GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur Actions & Campagnes politiques

Discours de présentation de la réforme par Jean-Pierre Raffarin devant le C.E.S.

Discours de présentation de la réforme par Jean-Pierre Raffarin devant le C.E.S.

(Version provisoire, seul le prononcé fait foi)

Monsieur le Président du Conseil Economique et Social, Messieurs les Ministres, Mesdames et Messieurs les membres du Conseil Economique et Social,Mesdames, Messieurs,

J'ai choisi de vous présenter l'architecture de la réforme que les Françaises et les Français attendent pour garantir leurs retraites. C'est un temps fort de l'action de mon Gouvernement.

Ici, au Palais d'Iéna, haut lieu de notre démocratie sociale, devant les représentants des forces vives de la nation. Je connais bien votre assemblée, depuis longtemps, je suis vos débats, j'apprécie votre diversité, je respecte votre avis.

Maintenant, car la réforme a trop tardé, souvent annoncée toujours repoussée. Le choc de 2006 est programmé, le « scénario de l'inacceptable » a été décrit… et pourtant, tant que le navire n'a pas heurté l'iceberg, la croisière continue.

L'esprit de mission, qui a caractérisé la nomination de mon Gouvernement, m'oblige. L'esprit de Mai, qui a surmonté les soubresauts républicains du printemps dernier, m'engage.

Je ne vous propose pas une réforme comptable, même si les finances n'en sont pas absentes. Il s'agit de mémoire pour ne pas dire d'histoire. Il s'agit des devoirs d'une génération, voire d'une mission de la Nation. Je n'oublie pas, en 1945, à la Libération le Conseil National de la Résistance proposait de donner « une retraite permettant aux vieux travailleurs de finir dignement leurs jours ». Aujourd'hui où la sécurité est devenue une préoccupation à la fois globale et générale, je n'oublie pas les sources de notre Sécurité Sociale.

Les avancées sociales fondamentales furent obtenues dans un large consensus. Avec sagesse, notre pays a su donner corps à des principes qui font aujourd'hui sa fierté. 50 ans après, fidèles à ces principes, je nous souhaite la même sagesse, la même lucidité.

La génération à laquelle j'appartiens est maintenant face à ses devoirs. Nous avons une dette vis-à-vis de la génération précédente qui a investi pour nous et nous avons un devoir pour donner aux générations suivantes de meilleures conditions de vie.

Avec le niveau de notre dette nationale qui a triplé en 20 ans et qui représente aujourd'hui 60% de notre P.I.B. nous nous sommes déjà largement défaussés sur l'avenir. Le temps de la responsabilité est venu.

La réforme qui est devant nous exige un sursaut de solidarité, un dépassement des égoïsmes, une ambition collective.

J'ai entendu avant-hier dans les rues les préoccupations des manifestants. Je comprends que la complexité du sujet inquiète. Si ce n'était pas difficile, il y a longtemps que cela serait fait.

J'ai aussi entendu ceux qui me demandent de conclure le dialogue social, sur ce sujet, avant qu'il ne soit ouvert. Je ne tomberai pas dans ce piège : le Gouvernement sera précis pour définir le cadre de la réforme, ouvert pour débattre des modalités, ferme pour arrêter le calendrier. L'avenir de nos retraites a besoin de justice et de courage. Chacun le ressent aujourd'hui : la justice de la République a besoin du courage de la Nation.

La retraite est bien plus qu'un acquis social, c'est le cœur de notre système de solidarité. En instaurant un véritable pacte entre les générations, elle a brisé cette fatalité séculaire qui faisait de la vieillesse le temps du repli, de la pauvreté et même souvent du dénuement. Conjuguée aux progrès de la médecine, la solidarité active de notre système de retraite a créé un nouvel âge de la vie : après le temps des apprentissages et de la formation, après celui du travail et de la construction familiale, il y a maintenant un nouveau temps, un temps pour soi et pour les autres, un temps d'accomplissement personnel, plus serein et plus sûr. Un temps qui est désormais attendu. Un temps où le choix de l'activité bénévole ou professionnelle reste possible.

Aujourd'hui, la retraite, ce pilier de notre équilibre social, est déstabilisé par une évolution démographique défavorable dont il faut prendre la pleine mesure.

L'enjeu est clair. Nous devons sauver notre système de répartition. Et nous devons le faire ensemble.

Ne nous y trompons pas. Ce n'est pas seulement une priorité de l'action du Gouvernement. Sous l'autorité du Président de la République, je prendrai toutes mes responsabilités. Mais la réforme est aussi et surtout un test pour notre dialogue social, pour notre démocratie, pour notre pays tout entier. Aux yeux de nos partenaires européens, la France joue aussi, sur ce dossier, sa crédibilité réformatrice.

Je suis persuadé que nous sommes capables d'entendre un langage de vérité. Je suis persuadé que nous sommes capables de surmonter les individualismes et les intérêts particuliers pour le bien de tous les Français. Je suis persuadé que nous sommes capables de nous parler et de nous écouter. Le dialogue et la concertation nous aiderons à trouver les meilleures solutions pour que les efforts nécessaires soient justement partagés. C'est la marque d'une démocratie sociale adulte.

Et c'est parce que je crois en la démocratie sociale que j'ai choisi de venir devant vous exposer ce que sera l'action du Gouvernement au cours des prochains mois.

A travers vous, je veux dire quatre choses aux Français :

oui, la réforme des retraites est indispensable. Elle ne peut plus être différée. Elle passe aujourd'hui du virtuel au certain.

oui, nous pouvons dès maintenant nous entendre sur le cadre et les principes, parce que nous sommes tous attachés au maintien d'un système de répartition. J'ai entendu le slogan « sauvons la répartition ». Moi aussi je signe la pétition : c'est l'immobilisme qui tue la répartition et c'est la réforme qui la sauve ;

oui les modalités de la réforme doivent être le résultat d'un vrai débat de société faisant toute sa place à la mission spécifique des partenaires sociaux.

oui je confirme ici que nous disposons aujourd'hui de suffisamment de rapports et d'analyses pour conclure cette réforme devant le Parlement avant les vacances 2003 car le diagnostic est partagé.

D'abord regardons les réalités en face. Notre système est fondé sur un principe juste et simple : ce sont les actifs qui financent les retraites. Chaque mois, de l'ordre d'un quart du coût du travail est prélevé et immédiatement reversé sous forme de pension à ceux qui ont acquis un droit à la retraite.

Ce système est déstabilisé car nous sommes en face d'une situation facile à comprendre : le nombre de ceux qui paient diminue, le nombre de ceux qui touchent augmente. Davantage de retraités, des retraites de plus en plus longues, des actifs de moins en moins nombreux. Il y a consensus sur le diagnostic.

les retraités sont de plus en plus nombreux, car ce sont les générations du « baby boom » de l'après-guerre qui sont en train de partir à la retraite. Déjà, dans les trois ans qui viennent, le nombre des départs à la retraite va connaître une progression brutale. Alors qu'il y a aujourd'hui 550 000 départs à la retraite par an, il y en aura plus de 800 000 en 2006.

Le temps de la retraite est de plus en plus long.

Grâce aux progrès de la médecine et à l'amélioration des conditions de vie, la durée de la retraite a doublé dans les dernières décennies. Elle devrait encore augmenter de trois ans d'ici 2020 et de six ans d'ici à 2040.

Je me souviens, enfant, combien de fois j'ai entendu, après le décès d'un proche « le pauvre il n'aura pas beaucoup profité de sa retraite ». Maintenant, à 60 ans, l'espérance de vie est de plus de 20 ans (26 ans en 2040).

Les actifs seront de moins en moins nombreux

Depuis le milieu des années 1960, notre taux de natalité a baissé. Aujourd'hui, il y a un peu plus de deux actifs pour financer la pension d'un retraité. En 2040, il y en aura à peine plus d'un. En 40 ans le nombre de retraités par rapport au nombre d'actifs doublera.

Les conséquences ont été mises en lumière par le Conseil d'Orientation des Retraites dont je salue le travail parce qu'il illustre la capacité que nous avons, quand nous le voulons, de travailler ensemble. Que nous dit le Conseil d'Orientation des Retraites : les besoins de financement de nos régimes de retraites devraient être en 2020 de près de 50 milliards d'euros et de 100 milliards en 2040. Pour les couvrir, il faudrait doubler l'impôt sur le revenu d'ici 2020 ou doubler la TVA d'ici 2040. Ce n'est pas une perspective acceptable !

Minimiser les difficultés à surmonter, faire croire que le problème pourrait se régler uniquement par la croissance et l'emploi, c'est mentir aux Français. C'est prendre le risque d'entretenir nos concitoyens dans une illusion terrible pour l'avenir de notre système de protection sociale. Les Français qui prendront leur retraite en 2040 sont déjà tous nés !

Je ne laisserai pas ce problème en suspens. Des mesures courageuses ont été prises en 1993. Elles ont permis de limiter la dégradation du régime général. Ces mesures ont été complétées par les partenaires sociaux qui ont adapté les régimes complémentaires. Elles doivent être confortées mais elles ne suffiront pas.

Mon Gouvernement prendra toutes les mesures pour que les Français puissent regarder l'avenir avec confiance. C'est une question de justice et de vérité.

Une démocratie qui n'est pas capable de dire la vérité n'est plus une démocratie. Une politique qui ne sait pas préparer l'avenir se condamne elle-même. La preuve a déjà été apportée. Et une société qui ne partage pas équitablement les efforts nécessaires aurait perdu ce qui fait l'âme du lien social. J'en prends l'engagement devant vous : mon gouvernement ne laissera pas détruire le pacte social des retraites. Certains pensent qu'en France « on aime mieux parler des réformes que les faire ». J'ai sur ce point une certitude : quand il s'agit de leurs enfants les Français condamnent toujours l'immobilisme.

L'inaction conduirait à l'affrontement entre les générations et aux injustices. Ce sont les salariés les plus modestes qui souffriraient le plus du naufrage de nos systèmes de retraites. Les Français les plus aisés trouveront toujours les moyens de surmonter les difficultés par leur épargne.

Nous n'avons aucune raison d'être tétanisés face à l'obstacle. La situation que nous connaissons n'est pas insurmontable. Elle n'est pas propre à la France. Nos voisins européens y sont aussi confrontés, souvent même dans des termes plus difficiles en raison d'une natalité plus faible que chez nous. Pourtant, ils ont su réformer. Ils ont su le faire sans remettre en cause leur système de retraite. Ils ont su le faire dans le consensus et dans un esprit de responsabilité collective. C'est dans cette voie du dialogue et de l'action que je vous propose de nous engager maintenant.

Je ne suis donc pas venu aujourd'hui dicter des solutions préfabriquées.

Je suis venu vous présenter le cadre et les principes qui guideront notre action.

Je suis venu vous indiquer les étapes du dialogue social et ainsi préparer avec vous la méthode et le calendrier qui mèneront à la décision.

Je fixe quatre objectifs pour l'action autour desquels nous pouvons, j'en ai la conviction, nous réunir parce qu'ils sont au cœur de notre pacte social. Ces objectifs peuvent constituer la partie gouvernementale de l'ordre du jour des prochaines réunions du dialogue social national sur les retraites.

Le premier objectif de l'action : une réforme immédiate pour l'horizon 2020.

Ce serait une erreur de croire que tout pourrait se résoudre par une mesure unique et simpliste. Il n'y a pas de solution miracle dans le domaine des retraites. Tout système de retraite repose sur trois facteurs : le niveau des cotisations, la durée de cotisation et le niveau des pensions. Faire peser tout le poids de la réforme sur un seul de ces leviers n'aurait pas de sens. Le maintien en l'état des règles actuelles conduirait, à l'horizon 2040, soit à prolonger la durée du travail de 6 ans, soit à augmenter les cotisations de moitié, soit à réduire du tiers le niveau des pensions. Aucune de ces solutions n'est évidemment acceptable. L'ensemble des paramètres doit être sujet du dialogue social.

Pas davantage acceptable serait la tentation de vouloir résoudre tout, tout de suite. Nous n'allons pas régler du jour au lendemain tous les problèmes des décennies à venir. Nous devons prendre les décisions nécessaires pour assurer l'équilibre de nos régimes de retraite dans les quinze prochaines années et préparer l'avenir plus lointain en fixant d'ores et déjà les règles d'évolution et notamment celles du fonds de réserve des retraites qui devra être doté convenablement. Nous proposons de fixer l'horizon 2020 comme l'objectif de notre action immédiate.

Je vous propose que la réforme soit progressive. Il ne saurait être question de bouleverser brutalement du jour au lendemain les règles du jeu. Disons-le clairement : ceux qui sont déjà à la retraite ne sont pas concernés par la réforme. Et le nouveau système se mettra en place sur plusieurs années, de manière continue, ce qui permettra d'assurer les transitions nécessaires.

Nous proposons donc une réforme ajustable. Notre système de retraite doit être vivant pour pouvoir faire face aux évolutions et en tirer parti lorsqu'elles seront favorables. Chaque génération devra y prendre sa part sur la base de principes et règles que nous fixerons dès maintenant. Par exemple, l'espérance de vie s'accroît de deux mois en moyenne par an. Grâce à elle le temps de la retraite augmente. Il nous faudra trouver les moyens de mieux partager cet allongement entre l'activité et la retraite. Ainsi, au-delà des décisions que nous prendrons cette année, il me semble nécessaire que, sur la base d'un suivi auquel seraient partie prenante les partenaires sociaux, il soit procédé aux ajustements utiles selon une périodicité à définir comme, par exemple, tous les cinq ans.

Je l'ai dit, le Gouvernement entame cette concertation avec détermination mais sans solutions définitives. Je suis ouvert à toutes les propositions. Mais il y a un point sur lequel je ne transigerai pas : le projet que nous présenterons aux Français doit garantir une protection effective de leurs retraites. Nos concitoyens attendent de nous une vraie réforme, c'est maintenant ou… maintenant.

Le second objectif de l'action, c'est le niveau des retraites. Cela veut dire d'abord que le pouvoir d'achat des retraités doit être assuré. Les Français doivent avoir un bon niveau de retraites.

Bien sûr, garantir les retraites ne veut pas dire que l'on s'interdise a priori d'améliorer le système. J'ai entendu des syndicats qui soulèvent cette question. Pour moi, elle ne constitue évidemment pas un tabou, mais elle doit être examinée avec réalisme et sans surenchère. Je ne mésestime pas les réalités. Même si le niveau de vie des retraités est aujourd'hui en moyenne comparable à celui des actifs, nous savons tous qu'il y a encore beaucoup de petites retraites. Nous savons aussi que certains Français ont commencé à travailler très jeunes, que le caractère pénible de certaines activités pose questions.

Ces questions, nous les nourrirons dans le dialogue mais sans occulter une réalité toute simple : toute amélioration des retraites alourdira le besoin de financement à venir et ajoutera aux efforts à entreprendre pour préserver notre système de répartition. S'il n'est pas question de remettre en cause l'âge légal du départ à la retraite à 60 ans, qui est un acquis social, nous devons reconnaître que par rapport à nos voisins, il ne serait pas réaliste d'ouvrir largement les possibilités de départ avant 60 ans.

Le troisième objectif de l'action, c'est respecter le principe de justice.

Cela ne signifie pas uniformité de traitement. Après la guerre, notre pays n'a pas fait le choix d'un système de retraite unique. Au contraire, il existe une trentaine de régimes de base ! Ces régimes ont chacun leur histoire, leur logique, liées à une activité particulière ou à un statut. Cette réalité, il faut la comprendre et en tenir compte sur la base de deux idées.

D'abord, il faut respecter ce qui fait le fondement de ces régimes. Par exemple, les régimes spéciaux s'inscrivent en général dans des logiques d'entreprises. C'est donc dans le cadre de véritables projets d'entreprise qu'ils pourront évoluer. C'est cette logique de réforme qui a été mise en œuvre à EDF et GDF et que le Gouvernement soutient.

S'agissant de la fonction publique, je me refuse à opposer les fonctionnaires et les salariés du secteur privé. Je n'accepte pas que des appréciations sommaires conduisent à présenter les salariés du service public comme des privilégiés. Ils ont des obligations spécifiques fixées dans leur statut, un statut qui a une histoire et une cohérence.

Mais le respect de la diversité ne doit pas conduire à ériger une barrière entre deux mondes : celui des salariés et celui des fonctionnaires, car à terme, on risquerait précisément de les dresser l'un contre l'autre.

Même si les retraites dans la fonction publique ont leur spécificité, les problèmes liés à la démographie sont les mêmes. Si l'on ne fait rien aujourd'hui, l'Etat devra demain soit réduire le niveau des pensions, ce qui n'est pas acceptable, soit augmenter massivement les impôts pour les payer et risquer ainsi d'ouvrir un véritable conflit entre le pays et ses fonctionnaires. A l'horizon 2020, alors qu'ils représentent 20 % des actifs, les besoins de financement des régimes de fonctionnaires devraient représenter plus de 60 % des besoins globaux des régimes de retraites, il y a donc nécessité d'agir pour eux comme pour les autres.

La prise en compte des spécificités de la fonction publique ne doit pas faire obstacle aux exigences de l'équité qui veulent que la situation de personnes placées dans des situations comparables soit harmonisée. Je pense notamment aux durées de cotisation. De tout cela, il nous faut débattre de manière ouverte avec le souci de l'intérêt général.

Le quatrième objectif de l'action, c'est la croissance de notre taux d'activité.

Avant même de répartir la richesse entre actifs et retraités, il faut songer à la créer. Il faut faire tourner à plein le moteur de notre économie, c'est-à-dire la capacité créatrice des Français. Et pour cela, nous devons renforcer tout ce qui alimente l'activité : le dynamisme démographique, la liberté de choix, la création et la défense de l'emploi, le retour de la croissance…

Cela passe par une politique familiale active pour permettre à chaque famille d'avoir le nombre d'enfants qu'elle souhaite. Nous répondrons ainsi à un désir profond de nos concitoyens. Nous garantirons la vitalité de notre société. Et nous aurons aussi de nouveaux actifs pour payer les retraites de demain. Si, par exemple, notre taux de fécondité revenait à 2,1 enfants par femme - nous sommes actuellement à 1,9 - c'est près de 10% du besoin de financement des retraites en 2040 qui serait couvert. C'est pourquoi la réforme des retraites ira de pair avec un effort accru de la Nation pour faciliter l'accueil de l'enfant. Nous définirons cette réforme avec le mouvement familial et les partenaires sociaux lors de la prochaine conférence de la famille qui se tiendra avant l'été.

La réforme des retraites suppose aussi une politique de l'emploi volontariste. Il faut créer les conditions d'un recul durable du chômage par la libération des énergies. C'est tout le sens de l'action du Gouvernement que je dirige.

Le gouvernement est mobilisé. Certes la situation conjoncturelle de l'emploi n'est pas satisfaisante. Le gouvernement met tout en œuvre pour l'emploi : contrat jeunes en entreprise, baisses des charges, dynamisation des créations d'entreprises… Il nous faut structurellement créer plus d'emplois que, malheureusement, il s'en détruit. C'est pourquoi je souhaite intensifier nos efforts avec le concours de l'ensemble des partenaires sociaux.

C'est pourquoi je demande au Ministre du Travail et des Affaires Sociales d'organiser la réunion avant la fin de ce mois d'une conférence de mobilisation nationale pour la formation tout au long de la vie et l'emploi, en vue notamment de mettre en place l'assurance emploi que le Président de la République a appelée de ses vœux. Indemniser les demandeurs d'emploi grâce à l'assurance-chômage, c'est indispensable. Encore faut-il aussi libérer nos énergies pour retrouver une croissance forte et créatrice d'emplois, prévenir le chômage par la formation et le combattre par la reconversion des sites en crise et par le reclassement des salariés victimes de la fermeture d'entreprises.

Cela passe non seulement par le droit à la formation tout au long de la vie et par une nouvelle gestion des carrières, notamment des cadres mais aussi par un véritable changement de l'image des salariés âgés, y compris auprès des chefs d'entreprise. On ne peut être à 55 ans un salarié âgé et usé et un jeune retraité actif et dynamique. La première des urgences est de faire progresser l'activité des salariés de plus de 55 ans pour qu'elle puisse se poursuivre jusqu'à l'âge de la retraite, ce qui est loin d'être le cas aujourd'hui. La réalité des dernières années de la vie professionnelle c'est encore trop souvent le chômage et la pré-retraite. Pour cela, nous devons touts nous mobiliser et en faire une priorité de la relance du dialogue social.

Je vous propose d'injecter davantage de liberté dans notre système de retraite. Le départ à la retraite relève de considérations éminemment personnelles. Il se pose dans des termes différents pour chacun, en fonction de son histoire individuelle et de sa situation familiale. Il faut qu'une plus grande liberté de choix puisse s'exercer. Pour pouvoir choisir en tout état de cause, le premier devoir, c'est d'instituer un véritable droit à l'information pour que chaque Français puisse connaître au fur et à mesure de sa carrière l'état précis de ses droits. L'exemple suédois de « l'enveloppe orange » me semble bon à suivre.

Ceux qui voudront partir plus tôt en retraite devront pouvoir le faire dans certaines limites, mais alors leur retraite en tiendra compte. Ceux qui voudront travailler plus longtemps pour avoir des pensions plus importantes seront encouragés.

Plus de liberté, c'est aussi faciliter l'épargne retraite. Il n'est évidemment pas question de changer de système, les régimes de capitalisation sont étrangers à notre histoire sociale, mais il s'agit de permettre aux français de mieux épargner pour leur retraite en étendant à tous les Français des aides à l'épargne volontaire et en donnant à chacun plus de souplesse pour choisir le niveau de sa retraite. Le gouvernement est, tout à fait, prêt à discuter la place et la forme exacte que devront prendre cette épargne dans notre dispositif, en nous inspirant de ce qui existe déjà.

Je veux maintenant vous indiquer la démarche que suivra le Gouvernement au cours des prochains mois.

La méthode que nous adopterons est celle de l'information, du dialogue et de la concertation. Comme l'ont fait nos voisins, il faut rechercher le consensus le plus large possible sur la réforme des retraites.

Je souhaite que, dans la discussion qui va s'engager l'ensemble des forces de notre société puisse se rassembler même si nous n'éviterons pas certains commentaires partisans, ou certaines surenchères. J'y suis prêt. Mais que l'on ne compte pas sur le Gouvernement pour entretenir la polémique.

C'est un véritable pacte pour l'avenir des retraites que je veux proposer à l'ensemble du pays. Essayons d'aller aussi loin que possible ensemble. Le Gouvernement prendra de toutes façons ses responsabilités. Mais il veut donner toute sa chance au dialogue.

Mon calendrier est le suivant.

Il faut, en premier lieu, donner à tous les Français les éléments dont ils ont besoin pour se forger une opinion. On croit trop souvent connaître le sujet et les problèmes des régimes de retraite. Or, il subsiste un grand retard d'information sur les enjeux de la réforme, sur les solutions qui peuvent y être apportées, sur la manière dont nos voisins européens ont abordé ces questions.

La première responsabilité du Gouvernement, c'est d'apporter cette information aux Français. Il le fera. Je souhaite aussi que les forces politiques du pays, les partenaires sociaux mais également le monde associatif ou les médias y prennent toute leur part. Sans vrai débat, il n'y aura pas de vraie réforme, c'est-à-dire de réforme acceptée et partagée.

C'est cette phase d'information et d'écoute que MM. FILLON et DELEVOYE ont récemment entamée. J'ai confié à François FILLON la responsabilité de la réforme en liaison étroite avec Jean-Paul DELEVOYE. J'ai souhaité que les deux ministres travaillent de concert car il s'agit d'abord de dégager des principes communs à l'ensemble des Français. Dès les prochains jours, des débats seront organisés au sein de chaque Conseil économique et social régional. Le débat doit être aussi régionalisé comme le seront maintenant tous nos débats nationaux.

Dès le 6 février, les Ministres recevront ensemble les organisations syndicales pour écouter leurs propositions et leurs réactions aux orientations que j'ai dessinées. Cette action se déroulera pendant tout le mois de février.

Ensuite, à partir de mars, le Gouvernement discutera avec l'ensemble des acteurs et bien évidemment d'abord avec les partenaires sociaux. Le dialogue social sera formalisé avec eux. Nous discuterons alors des grands principes de la réforme, mais aussi du contenu précis des décisions à prendre, avec la volonté de trouver le maximum de points de convergence entre les propositions. Si nécessaire, nous mettrons en place des groupes de travail pour approfondir les sujets les plus techniques. Notre méthode sera aussi ouverte que nos partenaires le souhaiteront. Je pars du principe qu'entre interlocuteurs responsables et également soucieux de l'avenir de nos retraites, de nombreux points d'accord peuvent être dégagés si chacun y met du sien.

En conclusion de ce dialogue, que je souhaite aussi approfondi et conclusif que possible, le Gouvernement présentera son projet au cours du printemps. Il sera soumis naturellement au débat.

Puis, viendra le temps de la décision. Dans une démocratie, c'est la responsabilité du Gouvernement et du Parlement. Sous l'autorité du Président de la République, je présenterai le projet de loi pour l'avenir des retraites avec l'objectif d'un vote du Parlement avant l'été. Je suis prêt à engager la responsabilité de mon Gouvernement devant le Parlement.

Voilà, Mesdames et Messieurs, les propositions, la méthode, le calendrier et les principes qui fonderont l'action du Gouvernement.

Il s'agit de sauver nos régimes de retraites que trop d'attentisme a mis en péril. Il s'agit de dessiner la société française que nous voulons léguer à nos enfants. Il s'agit d'assurer un partage équitable du financement de nos retraites entre les générations. Il s'agit tout simplement de conforter et de cimenter le pacte social français.

La réforme des retraites pose problèmes mais ne porte pas le malheur. Nous sommes face à un devoir de solutions pour faire de la nouvelle retraite un nouveau bonheur social. En repoussant les frontières de la vie, on repousse les frontières de l'activité, de l'engagement, de la découverte, de la santé… La nouvelle retraite c'est de la vie en plus de la vie. Ce projet nous concerne tous, chaque Française chaque Français, il est au cœur du nouvel humanisme, qu'en ce début de siècle se doit de porter la République française.

REPUBLIQUE FRANÇAISE © Service d'Information du Gouvernement Infos Editeur @webmestre

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