avec la politique qu'il avait antérieurement conduite. On en était loin.

Certes, il y avait quelques propositions qui étaient un peu plus « sociales » que celles de Royal ou Strauss-Kahn, par exemple pour une augmentation immédiate du salaire minimum. Contre Royal, il a défendu la carte scolaire, refusé la mise en concurrence des universités proposée par Strauss-Kahn ; pour le reste, son crédo était : « je suis le candidat du projet socialiste », c'est-à-dire le même « projet » que les deux autres candidats, un projet qui est le plus « droitier », c'est-à-dire bourgeois et anti socialiste qu'on ait vu depuis longtemps .

Même quand il essayait de faire « gauche » et qu'il avait un créneau, il ne se distinguait pas des deux autres. Ainsi pour les Chercheurs : il fut le seul à aller à la rencontre des chercheurs ; il promit une priorité pour la Recherche, mais ne s'engagea pas à supprimer la loi dite « pacte pour la recherche » et l'agence nationale de la recherche, ni à garantir un nombre de créations de postes statutaires au CNRS.

Quant à la « défense » de la carte scolaire, cela ne suffit pas à répondre aux critiques formulées (contournement, etc) si l'on ne remet pas en cause le financement des écoles privées par l'État (premier facteur de contournement) et si l'on ne dit pas : tous les postes supprimés seront rétablis, les 50000 surveillants seront réembauchés, etc

En outre, sur des questions majeures, les trois candidats ont défendu avec le même enthousiasme les intérêts de l'impérialisme français : chacun nota la fougue des candidats, de Fabius notamment, pour saluer l'engagement des soldats français à l'étranger, et affirmer que les troupes françaises doivent rester au Liban !

Mieux : Royal a su, au contraire de Fabius, utiliser à son profit la question des 35 heures ; Fabius défendait mordicus la loi des 35 heures, demandait son extension à toutes les entreprises, et oubliait soigneusement les méfaits de la flexibilité et de l'annualisation du temps de travail, tandis que Royal mettait en évidence le fait que cette loi posait problème, parlant de « régression » pour certains salariés, de « dégradation de la situation des plus fragiles » ; ce discours a été « entendu » par bien des adhérents qui subissent les méfaits de cette loi ( et Fabius , compte tenu de son soutien à cette loi, a été incapable de montrer comment Royal, tout en critiquant la loi des 35 heures qui avait conduit à « un spectaculaire assouplissement du temps de travail», était prête à davantage d'heures supplémentaires et de flexibilité. Il suffisait de rappeler les propos élogieux de Royal à l'égard de Blair : « Face au chômage des jeunes, il a obtenu de vrais succès en recourant à plus de flexibilité et plus de sécurité » (propos rapportés par le Financial Times du 2 février).

On peut prendre d'autres exemples : ainsi Fabius, qui lui aussi soutient le Service civique obligatoire, était de ce fait dans l'impossibilité de combattre Royal quand celle-ci fait l'éloge du travail obligatoire non payé (ou vaguement indemnisé), par exemple quand elle propose que les étudiants les plus âgés soient obligés de faire du soutien aux jeunes étudiants, et que les étudiants soutiennent les lycéens (alors que la réponse, c'est : embauche massive de tous les personnels nécessaires).

Dans ces conditions, le dispositif en place était un vrai traquenard pour les militants du PS : au lieu que ce soit le premier secrétaire qui fût le candidat de son parti, on a procédé par l'élection directe d'une « personne », la désignation par « la base » d'un candidat parmi trois qui se réclamaient du même programme : cette pratique plébiscitaire a été introduite par Jospin (qui s'en est servie pour prendre la place d'Emmanuelli), elle est le décalque du fonctionnement bonapartiste de la 5° république, celle d'un « homme » ou d'une « femme » qui s'adresse directement à son peuple par dessus les instances du parti (En Grande-Bretagne, le chef du parti majoritaire devient traditionnellement le chef du gouvernement : Royal évacue cette question quand elle prend modèle sur Tony Blair...). Ce mode de désignation devait être combattu ; il a été accepté par toutes les composantes du PS.

Les militants ont donc dû choisir entre trois candidats dont deux représentaient des configurations classiques au sein du PS : Fabius dans la continuité d'une tradition à l'œuvre depuis 25 ans (quelques promesses sociales ...et le maintien de l'ordre social actuel), et Strauss-Kahn dans le rôle décomplexé du « social-libéralisme », c'est-à-dire l'affirmation franche que le PS ne fera pas fondamentalement d'autre politique que celle qu'il a faite dans le passé. Aussi a-t-il eu le plus grand soutien à Paris, et l'appui de Rocard et de JM Bockel.

Dans cette situation, un grand nombre de militants, entraînés par les sondages en faveur de Royal, a considéré qu'il valait aussi bien voter pour Royal...Celle-ci, dès le Congrès du Mans, a manifesté ostensiblement son dédain pour les discussions qui avaient lieu sur le programme du Parti en n'intervenant pas dans les débats ; elle a confirmé son attitude en expliquant il y a peu que le « projet » adopté en juin « n'était pas le petit livre rouge ». Elle a voté les deux, et a parlé d'autre chose...en misant sur le fait que la masse des adhérents avait déjà oublié ces deux documents ! Dès lors, Fabius qui répétait : « je suis le candidat du projet » parlait dans le vide et a obtenu un score à la hauteur de l'estime que les militants portent à ce projet...

La seule raison solide qui pouvait pousser les militants à se dresser contre Royal, c'est le fait que Royal a joué la carte du populisme, celle d'une candidate qui passe par-dessus le parti en créant son association « désir d'avenir », qui met en avant des « valeurs » empruntées au cléricalisme : « l'ordre juste » à toutes les sauces (« l'ordre juste à l'école...l'ordre juste dans les relations internationales...l'ordre juste économique.. »), cet « ordre » cher au pape. Ce n'est pas pour rien que Royal s'est exclamée il y a quelques temps : « je ne laisserai pas insulter Dieu ! ».

Et un nombre significatif de militants a combattu Royal pour cette raison. Mais nombre de militants du PS ont délaissé toute référence au combat contre « le coup d'État permanent » que sont les institutions de la V° République. Le PS s'est noyé dans le fonctionnement des institutions gaullistes. La masse des adhérents trouve désormais « normal » que le président de la République soit élu au suffrage direct et, de même, que soit choisi directement par les adhérents le candidat du PS à l'élection présidentielle. Sont-ils fautifs ? La responsabilité n'en revient elle pas à tous les dirigeants qui, avec la synthèse du congrès puis le « projet », ont accepté une nouvelle fois la préservation de la V° République avec le rôle fondamental du président ? Les militants ont donc pu voir à la télévision Fabius réaffirmer le rôle du président (en matière de politique internationale ou en ce qui concerne le recours à l'arme nucléaire) et Strauss-Kahn revendiquer un président qui gouverne véritablement...Pour les militants , tout était brouillé. Ils ont donc choisi Royal. Ce n'était pas inévitable.

Une autre issue était possible

La seule alternative était de s'appuyer sur la mobilisation des masses, et sur l'aspiration profonde de la jeunesse, de la population laborieuse, à en finir au plus tôt avec cette politique, ce gouvernement. Dès les élections de mars 2004, la bataille politique devait être engagée : « ce gouvernement est minoritaire, il n'a plus aucune légitimité, il doit partir ». Tout dirigeant du PS qui aurait martelé sur ce thème aurait aussitôt obtenu l'appui de la grande masse des militants, au moment où Hollande et Buffet réaffirmaient que Chirac était légitime et devait rester jusqu'en 2007. Et Royal aurait été marginalisée, elle qui déclarait au moment où Raffarin perdait l'élection régionale de Poitou- Charente : « Une claque pour Raffarin ? -Ce n'est pas mon problème...J'ai mon sillon participatif à creuser ». Mais Royal, sous une autre forme, disait alors la même chose que Hollande : il ne faut pas virer Chirac et le gouvernement Raffarin.

Rappelons la déclaration de Hollande : « Notre objectif est de faire revenir Chirac au mandat du 5 mai 2002 dont il s'est écarté, cyniquement ». Monstrueuse déclaration ! Car le cynique, en l'occurrence, c'est Hollande qui a appelé à voter Chirac en 2002, lui apportant un score électoral dont Chirac s'est très naturellement servi pour faire SA politique. Et Hollande savait parfaitement, en 2002 comme en 2004, que Chirac, tant qu'il serait au pouvoir, ne ferait pas d'autre politique que celle du Medef.

Mais pour Hollande, ce qui a compté jusqu'à aujourd'hui, c'est de préserver la V° République, d'où la continuité du « mandat » qu'il donnait à Chirac : que celui-ci gouverne jusqu'en 2007. C'est donc en rompant avec ce soutien à Chirac qu'une opposition pouvait s'organiser dans le PS.

Une opportunité apparut à l'occasion du référendum sur le traité constitutionnel. Hollande et Royal, l'essentiel de l'appareil du PS s'engagèrent dans le soutien à Chirac et pour le Oui au traité. La masse de la population, avec les militants du PS, se dressa peu à peu contre le traité. Fabius prit position, et Emmanuelli plus tard. Le OUI fut battu le 29 mai 2005, et Chirac avec. Encore un fois, il était possible et nécessaire de mener campagne pour le départ immédiat de Chirac ; au sein du PS, alors que Hollande était déstabilisé par la défaite du Oui, il y avait une brèche majeure. Fabius et Emmanuelli l'ont soigneusement colmatée. Ils ont préféré préparer le congrès, laissant croire qu'enfin les choses allaient changer au PS : chacun se souvient de la formidable entourloupe, la motion de synthèse, celle-ci étant d'autant plus simple à réaliser qu'il n'y avait pas de gouffre entre les motions préparatoires. Hollande, avec Royal, étaient sauvés.

C'est la mobilisation dans la rue, la vague de grève et de manifestations, qui offrit en 2006 la dernière opportunité pour en finir avec Chirac et, au sein du PS, avec une direction protégeant Chirac : au printemps 2006, la très puissante mobilisation contre le CPE révéla les capacités de combat des jeunes et des travailleurs et leur volonté de briser l'offensive de Villepin et Chirac ; Le PS et le PCF, avec les syndicats, durent exiger le retrait du CPE, renoncer à le négocier. Chirac fut battu. Beaucoup de manifestants l'avaient exprimés : « Chirac, Villepin, Sarko, qu'ils s'en aillent ! ». Mais Fabius et Emmanuelli se sont tus. La direction du PS a choisi de respecter les échéances électorales ; et Royal, silencieuse et déstabilisée pendant les manifestations et la grève des Universités, put remettre en route le désir de son propre avenir.

Autrement dit : tous les responsables du PS qui s'étaient prononcés pour le Non au traité ont consciencieusement saboté toutes les possibilités, exceptionnelles, qu'il y avait pour regrouper au sein du PS une force politique significative afin de mettre en échec la politique de Hollande. C'est ce qui explique le désarroi des militants du PS : où était la boussole ? Il n'y en avait pas.

Placer les contradictions là où elles sont

Or, à défaut d'une boussole dans le PS, les militants, la masse des adhérents, comme la grande masse de la jeunesse et des travailleurs, avaient et ont plus que jamais un repère et un objectif: en finir coûte que coûte avec la politique du gouvernement, avec Chirac, Sarkozy, et tout autre successeur du même type. En nombre sans cesse croissant, à tort ou à raison, ils pensent que désormais tout est renvoyé aux prochaines élections, que la préparation de celles-ci va jouer un rôle de plus en plus important. N'ayant plus aucun repère dans le PS, - toute opposition, aussi timorée soit elle, s'étant noyée dans la double synthèse du congrès et du projet -, les militants ont largement « joué » la dernière carte qui leur est apparue : ils ont voté pour la candidate des médias et des sondages, la seule qui leur a semblé pouvoir virer Sarkozy et l'UMP ; et ils l'ont fait d'autant plus que la plus grande part de l'appareil s'est engouffré derrière Royal et a poussé à voter Royal .

Certains disent aujourd'hui, et cherchent ainsi à se consoler, que ce vote serait contradictoire, que la recherche du « vote utile » exprime une volonté d'en finir avec cette politique, une volonté d'en découdre qui rejaillira bientôt, que ce vote prépare la défaite de Sarkozy, etc...Mais il ne faudrait pas confondre la mayonnaise (eau et huile, ça semble contradictoire !) et les antagonismes actifs, confondre la contradiction avec la confusion : la dialectique, ce n'est quand même pas la bouillie pour les canards !

Ce que ce vote exprime, c'est d'abord la confusion, le désarroi politique. Et si contradiction il y a, ce n'est pas le vote lui-même qui est contradictoire, c'est la situation politique marquée par la contradiction entre la nécessité de combattre la politique anti-ouvrière du gouvernement et l'absence d'outil adéquat, l'absence d'un parti indispensable pour mener un tel combat. Et ce qui en découle immédiatement, c'est que le résultat de ce vote est un succès pour ceux qui défendent l'ordre social tel qu'il est ; c'est un coup sévère porté au Parti socialiste, un pas en avant dans sa possible liquidation. C'est un succès pour les groupes financiers qui ont impulsé cette campagne, c'est-à-dire pour la bourgeoisie. C'est une revanche pour tous ceux qui n'ont ni accepté ni digéré la défaite du Oui au traité constitutionnel : le gouvernement, les groupes financiers, et les « barons » du PS. Ceux-ci ont impulsé la candidate qui dit vouloir « changer la politique » pour que rien ne change. Et ils ont gagné. Pour un temps.

Ne pas le reconnaître, c'est se préparer d'autres échecs. Analyser à fond cette situation et ses causes, c'est permettre de surmonter, rapidement peut-être, cet échec. La pire des erreurs, ce serait d'en tirer des conclusions précipitées et, pour certains, « intéressées », sur le thème : « le parti socialiste, c'est foutu, c'est pareil que Bayrou, c'est la bourgeoisie...allons au PCF, à la Lcr ;etc... ». L'erreur symétrique, avec Gérard Filoche, c'est de faire l'économie d'un bilan sérieux, et de préparer les élections avec Royal.

Que faire ? On l'aura remarqué, ces premières notes se taisent sur les suites tactiques, ne répondent ainsi pas aux questions qui déjà se font jour : que faire des « collectifs antilibéraux» (4000 présents à Montpellier) ? Comment agir dans les mois qui viennent ? Quelle politique mener à l'égard des militants qui ont voté Royal, des travailleurs qui voteront Royal ? Comment mettre en avant maintenant les revendications ? Ces questions méritent réponse. Mais la première urgence, c'est réfléchir sur le bilan et en débattre.

En ayant conscience que la question du PS reste une question centrale. A preuve : tout était suspendu depuis quelques semaines au combat à l'intérieur du PS. Aussitôt le vote achevé, le gouvernement et Sarkozy reconsidèrent leur dispositif, le PCF convoque une réunion extraordinaire de direction, etc.

Et en ayant conscience que la question centrale demeure celle du programme, qui prime sur toutes les considérations tactiques.

SG


S, je suis d'accord avec ton analyse, mais

Tu fais l'impasse dans ton analyse sur nous FM/DS

Pourtant:

Nous avons mené la campagne du non

Nous avons rejetté la synthèse

Nous avons voté contre le projet et proposé notre projet alternatif.

Tu n'es pas sans savoir que Gérard Filoche et d'autres ont mis en discussion une candidature issue de nos rangs , que cette discussion a vite avorté parce que Marc Dolez et d'autres issus de FM ont demandé un soutien rapide à Fabius.

Un certain nombre d'entre eux (en particulier JP Blot) ont aujourd'hui une analyse style" le 16 Nov 2006 c'est l'Aout 14 pour le PS Français"

Tu évacues un peu trop l'analyse de la contradiction béante entre les aspirations de nombre de militants ayant voté Ségo et la volonté des éléphants de préserver leur précaré, entre ces mêmes aspirations et le contenu concret blairiste que porte Ségolène ou des miasmes "socialiste national autoritaire et populaire" que portent certains de ses plus proches soutiens (Dray, Bouthi, Batho, Valls)

Or cette contradiction est porteuse d'espoir pour nous: les militants n'ont pas avalisé , n'ont pas choisi le programme de Ségo, ils y ont cru y entendre une volonté de démocratie participative, de renouvellement dans un parti corseté par les différents morceaux d'appareils qui se distribuent les rôles au proratas des voix obtenus par les différentes motions.

En effet avant la mise en place de FM/DS, tous les courants de gauche, GS inclue n'étaient en quelque sorte que des courant "opposants à sa Majesté", c'est à dire procédant en définitive de l'appareil et de sa sauvegarde.

Cette contradiction je l'ai vu à l'¦uvre dans ma section où 30 camarades ayant voté Ségolène se sont dit d'accord avec le programme de Fabius

Ce qui a donné 56 Ségo, 40 Fabius et 9 DSK

Cela ferait 26 Ségo, 70 programme de Fabius, 9 DSK

Tu minimise l'aspect progressiste de certaines propositions Fabius:

Logement: l'état se substitue aux communes pour le 20% de logements sociaux

Sécu: création d'un 5ème risque dépendance

Europe: pas de nouvelle entrée sans constitution européenne, sans progrès vers l'harmonisation sociale et fiscale.

Cette radicalisation du programme de Fabius (dans le cadre qualitatif de ton analyse que je partage) explique que le courant Fabius stricto sensus s'est effondré: certains partant vers Ségolène, d'autres vers DSK.

On ne peut impunnèment construire un réseau sur des thèmes libéraux pour passer à une ligne à vocation antilibérale.

Dans ma fédé la Haute Garonne, 5ème fédé avec plus de 7000 inscrits, et 5800 votants, j'ai fait une analyse détaillée section par section du vote de nos 123 sections.

On se rend compte que sur les 956 votants Fabius

* 420 viennent de la Motion 5

* 50 environ de nouveaux adhérents

*50 à 80 de Jospinien (Motion 1)

Ce qui laisse environ 400 issus de la Motion 2 qui avait fait 550 voix au Congrès.

Parmi les 420 Motion 5 nous trouvons

230 voix venant de nous FM/DS (nous avons perdu une centaine en route depuis le dernier Congrès)

une quarantaine de Poperennistes/Emmanuellistes (perte de 40)

150 issues de RM

Parmi les 400 motion 2 on peut distinguer 130/150 voix PRS, ce qui laisse les Fab à 250/270

Quel est l'intérêt de tels chiffres?

Nous pouvons peser sérieusement pour la reconstitution d'une vraie gauche autour de nous.

En tenant compte du fait que les cdes proches de FM qui ont voté Ségo (entre 80 et 100) n'ont pas rompu politiquement, programatiquement avec nous et que certains nous ont fait savoir qu'ils voulaient rester à FM

En tenant compte du fait que la majorité de Popi/emmanuellistes locaux ont refusé la synthèse et que certains ont collaboré avec FM depuis Janvier

En tenant compte du fait que les 150 issus de RM peuvent se tourner vers nous et que les principaux animateurs participent déjà depuis quelques mois à nos réunions,

Nous pouvons compter sur environ 500 votants (8,6%) dans la fédé pour entamer la suite du combat politique (nous comptions sur 320 il y a un an (8,2%)

La bataille me semble être celle du programme présidentiel dont chacune des propositions nouvelles devrait être selon nous soumise au vote "participatif" des militants.

Cette bataille ne résume pas nos tâches dans la situation. C'est elle qui nous donnera les meilleurs résultats pour entamer la reconstruction d'une gauche réellement indépendante des appareils cette fois ci.

P T


Quelques mots sur ce débat.

D'abord Gérard a fait ce qu'il fallait faire en diffusant tous ces mails, même si beaucoup comme moi n'ont pas forcément eu le temps de tout décortiquer. C'était nécessaire.

Ensuite il me semble qu'il nous faut envisager sérieusement de nous réunir, d'ici Noél. C'est trés important.

C'est trés important car je trouve qu'il y a beaucoup de messages trop expéditifs, trop convaincus dans un sens ou dans l'autre.

Des messages de camarades qui trouvent dur mais évident que maintenant il n'y a rien d'autre à faire que faire campagne pour SR. Ils vont trop vite. Pourquoi ? Parce qu'ils ne mesurent pas l'ampleur de l'opération réactionnaire qui est là. Battre Sarkozy, bien sûr, mais si des secteurs du capital, de l'Etat et des media estiment que Sarkozy c'est l'affrontement social rapide, qu'il vaut mieux différer, nous faire une stratégie d'enveloppement et nous faire en somme le coup de Blair avant Thatcher (en sachant que c'est pour nous mettre Thatcher à l'arrivée de toutes façons) ? Si le plan c'était que SR draine des voix du centre, de droite et d'extrême-droite qui resterons des voix du centre, de droite et d'extême-droite mais se porteront sur elle dans le cadre d'une sorte de projet bonapartiste de restauration de la V° République (même si le Montebourg de service sera là pour nous certifier que ce sera la VI !) ? Si le but c'était une espèce d'union nationale liquidant le PS et ouvrant par là même la voie à la casse de la résistance sociale dans ce pays, à Thatcher ? Des socialistes ne pourront pas appeler à voter pour elle et soutenir une telle opération, et cela ne concerne pas que FMDS.

D'autres messages de camarades trouvent tout aussi évident que le PS a changé de nature, il y en a qui nous rappellent qu'ils le pensent depuis longtemps, et qu'il faut foutre le camp tout de suite. Eux aussi vont trop vite? Pourquoi ? Mais parce que de trés larges secteurs pensent ou aimeraient pouvoir voter SR tout simplement contre la droite et Sarkozy.

Vous noterez d'ailleurs que dans la petite analyse rapide que je suggère là, la gravité du danger Ségolène est liée au caractère bonapartiste de liquidation du PS de son opération. Pas question donc de quitter le PS. Mais pas question non plus de soutenir l'orientation politique qu'elle veut donner à sa campagne si celle que je crains. Et, dans ces conditions, il est tout à fait possible de mettre les pieds dans les collectifs antilibéraux quand c'est utile et possible sans pour autant "romptre" (que je sache d'ailleurs même Mélenchon se garde bien de dire qu'il "rompt" ! ), mais on ne peut pas fonder une politique sur le pronostic que là serait automatiquement la solution, parce que ce n'est pas le cas.

Le point de vue nuancé que j'essaye de donner ici ne vaut, ajouterais-je, que pour un temps, quelques semaines sans doute.

Quelques semaines décisives pour notre discussion, pour notre cohésion, pour le socialisme !

V P


gerard,

de tout ce que j'ai lu a present, je trouve les propos de VP les plus realistes et convaincants. c'est ma ligne egalement, dans une large mesure.

pas le temps developper, mais bientot. la ligne de jean-jacques et la tienne passent mal. ce n'est pas simplement une question de formulation: le royalisme, ce n'est pas le jospin de 2002. c'est un defi autrement plus serieux au PS et a la gauche. on ne peut donc pas continuer avec les memes strategies et mots-d'ordre que par le passe.

ce que propose VP me semble prudent, correct et bien vu.

P


Question: peut on être exclu du ps en faisant parti du collectif anti libéral?

merci pour ton point de vue.

Bonjour,

Non, mais le plus important est un problème de positionnement,

Nous sommes - à fin de gagner contre la droite - pour l'unité de toute la gauche, pas seulement pour une unité partielle d'une gauche de la gauche qui s'opposerait à l'autre...

l'idée d'un désistement automatique entre les deux parties de la gauche pour le second tour est impérative

Et en tant que socialistes nous continuons à influencer, à partir de ce que nous croyons, autant que nous pourrons et là ou nous sommes, dans le parti socialiste, sur le contenu de la campagne de celle qui sera le mieux placée au second tour...

Bien a toi, Gérard


Bonsoir P,

Faire campagne avec ceux qui ont voté SR pour les convaincre ? Pourquoi pas, mais quelle campagne ? Soit il s'agit de la campagne dont la candidate fixera le contenu et dans l'état actuel des choses c'est hors de question. Sa campagne de désignation n'était pas totalement sans contenu et celui-ci est quasi-totalité indéfendable, pire, diviseur, droitier et nuisible à la gauche.

Soit nous comptons sur une campagne autonome vis-à-vis de la candidate mais celle-ci ne peut guère s'appuyer sur autre chose que l'invocation du vote utile. Mais en l'état actuel l'appel au vote utile est pire qu'inopérant, il est lui aussi diviseur à gauche puisqu'il revient à affirmer que toute autre candidature de gauche est inutile. Le vote utile peut être invoqué dans le cadre d'un second tour contre la droite, voire en bout de campagne si il se dessine quelque chose de similaire au 21 avril, pas maintenant quand le reste de la gauche a le droit légitimement d'espérer en une autre représentation que Royal au second tour (et que l'on croit ou non la chose possible!). D'autant plus que nous seront largement plus en accord avec les propositions des autres candidats que de celles de la notre!

Je ne vois pas comment faire autrement en tant que courant d'idée que de conditionner notre participation à la campagne au contenu qu'aura cette campagne. Et, à ce niveau, le pire n'est pas exclu. Il est absolument incroyable que la candidate investie se soit totalement abstenue de parler du rassemblement de la Gauche. Pour ce qui est des propositions issues du très droitier projet de juillet, il me semble bien qu'il n'y a que cette stupidité du service civil qui aie trouvé grâce à ses yeux! Les siennes propres même imprécises ou enrobées d'un verbiage gauche ("terroriser les capitalistes") tiraient pratiquement toutes dans le sens de la régression ou y préparaient le terrain.

Bien entendu, je ne crois pas du tout que le vote Royal soit le produit d'une adhésion à ses idées et propositions et qu'il faille renoncer à influencer ou convaincre ses supporters. Mais ça suppose aussi de savoir poser des conditions claires à notre soutien. Autrement, non seulement nous n'influencerons rien mais risquons de nous isoler.

Nos conditions peuvent être parfaitement comprises. Le vote à 60% pour Royal est souvent uniquement l'expression d'une préférence entre trois candidats dans une campagne interne dont les enjeux politiques ont été systématiquement escamotés. Il n'y a pas pour autant de vague populaire en sa faveur. En 2002 Jospin dans une triangulaire du même type aurait fait plus de 80% et là encore la vague populaire n'était pas au rendez-vous!

En tous cas, je pense que la revue doit rester sur l'axe de ce qui unifie à gauche, dans toute la gauche et ce ne sont pas des appels à voter utile pour Royal. Après chacun fait ce qui lui semble utile en tant que militant PS.

Autre chose qui me semble importante : ne pas baser la conduite à tenir sur des pronostics ! Je suis d'accord globalement avec l'analyse de Vincent Présumey et en particulier sur le fait qu'il faut parfois savoir se donner du temps de réflexion.

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