GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur

Du bon usage du mot voyou…

Nous reproduisons ici un article de notre ami Richard Bloch, conseiller CGT du salarié. Il est paru dans la revue Démocratie&Socialisme de février 2016.

Il y a peu de temps un premier ministre français, à propos de chemise, traitait quelques syndicalistes de voyous. Et si on revenait sur le terme et les différentes traitements desdits voyous par la loi.

Que nous dit notre bon vieux Larousse à propos de ce mot ? Individu de mœurs crapuleuses, qui fait partie du milieu. Garçon qui traîne dans les rues, plus ou moins délinquant. Enfant terrible, garnement : petit voyou. Que nous apprend l’étymologie ? Du latin via – voie – : littéralement « celui qui court les routes ». Voir chemineau et vagabond.

Il est vrai que parfois le sens des mots échappe au premier ministre. Dernièrement, il a encore confondu « comprendre et excuser ». Inspiré par Clémenceau, il utilise à propos de travailleurs du transport aérien un qualificatif dérivé du mot chemineau qui lui-même donnera plus tard le terme « cheminot », c’est-à-dire travailleur des chemins de fer. Il a ainsi, sans le savoir, tracé un trait d’union entre plusieurs catégories de salariés du transport. L’ancien cheminot que je suis y est particulièrement sensible.

Gageons cependant que l’emploi du terme « voyou » visait bien le délinquant qu’il voyait dans l’arracheur de chemise. Tant qu’à parler de délinquant, autant prendre des poses et allier rodomontades avec coups de menton pour estimer que ces voyous-là devaient être sanctionnés comme tous les autres. Et vraisemblablement donner les instructions nécessaires. Tous les autres… ?

Voleurs de salaire…

Appelons une canaille une canaille et interrogeons-nous sur le traitement des délinquants qui volent le salaire dû aux salariés qu’ils emploient ? Avec la loi de sécurisation de l’emploi (2013), la prescription des arriérés salariaux (en bon français : le délai durant lequel un salarié peut demander à la justice le paiement de salaires dus) est passé de 5 à 3 ans. On s’interrogera vainement sur la question de savoir ce que ce raccourcissement de deux ans a à voir avec la sécurisation de l’emploi. Personnellement, j’y vois plutôt un bonus donné à certains employeurs malfaisants qui « oublient » de payer des salaires (comme d’autres oublient de payer leurs impôts sans doute).

Le gouvernement fait donc en matière sociale le contraire de ce qu’il fait en matière pénale : il amoindrit la sanction encoure. Quel en est le but ? À moins de croire – comme un vulgaire cabinet « angélique » dont il se défend pourtant d’être – que l’affaiblissement des peines fera baisser le nombre de délits, l’opération fait gagner deux ans de salaire aux voyous atteints de phobie administrative.

Mesure après mesure, le gouvernement persiste dans la même logique. Il vient en effet d’annoncer qu’il prendra des mesures pour limiter les indemnités prud’homales en cas de licenciement. Le MEDEF en a rêvé, Macron l’a tenté, Hollande va le faire.

Encouragement à l’escroquerie

Indépendamment du principe scandaleux qui consiste à limiter le risque encouru par un voleur, l’employeur qui serait tenté par l’aventure pourra donc beaucoup mieux calculer le risque qu’il prend. Il pourra provisionner les sommes correspondant au maximum légal et « jouer » sans prendre aucun risque. Je ne vois pas comment appeler cela, si ce n’est un encouragement à l’escroquerie. À voyou, voyou et demi !

C’est certain, si on les autorise à ne pas payer la totalité des salaires, les patrons vont embaucher. C’est une façon d’inverser la courbe du chômage à laquelle je n’avais pas pensé !

N’en déplaise à Valls, les voyous ont au moins une morale : celle de la parole donnée.

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