GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur Au Parti socialiste

Des raisons de la défaite... aux fragments d'un retour sur les fondamentaux

Avertissement :

Ce texte n'est qu'un document d'étape, et comme tel n'a pas la prétention d'être exhaustif. Tout au contraire, il devra être complété et enrichi jusqu'au prochain Congrès. Mais dans la mesure où les réflexions et les débats dans la presse ont d'ores et déjà commencé, très modestement je verse cette contribution en construction à tous les militants avec lesquels je suis en contact. D'avance, je remercie tous ceux qui voudront bien me faire part de leur avis, voire de leurs critiques argumentées.

Préalable

Avant d'entrer dans les détails, un point d'actualité tout de même !

À propos de la présidentialisation du régime ! Si nous — Laurent Fabius en l'occurrence — avons dénoncé avec célérité et justesse le projet de TVA sociale de Nicolas Sarkozy, et collectivement ensuite le « paquet fiscal » qui attend les contribuables, il apparaît que nous sommes très mal à l'aise pour réagir face au comportement de Nicolas Sarkozy sur le plan institutionnel, face au débauchage de compétences socialistes que celui-ci met en oeuvre, et enfin sur la façon de préparer au plan organisationnel l'opposition fasse à cette gouvernance d'un second type.

Il est ridicule et contre-productif de dénoncer de la manière avec laquelle nous le faisons, le comportement omniprésent de Nicolas Sarkozy.

En effet, les Français se moquent de savoir si Nicolas Sarkozy viole les institutions en créant dans les faits un régime présidentiel, d'autant plus que tout un chacun n'a cessé de dénoncer le caractère inadéquat des institutions depuis longtemps et d'autant plus que Nicolas Sarkozy a gagné l'élection présidentielle notamment parce qu'il est apparu comme un homme déterminé à engager un véritable changement, une « rupture ». Dénoncer son omniscience, son omniprésence, ridiculiser le Premier ministre, donne le sentiment que nous critiquons pour critiquer et que nous sommes des mauvais joueurs à qui l'arbitre a enlevé leur « nonos » !

En réalité, ce qu'attendent les Français, c'est que les mesures soient positives et que cela aille vite. Pour l'heure, il est encore trop tôt pour qu'ils puissent apprécier véritablement le contenu réel des mesures envisagées.

À nous de leur ouvrir les yeux ; comme nous le faisons d'ailleurs.

Mais en ce qui concerne l'attitude présidentielle de Nicolas Sarkozy, il faut se contenter de dire que sa façon de se comporter prouve à l'envi que nous avions raison de dire que les institutions de la Ve république étaient obsolètes, que l'avènement d'une VIe république devient une nécessité urgente, qu'il est regrettable que Nicolas Sarkozy ait refusé de s'engager dans cette voie lors de la campagne alors que son comportement non seulement démontre le contraire, mais crée un précédent dangereux dans la mesure où les institutions sont une règle commune, qu'il est normal de vouloir les modifier lorsque l'on pense qu'elles sont contraires à l'intérêt général, et qu'elles doivent être respectées tant qu'elles ne sont pas transformées. Agir autrement constitue un précédent dangereux pour la démocratie et doit être dénoncé par tous les démocrates. Et ne pas en dire plus mais prendre date !

À propos du débauchage des compétences socialistes !

Il ne faut pas mettre sur le même plan ceux qui se prétendaient socialistes et qui font aujourd'hui partie du gouvernement de Nicolas Sarkozy et ceux qui peuvent être invités à participer à une commission, même non parlementaire, a fortiori sur les institutions.

En effet, quelle que soit la compétence que ces anciens socialistes sont appelés à traduire dans les faits au sein du gouvernement — Europe, droit d'ingérence, lutte contre la pauvreté, etc. — membres du gouvernement, ils deviennent automatiquement solidaires de l'ensemble de la politique gouvernementale.

En revanche, faire partie d'une commission destinée à produire un rapport ou un faisceau de mesures à mettre en débat ne peut être assimilé à une collusion. Ou alors, il faut interdire à tout responsable socialiste de rencontrer le Président de la république ou le Premier ministre ! Car que fait un responsable de l'opposition lorsqu'il est invité par les deux principaux personnages de l'État si ce n'est de donner son point de vue à une ou plusieurs questions que lui poseront l'un et l'autre de ses interlocuteurs ? La seule question qui doit être posée est de savoir si la personnalité invitée le fait avec l'accord du PS ou à titre personnel. Car dans le premier cas il représentera le PS et dans le second cas il ne représentera que lui-même ! Ce qui fait tout de même une sacrée différence ! Il faut donc que les choses soient claires.

Cela étant, faut-il désavouer publiquement ceux qui à titre personnel, connus pour leurs compétences sur le sujet en cause, dès lors qu'ils ne font pas partie du secrétariat national du PS, accepteraient une telle invitation ? Rien n'est moins sûr dès lors qu'ils peuvent garder leur indépendance de jugement et d'expression.

D'ailleurs, rien n'empêchera les invités socialistes à donner leur point de vue critique si besoin est lorsque les travaux ont été rendus publiques, voire d'affirmer leur désaccord absolu !

A moins bien sûr que certains d'entre nous ne souhaitent pas une telle participation de socialistes à de telles commissions car ils craindraient que Nicolas Sarkozy soit capable de mettre très précisément en oeuvre la politique que nous proposerions ? Si cela est, le problème serait beaucoup plus grave qu'il n'en a l'air quant à la nature de notre politique !

À propos du « shadow cabinet » ! Autant pour ma part j'ai toujours pensé qu'il était souhaitable que lorsqu'il était dans l'opposition, le PS devait organiser son secrétariat national pour l'essentiel sur le même périmètre et la même découpe que le gouvernement afin d'être en mesure de « le marquer à la culotte » en mettant en face de chaque ministre les compétences requises — c'est-à-dire des secrétaires nationaux compétents sur ces sujets en regard et pourquoi pas, en nommant parmi des parlementaires un certain nombre d'entre eux — autant constituer un « shadow cabinet » à l'Assemblée Nationale et nécessairement uniquement avec des parlementaires, constitue une faute qui doit être condamnée. Non qu'un groupe de parlementaires se situant uniquement à l'Assemblée n'aurait pas le droit de s'organiser pour être plus efficace, mais simplement parce qu'une telle initiative revient à déposséder le PS de son rôle d'organisation de l'opposition, c'est-à-dire les militants organisés eux-mêmes.

Par essence, un parti comme le PS, parce qu'il est socialiste, doit être un parti vivant, réactif, où le débat circule de la base au sommet et du sommet à la base, et partant est le seul dépositaire de l'orientation dès lors qu'elle est fixée par les militants dans les instances ad hoc que ce soit la section où le conseil national.

En revanche, dès lors que la compétence est reconnue sur tel ou tel sujet à un secrétaire national, un responsable national, ou un délégué national, sa liberté d'expression devrait lui être accordée : mon expérience à ces trois postes successifs de 1990 à 2003 m'ont largement démontré combien pouvait être sclérosant politiquement et nettement contre-productif l'interdiction hiérarchique de s'exprimer en lieu et place de l'échelon supérieur !

Préambule

Refondation, rénovation, reconstruction, renaissance, réinvention....Décidément, après 1993 et 2002, voici à nouveau les grands mots lâchés !

Pour certains, le Parti d'Épinay est définitivement mort, tout est à refaire, il faudrait laisser la place aux idées nouvelles !

Pour d'autres, il faudrait « construire le socialisme du XXIe siècle », à tout le moins « construire le socialisme moderne », et en tout état de cause « changer de logiciel » !

Curieusement — mais est-ce si curieux que cela ? — les mêmes, ou quasiment, ont préféré ignorer l'analyse fondamentale des éléments politiques exprimés ces dernières années tout au long des différents scrutins pour répondre dans un mouvement sans principe.

Ce qu'attendent les Français c'est que les mesures soient bonness à l'Appel d'une simple ambition fort à propos plébiscitée par les sondages.

Et concrètement, que nous proposent-ils ? Globalement, qu'ils l'appellent ainsi ou pas, rien de moins que la social-démocratie, et pour certains cette fois clairement ouverte à la Droite centriste. En voilà une idée neuve !

Mais pour l'heure, revenons quelques temps en arrière.

Où nous mène donc Ségolène ?

Cette question, je me la suis posée un nombre incalculable de fois durant tous ces longs derners mois.

Certes, le pire des scénarios que j'avais envisagé lors de l'ultime réunion de la direction du courant NPS le 6 Octobre 2006, avant que celle-ci ne s'égaye entre les différents candidats socialistes à la candidature à la présidentielle, comme malheureusement de l'ordre du possible — tant les militants apparaissaient à ce moment-là plus sensibles aux sondages et aux pronostics de dirigeants sociaux libéraux ou tout simplement versatiles qu' aux enseignements fondamentaux des différents scrutins depuis 2001, en particulier du référendum relatif au projet de Constitution européenne que ces mêmes dirigeants avaient en vain pourtant voulu imposer en 2005 au peuple français, — ne s'est heureusement pas réalisé.

La volonté forcenée de l'électorat socialiste de battre la Droite, le vote utile pour de nombreux militants socialistes et pour des électeurs traditionnellement de la gauche de la Gauche ne souhaitant pas revivre le cauchemar du 21 avril 2002 ont heureusement permis que la défaite finale annoncée n'intervienne prématurément transformant cette campagne d'un second type en Bérézina des plus classiques.

Bien mieux encore, la progression spectaculaire du taux de participation, même annoncée par les scrutins précédents, allait constituer l'expression la plus nette non seulement du fait que la démocratie est toujours vivace dans notre pays mais aussi que la mobilisation du mouvement social, y compris exprimée sous la forme globalisante que constitue des élections nationales, est toujours réelle.

Mais il reste qu'au vu des résultats du premier tour, même si ces résultats apparaissent néanmoins beaucoup plus contrastés qu'on ne le disait,le second tour ne s'annoncait malheureusement pas sous les meilleurs auspices. Comme prévu depuis le début, la défaite allait être au rendez-vous.

Orientation à contre-sens et erreur de casting, le résultat était prévisible; campagne à contre-emploi de surcroit, Nicholas Sarkozy jouait sur du velours.

LES RESULTATS DE LA PRESIDENTIELLE

À l'issue du premier tour

Comme en 2001 et en 2002 mais sous des formes inverses — y compris par l'abstention éminemment politique ce jour-là --, comme en 2004 et en 2005, les résultats de ce premier tour témoignent d'une forte volonté populaire de faire entendre sa voix :

  • primo, par la participation, déjà en augmentation très sensible lors des deux derniers scrutins, qui a encore progressé fortement pour atteindre 83,77 % des inscrits,soit 37 254 242 votants, inscrits dont le nombre a lui-même augmenté de 3 500 000 voix depuis le dernier scrutin, et de plus de 8 M par rapport au 21 avril 2002,
  • secundo, via la candidate du Parti Socialiste qui a obtenu 9 500 112 voix — contre 11 448 663 voix pour Nicolas Sarkozy qui la devance de près de 2 millions de voix — permettant que le peuple après s'être exprimé sous une forme éclatée parce que protestataire le 21 avril 2002, s'exprime aujourd'hui de manière massive sur le candidat le plus en vue de la Gauche, mais aussi, paradoxe apparent, également sur le candidat le plus en vue de la Droite tant il se réclamait à la fois de « la rupture » avec la politique précédemment menée que d'une volonté de maîtriser l'immigration, fantasme majeur d'une partie de son électorat hier extrémiste,
  • tertio, via François Bayrou, car si « le Tout sauf Sarkozy » et « le vote utile » à gauche ont joué en faveur de Ségolène, il ont aussi joué en faveur du candidat centriste, celui-ci — en raison d'une habile utilisation des médias de sa part et d'une campagne à contresens de la part de tous les candidats à la gauche du PS (j'y reviendrai plus loin), sans parler des étonnantes déclarations de notre candidate à un moment donné ou à un autre — apparaissant à certains comme un meilleur pare-feu face à un Sarkozy diabolisé à l'extrême,
  • quarto, par des résultats conduisant à nouveau à une bipolarisation qui, loin de sanctifier les institutions de la Ve république, expriment au contraire une exigence de résultats, comme en 2002 mais cette fois de manière concentrée sur trois candidats en principal et non éclatée sur une dizaine de compétiteurs, tant dans le domaine de l'emploi, de la protection sociale, du logement, de l'écologie, de l'éducation, et de la démocratie, les trois principaux compétiteurs ayant avec force largement placé ces questions au centre de leur campagne, même si les propositions particulières de chacun sont souvent très opposées les unes aux autres.
  • Pour autant, bien que les signaux envoyés pouvaient apparaître complexes ou contradictoires dans une campagne personnalisée à l'extrême où le « je » a remplacé le « nous » y compris à gauche, le sens politique de ce scrutin est extrêmement clair : loin de se convertir aux mirages du libéralisme, aux antipodes d'une droitisation de la société, l'immense majorité des salariés et des personnes de condition modeste a voulu à la fois condamner la politique libérale menée par la Droite — Sarkozy apparaissant à bien des égards tout à fait volontariste et en rupture à 17% des ouvriers et 24 % des employés qui ont voté pour lui contre respectivement 24 % et 27 % pour Ségolène — et les adaptations passées de la Gauche aux diktats de la pensée unique.Et pourquoi pas, les adaptations prochaines éventuelles !

    De fait, les trois principaux candidats ont cherché à se démarquer tout au long de la campagne de cette philosophie paralysante, tandis que le caractère personnel de chacun, à tort ou à raison, a provoqué plus que par le passé un certain attrait, Ségolène Royal pour son audace et sa féminité, François Bayrou pour son courage et sa sérénité, Nicolas Sarkozy pour son énergie et sa volonté.

    Cela étant, quelle que soit la progression en voix obtenue par Ségolène au premier tour et le résultat en termes de pourcentage, il reste que la Gauche dépassait à peine les 36 % ce qui laissait très peu de marge face à Nicolas Sarkozy, au-delà des voix de gauche qui, dans une volonté croyaient-elles d'efficacité, s'étaient portées sur le candidat de la Droite centriste, François Bayrou.

    À l'issue du second tour

    Déjà très importante lors du premier tour, la participation a progressé encore de 89 227 voix pour pour atteindre 37 343 469 votants, soit 83,97 % des inscrits.

    Par contre, le nombre de bulletins blancs ou nuls est passé de 534 846 à 1 569 450, soit une différence de plus de un million de bulletins, progressant de 1,44 % à 4,20 % !

    De plus, si Nicolas Sarkozy a totalisé 18 983 138 voix, soit 53,06 % des votants, il n'obtient en définitive que 50,8 % des suffrages des électeurs qui ont mis un bulletin dans l'urne (et seulement 42 % des inscrits).

    En revanche, il devance Ségolène Royal de 2 192 698 voix qui obtient 16 790 440 voix, soit 46,94 % des suffrages exprimés. Ceci signifie qu'il n'y a pas eu d'évolution du rapport de forces entre les deux tours et que les électeurs qui avaient fait le choix du représentant de la Droite centriste ont opté autant pour Nicolas Sarkozy que pour Ségolène Royal, ne serait-ce que par rejet du candidat de la Droite traditionnelle.

    Selon une enquête de la SOFRES, si 63 % des électeurs de Nicolas Sarkozy ont voulu marquer leur adhésion à ce candidat, seuls 47 % des électeurs de Ségolène Royal en votant pour elle ont exprimé un vote positif.

    A contrario, 53 % ( ! ) ont voté contre Nicolas Sarkozy — contre 37 % dans l'autre cas — ce qui souligne très clairement, au vu de cette enquête, la grande faiblesse du taux d'adhésion à Ségolène Royal et à son Pacte présidentiel.

    Et ce d'autant plus que les électeurs qui ont voté pour Ségolène Royal afin d'exprimer un vote de défiance envers Nicolas Sarkozy l'auraient fait beaucoup plus en fonction des propos jugés inquiétants qu'il aurait tenus qu'en raison de son programme. Cet élément montre encore un peu plus l'importance du différentiel de crédibilité ressentie entre le Projet de Nicolas Sarkozy et le Pacte présidentiel de Ségolène Royal.

    Par ailleurs, Nicolas Sarkozy serait parvenu à regrouper sur son nom 58 % des retraités et des inactifs, et 82 % des artisans, commerçants et chefs d'entreprise, sans pour autant devenir minoritaire chez les Français aux revenus les plus modestes ( ! ).

    De plus, selon une enquête du Cevipof, Ségolène Royal n'aurait obtenu que 49 % des suffrages des ouvriers comme des employés ! Nous sommes loin des suffrages majoritaires obtenus par Lionel Jospin en 1995, sans même parler des 70 % obtenus par François Mitterrand en 1981.

    Enfin, alors que le vote probable des femmes en sa faveur avait été un argument dans la campagne interne, la même enquête montre qu'elle n'est parvenue à obtenir que 46 % des voix des suffrages féminins !

    N'ayons pas peur des mots : il s'agit là d'une défaite extrêmement sévère ! En fait, le plus mauvais résultat depuis 1965, date à laquelle François Mitterrand était battu par le général de Gaulle.

    LES RAISONS DE LA DEFAITE

    Elles sont de deux ordres : nos faiblesses d'une part et les forces de Nicolas Sarkozy d'autre part.

    LES FORCES DE NICOLAS SARKOSY

    Son projet

    Celui-ci va au cours des cinq dernières années construire une réponse à l'idée pernicieuse qui est propagée depuis 1997 — au départ par Nicolas Baverez dans son livre « Les trente piteuses », rejoint au fil du temps par des économistes, des intellectuels et différents médias, le plus souvent de droite — que la France est en « déclin ».

    Cette idée, comme toutes les idées pernicieuses, s'appuie d'abord sur des évidences : la France n'est plus la puissance qu'elle était au début du XXe siècle, a fortiori depuis la seconde guerre mondiale, même si son retour parmi les grandes nations grâce au compromis social issu de la Résistance, à la modernisation notable de son industrie, à la volonté de son indépendance militaire et de sa politique extérieure est tout à fait effectif.

    À ceci près que la rupture unilatérale des accords de Bretton-Woods par Nixon en 1971, le choc pétrolier de 1973, la financiarisation de la planète vont accentuer les inégalités économiques à travers le monde, affaiblir les capacités de la France à répondre aux aux défis nouveaux, et surtout remettre en cause le compromis social qui avait permis « Les trente glorieuses » par une augmentation quasi continue du chômage et une remise en cause régulière du système de protection sociale sur le plan du droit effectif à la santé et à la retraite.

    Ainsi, surfant sur la déstructuration du tissu social conduisant à « perdre le goût de l'avenir », c'est-à-dire à l'angoisse immédiate pour les uns et à la certitude de l'exclusion à terme pour les autres, chevauchant par la reprise partielle de ses thèmes le sens profond du Non majoritaire au référendum du 29 mai tandis que son adversaire affirmait que le clivage entre les partisans du Non et les partisans du Oui était depuis longtemps dépassé, Nicolas Sarkozy va redonner à la Droite la fierté de ses conceptions traditionnelles dont elle n'osait plus se réclamer depuis 1968 et prôner la « rupture » avec le modèle politique et social que nous connaissons.

    Et même si la rupture avec ce modèle a été engagée depuis fort longtemps, notamment avec le gouvernement d'Édouard Balladur, puis d'Alain Juppé, et ensuite les gouvernements de Jean-Pierre Raffarin, par un choix de thématiques, un refus des circonvolutions sémantiques, un choix d'expression substituant le questionnement de l'interlocuteur à la dissertation imposée, une jeunesse évidente ( pour un président de la république) pour un quinquennat à venir succédant à trois septennats et un quinquennat de jeunesse (si j'ose dire !) révolue , une vision précise et un discours volontaire succédant à un aveu d'impuissance et un discours de plus en plus ignoré du Président de la République, Nicolas Sarkozy a réussi le tour de force — de bonimenteur ? — d'apparaître comme un homme d'avenir pour le présent immédiat et non comme un homme du passé et du passif, selon la formule consacrée.

    Au point même de se permettre d'attaquer la Gauche sur son bilan des 35 heures à l'hôpital, et ailleurs !

    Ainsi, autour de ce qu'il appellera — il n'etait certes pas le seul — les « valeurs », avec les mots pour le dire, comme « le vrai sujet de la campagne » telles que : « l'ordre », « l'effort », « le mérite », « l'identité nationale », contre les « archaïsmes » tels que « le laxisme », « l'assistanat », « l'égalitarisme », voire « la conscience de classe », exaltant l'individu entreprenant face au collectif prétendument paralysant et prononçant l'éloge de la volonté face à l'immobilisme érigé en système, il parviendra à fédérer non seulement l'électorat traditionnel de la Droite mais aussi une part non négligeable de l'électorat populaire qui avait fait les belles heures de Le Pen, et en son sein nombre d'ouvriers et d'employés leur redonnant la conviction que leur bulletin de vote pouvait changer leur vie !

    Pour ce faire, il n'hésitera pas à dénoncer les « patrons-voyous qui déménagent leurs usines la nuit, vident les caisses et mentent sur leurs résultats, à reprendre certains arguments des partisans du Non au référendum tel que la nécessité de lutter contre le dumping fiscal et social induit par une Europe trop libérale, à reprendre le mot d'ordre de la Gauche en 1997 « aller vers le plein emploi », ou bien encore à dénoncer l'immigration en reprenant la fameuse phrase de Michel Rocard « la France ne peut pas accueillir toute la misère du monde ».

    Il est vrai qu'il y avait bien longtemps qu'un candidat de Droite n'avait pas osé s'exprimer aussi nettement sur ces sujets. Très exactement depuis 1968 et ce n'est pas par hasard que Nicolas Sarkozy devait appeler à « la liquidation de l'héritage de mai 1968 ». « Tout est possible » sera son slogan de campagne !

    Dans son livre « Ensemble », Nicolas Sarkozy affirme : « je n'ai pas voulu décrire un programme de gouvernement, mais dessiner une grande ambition collective ».

    C'est très exactement ce que Ségolène Royal ne sera pas en capacité de démontrer tout au long de cette campagne présidentielle ! Tandis que de surcroît Nicolas Sarkozy parviendra avec une rigueur méthodique à dépeindre son projet au travers de points très concrets.

    Il est d'ailleurs remarquable de constater du point de vue de la comparaison des deux forces politiques en présence que Nicolas Sarkozy n'a pas hésité à employer le mot « rupture » alors que ce mot a été banni du vocabulaire de quasiment tous les dirigeants socialistes depuis de nombreuses années ! Cela devrait tout de même les faire réfléchir dans la mesure où une part non négligeable de notre électorat traditionnel a apporté ses suffrages à Nicolas Sarkozy !

    Son parti

    Ministre de l'économie et des finances dans un premier temps, Nicolas Sarkozy va construire avec ses amis les matériaux et les réseaux qui vont lui permettre petit à petit de devenir le président de l'UMP, processus qui va s'appuyer sur une série de prises de positions de plus en plus indépendantes du gouvernement auquel il appartient, indépendance de pensée et de parole qu'il ne cessera d'exercer lorsqu'il deviendra ministre de l'intérieur et ce d'autant plus facilement que ce ministère peut permettre à son titulaire de se comporter en Premier ministre bis sur les problèmes qui touchent de près la vie quotidienne des Français.

    Parvenu à sa tête, il va faire de ce parti, à l'instar de ses lointains prédécesseurs gaullistes, une machine de premier ordre, véritable rouleau compresseur dont on verra les représentants, c'est-à-dire les militants, envahirent à peu près tous les terrains où se distribuent habituellement tracts et discours.

    LES FAIBLESSES DE SEGOLENE ROYAL

    Son attitude

    Ségolène nous avait prévenu : « je ne me laisserai pas enfermer », disait-elle déjà lors de la présentation des orientations de chaque candidat à la candidature en interne au Parti socialiste, présentation dans laquelle elle ne souhaitait pas être opposée à Laurent ou à Dominique, exigeant une juxtaposition d'interventions, un peu comme lors des séances du Conseil national où tout le monde peut parler sans pour autant véritablement échanger.

    Un monologue oui, mais un débat sérieux et sans concessions entre camarades, non merci, vraiment pas !

    Elle est « libre », elle « ne s'interdit rien ».

    Alors, comment s'étonner que de son propre chef elle ait décidé, sans tambour ni trompette, au soir des résultats du premier tour, confirmant cette orientation dans les heures qui suivirent, de s'adresser à la formation centriste historiquement classée à droite, au mépris de la stratégie de « rassemblement à gauche » sur laquelle a été refondé le Parti Socialiste en 1971 par François Mitterrand, que cela se soit appelé Union de la Gauche ou Majorité Plurielle !

    On pourra noter par ailleurs, non sans une certaine ironie, que Ségolène aura mis plus d'empressement à ouvrir un débat avec le représentant de la Droite centriste, qu'elle n'en aura mis, y compris sous des formes aseptisées, à accepter un minimum d'échange, pourtant fort légitime, avec ses propres camarades Laurent et Dominique lors des débats internes au sein du PS !

    Et de grâce, que personne ne joue l'innocent, car la façon dont l'équipe de campagne a été constituée et la façon dont la campagne a été engagée montraient à l'envi que la direction du Parti Socialiste serait marginalisée tandis que les militants, devant comme à l'accoutumée se mobiliser au maximum pour traduire sur le terrain un Pacte qui n'était pas nécessairement de leur cru.

    Cerise sur le gâteau, au soir du 6 mai, la candidate battue ne prononcera pas le mot « défaite » et préemptera une candidature future.

    Dans la même veine, après être intervenu la première — ce qui était normal — au Conseil national du PS le 12 mai en déclarant ce qui était fort juste, que les Français ne comprendraient pas que l'on ait dans ce moment d'autre préoccupation que la préparation des législatives, elle quittera la salle du Conseil pour formuler in fine devant la presse son exigence que le prochain Congrès du PS désigne son candidat à la présidentielle de 2012 !

    Elle est « libre », elle « ne s'interdit rien »...

    Son projet

    Mais de quel projet s'agissait-il exactement ?

    Au printemps 2006, Ségolène Royal ne cessait de déclarer que si elle était investie, le Projet du PS serait sa feuille de route. On pouvait déjà en douter dans la mesure où aucun de ses prédécesseurs ne s'était « laissé enfermer » par le projet du parti et où il était de notoriété publique qu'elle n'avait guère fait de propositions au sein de la Commission du projet, si ce n'est l'encadrement militaire des jeunes délinquants, proposition qui avait entraîné un silence sidéré, rompu à point nommé par une plaisanterie habituelle de François Hollande.

    À la même époque selon la presse, elle n'avait encore écrit que le premier chapitre de son livre, de surcroît en forme d'abécédaire qu'elle intitulera « Maintenant », mais déclarait déjà vouloir élaborer, ce qu'elle appellera un peu plus tard le « Pacte présidentiel », un véritable projet avec les citoyens eux-mêmes, ceux-ci selon elle « étant les meilleurs experts pour élaborer les réponses aux besoins de leur vie quotidienne » — formule on ne peut plus populiste — au nom de la « démocratie participative », procédure qu'elle affirmait innovante et expression selon ses termes « d'une profonde rénovation des méthodes politiques », alors qu'il ne s'agit là que de la formule classique d'échanges entre élus et citoyens dès lors qu'on se donne un peu la peine d'écouter les électeurs dont on sollicite les voix, même si la disposition de la salle est pour ce faire un peu différente.

    D'ailleurs, depuis 2002 de nombreux élus municipaux avait déjà pris l'habitude d'organiser des comptes-rendus annuels de mandat par arrondissement ou par quartier selon les cas, permettant des échanges nourris et réguliers.

    De fait, le Pacte présidentiel — compilation de propositions sans que l'on en comprenne toujours la cohérence mais qualifiées par la candidate de « concepts nouveaux », parfois étonnantes comme « l'encadrement militaire des jeunes délinquants dès la première incartade », tout à fait discutables comme « la suppression de la carte scolaire », peu lisibles comme « les jurys citoyens », plus sociétales que sociales les thèmes sur l'autorité prenant plus de place que les thèmes sur l'égalité — complété au gré des meetings ou des interventions médiatiques et dont l'opinion retiendra les expressions surprenantes comme « l'ordre juste », « la bravitude », « le donnant-donnant », « l'intelligence des territoires », « déclencher les forces positives », ou empruntées à la Droite bonapartiste, comme les références aux « valeurs » telles que « l'esprit d'entreprendre » ou « l'idéologie punitive du profit », « le goût du risque », « le refus de l'assistanat » ( elle aussi ! ), et comme « le drapeau à toutes les fenêtres », n'est pas parvenu face au langage direct de Nicolas Sarkozy à convaincre une majorité de nos concitoyens.

    Face aux thématiques habilement exprimées de Nicolas Sarkozy, souvent revêtues d'une connotation sociale et agrémentées de références à Léon Blum et à Jean Jaurès (même si cela relevait aussi de l'imposture !), l'appel à « gravir la montagne », à Charles-de-Gaulle et à Jeanne-d'Arc exprimait beaucoup plus une impuissance à convaincre qu'une compétence à exercer. D'autant qu'il était ressenti qu'au raisonnement de la proposition n'était opposé que l'enthousiasme de la conviction, à l'exemple des proclamations comme « je l'ai là, chevillée au corps », « je suis la mieux à même de relancer la machine économique », « je veux être la présidente de la France qui entreprend », « je veux remettre la France debout », ou bien encore « la France présidente » !

    Certes, la croissance est indissociable de la confiance, mais tout de même !

    L'accumulation de propositions, si importantes soient-elles sur différents thèmes conduit à l'élaboration d'un programme mais pas nécessairement d'un projet et ce fut précisément la grande faiblesse du Pacte présidentiel dans la mesure où ne s'y dégageait pas une claire vision de la société au plan mondial, européen et national indiquant en quoi les fondamentaux étaient restés les mêmes, en quoi les cadres d'expression avaient évolué, et sur quoi devait porter véritablement « le changement », maîtres mots de la campagne s'il en fut !

    Selon une enquête de la SOFRES d'avril 2007 — tant qu'à croire aux sondages quand il s'agit de classer les personnalités, tâchons de réfléchir au contenu des enquêtes — « 84 % des Français souhaitaient une réforme de la société, 9 % une transformation radicale, 41 % une transformation en profondeur, et 34 % une transformation sur plusieurs aspects sans toucher à l'essentiel ».

    Quels étaient les grands sujets de préoccupation ? Parfaitement classiques : le chômage, le financement du système de protection sociale, l'éducation, le pouvoir d'achat, l'insécurité, les déficits, et les inégalités. Dans cet ordre !

    Et si les sympathisants de gauche et les sympathisants de droite, selon cette enquête, restaient parfaitement divisés sur la généralisation des 35 heures, l'assouplissement du code du travail ou la régularisation des sans-papiers, ils se retrouvaient à 87 % pour demander le remboursement des aides publiques par les entreprises qui délocalisent, 86 % à gauche pour un SMIC à 1500 € bruts sur la législature contre 73 % à droite, et 87 % à droite pour la suppression des droits de succession contre 70 % à gauche !

    C'est dire combien eût été important un véritable Projet définissant les contours d'un plan de transformation sociale !

    Pourquoi ne pas avoir abordé plus au fond les questions touchant non pas aux conséquences mais aux raisons des dérèglements de l'économie mondiale et sa financiarisation ?

    Pourquoi, face à Nicolas Sarkozy pour qui la crise de l'emploi était le produit de la crise du travail dans la mesure où celui-ci avait été dévalorisé par les 35 heures et par « l'assistanat », ne pas avoir démontré aux salariés français que la crise de l'emploi, c'est-à-dire le développement du chômage et de la précarité, n'était que le produit du libéralisme débridé qui s'émergeait la planète ?

    Pourquoi ne pas avoir plaidé pour un rôle renforcé de l'État en matière de stratégie industrielle plutôt que de plaider pour l'accentuation de la Décentralisation ?

    Pourquoi ne pas avoir, au nom de la défense du pouvoir d'achat ou de la lutte contre la vie chère, clivé davantage sur des questions qui touchent directement les électeurs comme le prix de l'électricité et du gaz qui ne cessent d'augmenter notamment depuis la libéralisation d'EDF et de GDF, les retraites et la sécurité sociale, l'impôt et la fonction publique au service des citoyens, la croissance et l'emploi plutôt, que de philosopher sur « la valeur travail » ?

    Pourquoi enfin avoir évité de répondre à un certain nombre de questions par ailleurs relativement simples en expliquant une fois que telle question relevait d'un secrétariat au budget, telle autre relevait de la responsabilité d'un gouvernement, ou telle autre que l'on ne poserait pas à un homme ? Au risque évident de sembler incompétente ?

    À l'inverse, pourquoi avoir pris une telle distance avec les deux mesures phares du programme du PS que sont le SMIC à 1500 € pour la législature — alors que la France compte 2 millions et demi de smicards et qu'un Français sur huit, soit près de 7 millions de personnes vivent avec moins de 800 € par mois — et la généralisation des 35 heures, soumettant la première à « l'évolution de la croissance » et la seconde à « l'intérêt du développement économique et de la compétitivité » ?

    Dans le premier cas, c'était oublier que le taux d'évolution des bénéfices avait largement progressé tout au cours des 25 dernières années au détriment du taux d'évolution des salaires, situation qui, liée au développement du chômage et de la précarité était à l'origine de cette immense inquiétude sociale qu'exprimait la population.

    Dans le second cas, c'était à la fois mettre le bien-être social à la remorque de l'économie et ternir l'identité de la Gauche.

    À présent nous le savons : Ségolène Royal est en désaccord avec l'analyse qui sous-tend ce questionnement !

    À l'évidence, nous touchons là au coeur du problème : le PS doit-il devenir un parti social libéral en « s'adaptant à un monde qui bouge » ou rester authentiquement socialiste en s'appuyant sur les analyses fondamentales et toujours vérifiées qui ont concouru à sa création ?

    Car enfin, face à la crise de confiance qui caractérisait la fin du quinquennat de Jacques Chirac, face au désir de justice sociale et d'un projet politique nouveau cohérent et lisible exprimés par de larges couches de la société, la Gauche via sa principale candidate se devait d'apporter des réponses sociales compréhensibles et marquantes, devant logiquement emporter l'adhésion de l'immense masse des salariés.

    Or, aussi incroyable que cela puisse paraître, Nicolas Sarkozy est parvenu à nous disputer ce terrain, osant même paraphraser Lionel Jospin en affirmant : « je dis ce que je ferai, je ferai ce que je dis », nous renvoyant aux différents souvenirs de la conscience collective sur les retraites, sur l'Europe, et sur « l'État ne peut pas tout » face à la précarité et à la stagnation du pouvoir d'achat !

    Les principaux thèmes de la campagne relevaient de la thématique sociale, et Ségolène Royal était moins audible que le représentant de la Droite ! Mais finalement, est-ce aussi incroyable que cela ?

    En réalité, trop d'électeurs qui auraient pu voter pour nous n'ont pas pu véritablement mesurer les changements que pourrait apporter une présidente socialiste; et les valeurs républicaines par ailleurs déclinées en concepts intellectualisés ne pouvaient peser lourd face aux valeurs individuelles exprimées dans un langage accessible à tous. Le brouillage de l'identité de la Gauche et de la Droite a atteint son paroxysme quand Ségolène Royal est apparue trop évasive sur les questions sociales et très précise sur les questions nationales, quand Nicolas Sarkozy avançait des propositions plus volontaristes que libérales au plan économique et plus libérales que conservatrices sur le plan sociétal !

    Comment dans ces conditions ne pas imaginer le trouble de l'électorat populaire ? Sans même parler de l'impact dans l'opinion des déclarations intempestives de notre candidate au Moyen-Orient ou en Chine !

    Quant à la formidable mobilisation populaire — 55 % d'électeurs de gauche et 45 % de Droite — qui avait permis la victoire du Non au référendum du 29 mai 2005 en tant que coup d'arrêt de la politique libérale qui menaçait les salariés en Europe et en France via le projet de Constitution européenne, elle avait été tout au long des mois qui avaient suivi le scrutin, tellement stigmatisée comme l'expression de la peur de l'avenir ou ramenée au simple rang de fronde contre Jacques Chirac, tellement dévalorisée aux yeux de l'opinion publique par les leaders socialistes en général partisans du Oui et Ségolène Royal en particulier, que les manifestations d'élan populaire discernables à tel ou tel moment de la campagne présidentielle ne pouvaient suffire pour créer le raz-de-marée nécessaire à la Gauche pour l'emporter face à un candidat de la Droite qui n'a quasiment jamais commis la moindre erreur.

    Par ailleurs, enfermé dans une nouvelle forme de ni-ni — ni augmenter les impôts, ni baisser les impôts — alors que l'une des leçons collectives que nous avions tiré de la période 1995 2002 consistait précisément à prendre les dispositions pour « réhabiliter l'impôt », jamais le financement du Pacte présidentiel n'est apparu défini et donc crédible.

    Mais le Projet du PS était-il lui-même suffisamment lisible lorsque nous déclarions vouloir promouvoir l'égalité, le partage, la solidarité, la redistribution des richesses et instaurer une autre relation avec la mondialisation ? Etait-il suffisamment cohérent ? Poser la question, c'est y répondre !

    Ou faut-il rappeler que de 1997 à 2007 aucune Convention thématique n'est venue alimenter la réflexion du PS ? Que seuls 3 engagements sur 20 pris au congrès de Dijon avaient été tenus trois ans plus tard au congrès du Mans et 2 autres depuis comme l'élargissement de la base militante du parti — mais sur la base d'une cotisation symbolique avec tout ce que cela signifie — ou des forums décentralisés via les États Généraux de la Gauche ? Que le PS s'est coupé du mouvement social ?

    Que le PS n'a pas noué de liens avec le mouvement alter mondialiste ?

    Ou souligner qu'à peine un militant socialiste sur deux avait approuvé le Projet ?

    Son Parti

    Ségolène Royal, jouant au tout début de sa féminité comme d'un élément de changement en soi — même si le mardi 13 mars 2007 elle devait a contrario déclarer dans le journal Le Monde « que le fait d'être une femme, ce n'est pas facile par rapport à la projection que l'on se fait du président de la république » — imposait à la hussarde sa candidature (préparée depuis mai 2005 !) aux militants du PS à partir d'une subtile utilisation des médias et d'un savant labourage entamé en 1992 qui a conduit au phénomène de « peopolisation » extrême encore jamais atteint, mais aussi grâce à l'organisation pour le moins discutable des débats au sein des sections pour départager les candidats.

    C'est ainsi que dans une fédération que je préfère ne pas nommer, convoqués courrier en date du 2 novembre — courrier reçu chez les militants le 4 novembre — s'est tenu le 9 novembre en seconde partie de l'ordre du jour ( ! ) le débat sur les candidatures socialistes, alors même qu'un mois auparavant, contrairement à la circulaire nationale, le premier fédéral affirmait qu'il n'y aurait pas de réunion de section ayant à l'ordre du jour un tel débat !

    Il en a été de même en ce qui concerne les débats prévus après la retransmission télévisuelle des débats des trois candidats à la candidature en raison de l'heure trop tardive à laquelle auraient pu commencer les débats.

    On imagine facilement qu'un débat organisé dans de telles conditions ne pouvait associer un maximum de militants, c'est le moins que l'on puisse dire !

    Ce comportement avait bien entendu une fonction : éviter d'affaiblir Ségolène Royal en ouvrant les discussions sur les orientations politiques des trois candidats en lice. Comme si la démocratie d'opinion était la meilleure façon de faire gagner la Gauche au point de faire taire les militants !

    Puis, jouant d'une victimisation outrancière face à Dominique et Laurent, Ségolène Royal faisait appliquer — aidée en cela par les tous premiers dirigeants de l'appareil du Parti — sa conception des débats internes lors du processus de désignation.

    De fait, il n'y aura pas véritablement de débats mais plutôt une succession de monologues à peine entrecoupés de questions connues à l'avance de journalistes triés sur le volet, certes en accord avec les trois candidats. C'était bien le minimum !

    À ce moment-là, on comprit mieux pourquoi Ségolène Royal avait refusé le débat avec le Mouvement des Jeunes Socialistes lors de l'Université d'été de la Rochelle.

    Enfin, surfant toujours sur les sondages qui tous la donnait gagnante au second tour, face à Nicolas Sarkozy, sondages dont on peut mesurer aujourd'hui la relativité, tel le sauveur suprême elle obtenait 60% des suffrages des militants.

    Enfin, après avoir fait mine de renforcer son équipe présidentielle de campagne par la mise en place d'un Conseil regroupant tous les ténors, elle en a volontairement ignoré les compétences comme elle a ignoré les compétences organisées des secteurs du Parti. Sans oublier le Poing et la Rose qui devaient disparaître des affiches de la campagne ! C'est ça la « rénovation profonde des méthodes politiques » ?

    Pourquoi un tel comportement ?

    Ségolène Royal avait-elle compris qu'elle n'avait aucune chance dans une procédure normale et loyale ?

    Certes, elle avait gagné en 1993, en 1997 et en 2002, une circonscription dont même François Mitterrand considérait qu'elle n'était pas gagnable la première fois.

    Puis, porté par un raz-de-marée qui a vu la Gauche prendre la direction de 22 régions sur 23 en 2004, elle devenait Présidente de la région Poitou-Charentes, laquelle deux ans plus tôt était encore dirigée par Jean-Pierre Raffarin devenu entre-temps Premier ministre.

    Tandis que dans l'intervalle elle avait cumulé une expérience de ministre dans trois secteurs différents !

    Etait-ce suffisant pour prétendre être ne serait-ce que candidate à la candidature au sein du PS ? Poser la question c'est y répondre !

    De fait, huit semaines après sa désignation triomphale par les militants socialistes, Ségolène Royal était dans les sondages systématiquement devancée par Nicolas Sarkozy pour le scrutin final de la présidentielle.

    Pire, le baromètre du CEVIPOF indiquait dans la foulée que « parmi les catégories traditionnellement les plus acquises au vote socialiste — les enseignants et les professions intermédiaires — le taux de défiants a le plus progressé au cours de la dernière année... Il importe de bien prendre la mesure de ces résultats lourds de sens : en février 2007, il ne se trouve que 44 % de sympathisants socialistes... » et plus loin, « il ne se trouve que 17 % des Français — 19 % des ouvriers (contre 18 pour Nicolas Sarkozy) — pour déclarer leur confiance dans la Gauche pour gouverner le pays » !

    Et pourtant, Ségolène Royal n'a pas ménagé sa peine déclinant les 100 propositions de son Pacte présidentiel au cours de 42 meetings, 23 « déplacements thématiques » et une centaine de « rencontres populaires ».

    Rien d'étonnant alors qu'après avoir ressenti cruellement le déficit de crédibilité de la candidate, mesuré qu'elle ne maîtrisait pas ses dossiers et que la cohérence ne marquait pas de son sceau l'ensemble de la campagne, la mobilisation des militants n'ait pas été totale.

    À l'occasion de la sortie de son étude publiée chaque année intitulée « L'État de l'opinion » , Brice Teinturier, directeur général adjoint de la SOFRES, résumait ainsi la situation : « Une grande fraction de l'électorat pense que Nicolas Sarkozy a la stature mais s'il y a une inquiétude sur sa capacité à rassembler. Il donne le sentiment de diviser. Ségolène Royal, elle, est créditée d'une capacité d'écoute, de dialogue, qui pourrait permettre de conduire les changements nécessaires, mais elle n'a pas la stature ». Tout était dit ! Ségolène avait oublié de rassembler son camp !

    De fait, désarmés devant une campagne qui leur échappait, les dirigeants du PS appelés à intervenir en catastrophe en soutien de la candidate ont usé et abusé de « l'appel au vote utile » véritable leitmotive qui lui a permis de parvenir à un score important au premier tour — bien que largement distancée par Nicolas Sarkozy — au détriment des autres partis de gauche, la laissant sans réserve pour le second tour de l'élection.

    Et ce n'était certes pas en diabolisant au-delà du raisonnable Nicolas Sarkozy que l'on allait changer la situation ; il n'était que de voir combien la diabolisation à outrance de Le Pen avait beaucoup plus favorisé les scores de celui-ci qu'elle ne l'avait auparavant desservi.

    Rien d'étonnant non plus que de nombreux électeurs de gauche, précédés en cela, certes en nombre faible mais notable, par des militants du parti socialiste, aient envisagé de voter pour François Bayrou afin de battre, plus sûrement pensaient-ils, Nicolas Sarkozy ! D'autant plus que la diabolisation de ce dernier ne pouvait que favoriser François Bayrou.

    L'OCCASION MANQUEE DE LA GAUCHE DE LA GAUCHE

    Une campagne à contresens

    Pourquoi une « campagne à contresens » de la part de ses candidats ? Parce qu'aucun d'entre eux, ou presque, n'a mené une campagne cohérente !

    José Bové ? Dès le début de sa campagne, il déclare qu'il se présente contre le libéralisme de Nicolas Sarkozy et le social libéralisme de Ségolène Royal mais qu'il se désistera sans condition pour elle : or précisément, si des électeurs votent pour José Bové, c'est bien parce qu'ils sont d'accord avec les thèmes que celui-ci défend et qu'ils ne les retrouvent pas, ou insuffisamment, dans le programme de Ségolène, jugeant qu'il importe au plus haut point d'utiliser les voix acquises pour peser au second tour sur elle et son programme. Or, en annonçant à l'avance un désistement sans condition, José Bové n'a pas incité sérieusement un grand nombre d'électeurs à voter pour lui !

    Marie George Buffet ? Dès le début de sa campagne, elle a déclaré qu'il fallait en tout état de cause barrer la route à Sarkozy, ajoutant un peu plus tard qu'elle « ne poserait pas de conditions » ! Mêmes causes, mêmes effets !

    Olivier Besançenot ? Après avoir mené une campagne en toute indépendance, il déclarait peu de temps avant le vote du premier tour que « responsable », il appellerait « à faire barrage à Nicolas Sarkozy », jugé, à l'instar de ses alter ego à gauche, comme « dangereux ». Là encore, rien de bien excitant ; et pourtant, tout en restant en deçà des 5 %, il augmentera son score de 400 000 voix par rapport à 2002 !

    Arlette Laguiller ? À l'image de son concurrent trotskiste, elle déclarait elle aussi vers la fin de la campagne qu'elle « appelait à voter pour Ségolène Royal ». Même Arlette !

    Et tout cela alors que la gauche de la Gauche n'avait pas développé de stratégie visant à la constitution d'une d'Union de la Gauche renouvelée, et que, bien entendu, le PS n'avait pas cherché à s'engager sur une voie qui l'aurait amené avec ses nouveaux alliés éventuels à l'élaboration d'autres propositions programmatiques.

    Le pauvre Léon Trotski doit se retourner dans sa tombe ! Et ce ne sont pas les 120 000 voix de Gérard Schivardi qui l'auront réconforté !

    A NOUVEAU SUR LES RAISONS DE LA DEFAITE

    Et de telles positions, alors même que de nombreuses déclarations de Ségolène dans différents domaines ont fait s'étonner de nombreux commentateurs et s'étrangler de nombreux socialistes ! Et de telles positions, alors même qu'il ne faisait guère de doute pour qui réfléchit un minimum que devant un tel taux de participation dès le premier tour, une telle concentration des voix des quatre premiers candidats et parmi eux des deux premiers un tel écart entre Nicolas Sarkozy et Ségolène, sauf miracle, le résultat etait couru d'avance !

    Pas surprenant que nombre de militants de Gauche, eux aussi sensibles aux médias et aux sondages même si à la fin de la campagne ceux-ci étaient bien moins dithyrambiques, aient préféré voter pour le candidat de la Droite centriste afin de tenter d'éliminer Nicolas Sarkozy !

    « Sauf miracle » ? Le miracle aurait consisté en ce qu'une mobilisation de grande ampleur de tous les électeurs populaires, qu'ils se soient égarés sur le candidat de la Droite classique ou sur le candidat de la Droite centriste, ou pire encore et parfois depuis longtemps sur le candidat de l'Extrême Droite, ou qu'ils se soient abstenus, ait finalement lieu.

    Mais comment cela aurait-il pu être possible puisque Ségolène avait fait le choix dès le départ de ne pas faire une campagne véritablement à gauche déconcertant notre électorat naturel par des thématiques qui ne lui étaient pas familières, et que les candidats qui se réclament de la Gauche antilibérale appellaient à leur tour, au nom du « tout sauf Sarkozy », au vote utile et au désistement sans condition, c'est-à-dire en privant tous les électeurs potentiels de la possibilité de se retrouver autour d'un programme, sinon antilibéral, du moins nettement plus à gauche.

    Le « miracle » ?

    Certains se sont pris à y croire lorsque, surprenant tout son petit monde et contre l'orientation fondamentale du Parti Socialiste, Ségolène a tendu la main au candidat de la Droite centriste, n'excluant pas, successivement de prendre des ministres de cette fraction de la Droite dans un futur gouvernement, de modifier un temps son Pacte présidentiel pour y inclure des mesures conçues par cette fraction, voire de faire de son leader le Premier ministre de son gouvernement !

    Outre que pour gagner d'hypothétiques électeurs centristes le risque était grand de perdre de véritables électeurs de gauche, une telle ouverture — sans principes et contrevenant, répétons-le encore une fois, aux orientations fondatrices du Parti Socialiste — constituait une bévue monstrueuse !

    En effet, il ne fallait pas être très perspicace pour deviner qu'ayant obtenu un tel score, le représentant de la Droite centriste n'allait pas le gaspiller dans une alliance contre nature avec une famille politique avec laquelle, et le débat ultra médiatisé l'a prouvé, sur les points politiques fondamentaux, tels que l'emploi, la protection sociale, ou la politique budgétaire, les points de vue sont très largement opposés.

    Mais confondant une fois de plus l'apparence et le réel, nos habiles stratèges sans boussole se perdent à présent dans un marais où ils finiront par perdre leur âme.

    En revanche, outre que l'appel de Ségolène — non aux électeurs centristes mais au représentant de la Droite centriste — qui avait pendant toute la campagne fort légitimement qualifié « d'imposture » le positionnement du troisième homme a montré une candidate à son tour prête à toutes les contorsions ou presque pour parvenir au pouvoir.

    Et au final, la critique en règle des thèmes cités ci-dessus, déjà vertement critiqués par Nicolas Sarkozy, a fait apparaître Ségolène comme véritablement minoritaire sur ces sujets, le gagnant de ce débat improvisé étant le représentant de la Droite centriste mais certainement pas la dernière représentante d'une Gauche déboussolée encore en lice.

    Car en admettant même que Ségolène gagnât au second tour : comment constituer un gouvernement cohérent avec des gens issus de la Droite centriste simplement parce que sur la question des institutions et de la justice — de grâce, laissons de côté les questions de morale en politique car de ce point de vue les deux protagonistes n'ont pas grand-chose à nous apprendre en la matière — nous dirions des choses à peu près semblables alors que, répétons-le, sur la question de l'emploi, de la protection sociale et de l'Europe, nos électorats respectifs et une bonne part des militants socialistes n'ont pas du tout le même point de vue !

    De fait, un tel gouvernement aurait fini dans la confusion la plus extrême et le Parti socialiste en serait sorti en lambeaux !

    Une orientation qui vient de loin !

    Mais en réalité, cette « bévue monstrueuse » n'est que le résultat d'une orientation qui vient de loin, du coeur même des strates de la famille socialiste !

    En 1978, déjà, Michel Rocard, au lendemain de la défaite des législatives à propos desquelles chacun s'accordait à penser à l'époque que les socialistes en seraient les vainqueurs, avait appelé à rompre l'alliance avec le Parti communiste pour se tourner vers un Centre hypothétique.

    En 1988, reprise à nouveau cette orientation permit, au-delà de la venue au gouvernement de représentants de la société civile, le débauchage de quelques personnalités marginales issues d'un Centre au destin intimement lié à celui de la Droite, pour se poursuivre par une recherche d'un second souffle qui aboutit au discours de Joué-lès-Tours, puis à la volonté de lui substituer « un discours fracassant » via une Premier ministre éphémère, pour finir par un gouvernement infiniment plus classique dirigé par le regretté Pierre Bérégovoy, troisième mouture de gouvernements pour qui le fondement était : « les économies d'aujourd'hui font les investissements de demain et les emplois d'après-demain ».

    En 1993, chacun put mesurer le bien-fondé de cette orientation politique par les résultats « historiques » des élections législatives qui amenèrent le Groupe de députés socialistes à une peau de chagrin !

    Ce n'est donc pas par hasard si autour de Ségolène cette sensibilité socialiste rejointe aujourd'hui par d'autres sensibilités ou personnalités versatiles ne cesse de clamer avec à présent Ségolène elle-même que le cycle ouvert en 1971 par la fondation du Parti Socialiste vient de se clore. Comme si ce dernier avait quelques chances de gouverner la France en dehors d'un large Rassemblement à Gauche, condition essentielle pour créer la dynamique nécessaire permettant d'obtenir la faveur d'une majorité d'électeurs.

    Pour avoir sciemment négligé les enseignements de la victoire de 1981, victoire basée sur le rassemblement de toute la Gauche sur une ligne claire de rupture avec la Droite et sa politique visant à satisfaire depuis toujours les grandes puissances financières qui dominent l'économie mondiale, une majorité de dirigeants socialistes et la candidate qu'ils avaient fait le choix de soutenir ont conduit le peuple de Gauche dans une impasse et le Parti socialiste tout droit à une crise majeure, crise qui couvait en réalité depuis longtemps en son sein.

    En effet, non seulement jamais le bilan de la défaite de 2002 n'a été réalisé, mais les séances d'introspection auxquelles nous avaient appelé la direction du Parti socialiste n'ont eu pour conséquence — pour objectif ? — que de colmater approximativement les brèches.

    De fait, loin de conduire les dirigeants de la majorité du PS à s'appesantir sur le sens profond des scrutins suivants, les victoires obtenues en 2004, aux cantonales qui nous a permis de conquérir plus de la moitié des Conseils généraux, aux régionales qui nous a permis de conquérir 20 régions sur 22, et aux européennes où nous avons totalisé 31 % (!) des voix ont conforté le discours de ces mêmes dirigeants qui affirmaient urbi et orbi que le 21 avril 2002 était un accident, considérant que l'alternance en 2007 viendrait mécaniquement, d'autant que cette échéance était synonyme de 12 années de présidence chiraquienne et qu'il apparaissait peu probable qu'un représentant du gouvernement sortant puisse naturellement gagner la présidentielle.

    Pas plus qu'ils n'ont prêté attention aux sondages parus au lendemain de l'abandon du Contrat première embauche en avril 2006 par le gouvernement, selon lesquels 63 % des personnes interrogées estimaient que « la Gauche n'a pas de meilleure idée que la Droite pour trouver des solutions contre le chômage des jeunes » tandis qu'ils étaient 56 % parmi les sympathisants socialistes à penser de même !

    En effet, François Hollande, comme différents cadres de sa majorité, déclarait à l'époque que le PS ne « pouvait qu'être le bénéficiaire » de ce combat, ajoutant quelques jours plus tard : « je ne vois que des raisons d'avoir confiance dans la perspective électorale ».

    Seuls les partisans du Non au projet de Constitution européenne comme Claude Bartolone, Henri Emmanuelli, Jean-Luc Mélenchon, et Alain Vidalies affirmaient qu'il n'y aurait pas de lien mécanique entre la mobilisation sociale et le vote PS dans la mesure où nous n'apparaissions pas nécessairement capables d'être une force de changement et qu'il était impératif de prendre en compte dans le projet le refus des orientations libérales visible dans la mobilisation contre le Contrat première embauche. (Le Monde du 12 avril 2006).

    LA GAUCHE AURAIT-ELLE PU GAGNER EN 2007 ? ET COMMENT ?

    Certainement pas en se fiant aux sondages ni en se livrant à la comparaison des mérites, réels ou supposés, des différents présidentiables socialistes ! Et encore moins en attendant la proposition miracle !

    Mais bien plus simplement en acceptant d'entendre sincèrement le double message que ne cessait de nous adresser notre électorat depuis 2001, sans même parler des scrutins successifs des 20 années précédentes.

    Première face du message, nos succès aux cantonales, aux régionales et aux européennes; seconde face du même message, l'avertissement des municipales de 2001, la déroute aux présidentielles de 2002 et le désaveu cinglant infligé par notre électorat le 29 mai 2005 à la majorité du parti socialiste.

    Et quel message ! Chaque fois que nous combattons sur une ligne claire d'opposition au libéralisme, nous obtenons l'adhésion totale de nos électeurs ; chaque fois que nous donnons le sentiment d'impuissance ou d'accommodement vis-à-vis de l'idéologie dominante, nous sommes largement désapprouvés par ceux-ci.

    En « inventant le possible », nous avions suscité l'adhésion ; en finissant par gérer le probable, nous avons suscité le rejet. Aussi cruel que cela ait pu nous apparaître !

    Ainsi:

  • le 21 avril 2002, le candidat socialiste n'avait obtenu que 13 % des voix parmi les ouvriers et 13 % des voix parmi les employés,
  • le 29 mai 2005, 80 % des ouvriers et 70 % des employés devaient voter Non au référendum sur la Constitution européenne ; de manière plus précise, 56 % de l'électorat socialiste désavouait la majorité du parti socialiste qui appelait à voter Oui au référendum,
  • le 21 avril 2007, 24 % des ouvriers et 27 % des employés ont apporté leurs suffrages à Ségolène Royal.
  • le 6 mai 2007, 49 % des ouvriers et 49 % des employés ont voté Ségolène Royal.
  • Et pourtant, répétons-le, dans l'intervalle, lors des élections cantonales et régionales d'une part et européennes d'autre part, menant campagne très à gauche lors des scrutins nationaux et posant 7 conditions pour le scrutin européen, le PS rencontrait un succès incontestable.

    Ce qui montre qu'à chaque fois que les socialistes donnent le sentiment, à tort ou à raison, de s'accommoder du système existant ou ne sont pas suffisamment clairs sur leurs alliances, ils sont battus tandis qu'à chaque fois qu'ils ouvrent des perspectives crédibles en termes de programmes et d'alliances, ils rencontrent le succès !

    Et tout portait à croire que ce message serait identique à l'occasion des présidentielles !

    Mais où vont les socialistes?

    Ou plus exactement, « où veulent nous mener ceux qui exercent des responsabilités susceptibles d'influencer les militants », m'interrogeais-je avec les militants NPS de Côte d'Or en août 2006 ?

    La victoire ou la défaite à l'élection présidentielle ne dépend pas d'une simple question de choix de personnes. Pas non plus comme le soulignait en son temps le général de Gaulle — expression en substance reprise par Ségolène Royal — « un lien direct entre un homme et le peuple ». Certes, il est préférable d'être compétent, d'avoir de l'expérience, et un bon contact avec l'électorat ! Mais la victoire ou la défaite à l'élection présidentielle dépend d'abord d'une stratégie politique reposant sur une analyse précise des flux électoraux exprimant eux-mêmes un message politique précis.

    Il fallait donc trancher le fait de savoir si le 21 avril 2002 était un accident, comme continuaient à l'affirmer les dirigeants de la majorité du parti et les différents candidats à la candidature qui la représentaient, qu'ils se nomment Jack, Dominique, Ségolène, François ou Lionel, ou bien un désaveu d'une équipe et d'une politique qui avaient fini par capituler devant les forces libérales à l'oeuvre en Europe et dans le monde au point d'entraîner le parti socialiste à devenir petit à petit un parti social libéral.

    La première différenciation politique entre la majorité du parti et les candidats qui en sont issus d'une part, et les sensibilités qui ont préféré se constituer en courants minoritaires d'autre part, avait eu lieu à ce propos lors des débats qui s'ensuivirent et lors des débats préparatoires au congrès de Dijon.

    Des résultats du 29 mai...

    Et les dirigeants de la majorité du parti, ayant refusé de procéder à une analyse en profondeur de l'action menée durant le quinquennat passé d'une part et des scrutins récents d'autre part, furent le moment venu incapables de comprendre l'état d'esprit de notre électorat et, parce qu'ils adoptaient une orientation européenne contraire à celle que nous avions collectivement défendue lors des élections européennes, se trouvèrent en porte-à-faux vis-à-vis de lui une fois de plus le 29 mai 2005 qui, par une majorité de 56 %, condamnait la politique d'adaptation à la mondialisation libérale en France et en Europe et permettait le rejet du projet de Constitution.

    À nouveau, faute de vouloir reconnaître leurs erreurs et mesurer la réalité, les dirigeants de la majorité du PS ont préféré y lire un rejet de Jacques Chirac et de sa politique. Rejet qui n'était pas absent du message de l'électorat, bien entendu, mais dont les racines profondes ne pouvaient se circonscrire à ce simple rejet.

    Pas plus qu'ils n'ont voulu reconnaître le fait que le rejet du projet de Constitution européenne n'a pas ouvert une crise à l'échelle de l'Europe mais en a été le révélateur, crise évidente depuis longtemps et qui a été différée dans une politique d'élargissement sans principes.

    Pas plus que ce n'est pas parce qu'il n'y a pas eu réouverture de négociations immédiatement autour d'un plan B que c'était une erreur de refuser ce projet de Constitution ; sauf à nous convaincre qu'il ne fallait pas combattre contre le Contrat Première Embauche parce que nous n'étions pas en mesure de faire adopter un autre type de mesure plus conforme aux intérêts des jeunes ! D'autant que la première fois que l'expression « plan B » a été employée, ce fut par Jacques Delors pour précisément indiquer qu'il y avait un « plan B » !

    Ce qui souligne soit dit en passant la mauvaise foi incroyable de nombreux dirigeants socialistes partisans du Oui lorsqu'ils accusaient les socialistes partisans du Non d'avoir menti en indiquant qu'ils avaient un « plan B » avant le référendum, alors que comme Jacques Delors ils voulaient simplement indiquer qu'il pouvait y avoir diverses solutions dans l'ouverture de négociations nouvelles indispensables à mettre en oeuvre !

    Cette divergence d'appréciation constituera la deuxième différenciation politique entre majorité et minorité.

    On connaît la suite : les résultats du 29 mai 2005 après ceux du 21 avril 2002 n'ont pas permis que les sensibilités qui s'étaient opposées au projet de Constitution puissent rassembler une nouvelle majorité au sein du parti lors des débats et des votes préparatoires au congrès du Mans, les dirigeants sociaux libéraux parvenant après de multiples stratagèmes à conserver la majorité dans les votes exprimés par les militants du parti.

    ... au Congrès du Mans de Novembre 2005

    Certes, parce que des volontés issues des deux camps ont estimé que dans la situation du moment, sortir divisés et déchirés du congrès du Mans conduirait les socialistes à être en tout état de cause totalement disqualifiés pour prétendre mener un combat victorieux à l'élection présidentielle qui se dessinait, que le texte de synthèse proposé comportait un grand nombre de concessions de la part des dirigeants sociaux libéraux — même si, rédigées dans un style plutôt flou, elles mécontentaient un grand nombre de camarades qui avaient combattu pour le rejet de la Constitution européenne — et de l'autre côté permettait à quelques dirigeants porteurs d'un minimum de volonté d'unité de pouvoir sauver la face vis-à-vis de leurs propres amis, la synthèse a finalement été possible.

    Rien de bien glorieux donc, mais comme beaucoup d'autres à l'époque je pensais que c'était un compromis indispensable pour ne pas faire d'emblée une croix sur la présidentielle, à la condition bien sûr que nous obtenions des réponses positives par rapport à nos propres propositions susceptibles à terme d'être intégrées dans le Projet à venir ! Et pour être tout à fait franc, il me semblait que c'était la seule solution pour apaiser les tensions nées de la division autour du projet de Constitution européenne, et peut-être, parvenir à ce que le candidat à la présidentielle soit issu du groupe de militants socialistes qui avait appelé à voter Non au référendum.

    Et si c'était le Premier secrétaire, François Hollande, qui était désigné, il me semblait que, sur la base de ce que nous pensions obtenir — ce qui fut à peu près le cas — dans la Commission des Résolutions en termes de propositions, cette solution m'apparaissait néanmoins tout à fait défendable et dès lors, la synthèse préférable à une situation d'opposition entre une majorité et une minorité au sein du PS, d'autant que dans les semaines qui suivirent le congrès nous ne cessions les uns et les autres de barrir comme des ânes bâtés : « le candidat, c'est le Projet ! ».

    Malheureusement, comme beaucoup d'autres, je n'avais pas prévu que ce serait Ségolène Royal qui serait désignée candidate !

    Fallait-il en tout état de cause accepter la synthèse ? À la réflexion, vraisemblablement pas ! Mais cela eût-il été suffisant pour conserver une homogénéité aux deux minorités quand on a vu la facilité avec laquelle ceux qui semblaient les plus oppositionnels ont couru avec armes et bagages derrière Ségolène Royal au prétexte que les sondages la plaçaient en tête ?

    En réalité, il est fort probable, après la victoire de l'électorat populaire avec le Non au référendum, que le choix des militants eût pu être différent si l'ensemble des dirigeants des deux minorités que nous étions avait eu, comme le proposait Jean-Luc Mélenchon en affirmant que « la Présidentielle était la mère des batailles », collectivement l'intuition qu'il était préférable de se regrouper autour d'une seule motion pour gagner le congrès du Mans, plutôt que de choisir la stratégie du « rateau » !

    Dans ces conditions, le PS aurait pu disposer d'un Projet de transformation sociale et mener une campagne permettant de rassembler toute la Gauche, et même la gauche de la Gauche ! Car l'évidence, a fortiori depuis la réforme du quinquennat, l'élection présidentielle constitue le point névralgique du combat démocratique.

    Sans compter que sur le plan de la méthode du choix, le système des primaires, en interne ou plus large, n'est véritablement pas la panacée.

    Certes, on ne refait pas l'histoire ! En revanche, la leçon est à retenir pour le prochain congrès autour d'une orientation pour un socialisme de reconquête, reconquête culturelle et reconquête sociale !

    Ce que nous aurions dû collectivement comprendre

    À l'évidence, le mouvement exprimé le 21 avril 2002, et plus encore le 29 mai 2005, appellait la constitution d'une alternative politique à la politique libérale menée par la droite.

    Disons-le franchement, le projet du parti socialiste, préparé dans les conditions que l'on sait et adopté par seulement une petite majorité des militants du parti sans le moindre enthousiasme, ne constituait pas l'amorce d'une alternative politique, même si l'essentiel des propositions pouvait être repris dans un projet qui restait à écrire à condition de les renforcer et surtout de leur donner un sens. En ce sens, il représentait un « socle » minimum à partir duquel il était possible d'aller plus loin.

    Socle qui qui aurait dû à l'évidence être enrichi dès lors que la condition essentielle pour gagner l'élection présidentielle impose de rassembler la gauche, toute la Gauche, pour avoir une chance de créer une dynamique suffisante capable d'attirer à elle les 2 à 4 % de l'électorat extrêmement mouvant qui font ou défont les ambitions présidentielles des candidats et des partis !

    Car imaginer, a fortiori en s'y prenant de cette façon, que nous pouvons « tenir la chaîne par les deux bouts », selon l'expression de Lionel Jospin, c'est-à-dire séduire à la fois les classes populaires et les classes moyennes autour d'une politique « d'équilibre » face à l'offensive néolibérale qui conduit à remettre en cause l'ensemble des acquis sociaux, est un leurre.

    Faute de comprendre l'avertissement en 2001, nous avons été laminés en 2002. Et pourtant, le bilan du quinquennat de Lionel Jospin bien que contrasté était loin d'être négligeable !

    Faute de tirer les leçons de cette défaite, puis les racines des victoires aux élections intermédiaires, les leaders qui appellaient à voter Oui à la Constitution européenne — en la considérant de surcroît comme un pis aller — ont conduit le parti socialiste à être une nouvelle fois massivement désavoué.

    Faute d'accepter à nouveau de tirer les leçons de ce scrutin, Ségolène Royal qui, au plus fort des débats autour du projet de Constitution européenne vouvoyait Jean-Luc Mélenchon et demandait l'exclusion d'Henri Emmanuelli, s'est montrée incapable de rassembler ne serait-ce que l'ensemble des électeurs de Gauche !

    On nous rétorquera que le référendum etait une vieille histoire qu'il fallait dépasser.

    S'il s'agissait des antagonismes et de la tension nés des affrontements fratricides, certes ! Mais à la lumière des résultats, n'etait--il pas temps que les partisans du Oui mesurent mieux l'attente de notre électorat plutôt que de demander aux partisans du Non de taire la teneur de ce message ?

    Jean-Pierre Chevènement et José Bové ne s'y étaient d'ailleurs pas trompés en déclarant spontanément au printemps 2006 qu'ils prendraient en considération la candidature de Laurent Fabius s'il était désigné par les militants socialistes, même si ensuite le choix de positionnements tactiques les ont conduits à moduler leurs commentaires au gré des propositions de chacun de nos présidentiables, puis à faire des choix bien différents !

    Car pour avoir été un européen convaincu mais exigeant déjà dans le passé, pour avoir su discerner ces dernières années au sein de l'électorat de gauche la forte volonté de résistance aux volontés et aux méfaits du libéralisme et pour avoir appelé avec de nombreux militants socialistes et d'autres forces de gauche à s'opposer au tsunami libéral qu'aurait constitué l'adoption de la Constitution européenne, sur le plan de l'analyse fondamentale seul Laurent Fabius était en situation de pouvoir tenter de renouer le fil de la confiance susceptible de conduire au rassemblement de toute la Gauche et de créer la dynamique de la victoire aux présidentielles.

    C'était aussi simple que ça même si ce n'était bien entendu pas acquis d'avance !

    D'autant que le Projet des socialistes, socle, en principe commun mais nécessairement a minima, de tous les candidats à la candidature n'opposait que le concept du « développement durable », ce qui, au regard de l'objectif déclaré de « rupture » de Nicolas Sarkozy, était un peu insuffisant pour galvaniser notre électorat. D'autant que le détricotage du Code du travail et la remise en cause des services publics concrétisaient depuis belle lurette une rupture libérale avec le pacte social issu de la Résistance !

    Par ailleurs, renfort appréciable, Lionel Jospin venait de reconnaitre que « ce n'est pas le Non qui a mis l'Europe en panne » et, loin de dessiner un nouvel ensemble institutionnel, avait formulé des propositions économiques et sociales en puisant dans l'argumentaire des partisans du non et en dénonçant de surcroît « le dumping social et fiscal » régnant en Europe, ce qui constituait précisément le leit motiv des partisans du Non lors du référendum.

    Après quelques semaines de débats organisés entre nos trois présidentiables, qu'avions-nous appris ?

    Que Laurent Fabius, à l'instar de François Mitterrand qui fut le seul socialiste à être vainqueur aux élections présidentielles, considèrait qu'il fallait d'abord rassembler toute la Gauche pour créer une dynamique susceptible de faire bouger comme à chaque fois l'électorat indécis afin de gagner la présidentielle, et qu'une telle campagne ne pouvait se mener que sur une politique clairement de gauche !

    Que Dominique Strauss-Kahn, à l'instar des sociaux-démocrates européens, considèrait que le socialisme d'opposition etait une vieille lune et qu'il fallait lui substituer « le socialisme de production », c'est-à-dire accepter le capitalisme tout en luttant contre ses excès, orientation politique qui ne pouvait que le conduire à accepter le projet de Constitution européenne tout en estimant que le texte n'était pas à la hauteur des défis à relever !

    Que Ségolène Royal, souvent de manière provocatrice, cherchait à sortir des sentiers battus en faisant des questions sociétales actuelles les questions essentielles autour desquelles s'articuleraient les nouveaux rapports sociaux, voulait s'émanciper des principes fondamentaux du mouvement socialiste et du Parti pour chercher à établir une relation directe avec le peuple dans la plus pure tradition de la Ve république, et prônait une décentralisation exacerbée qui ne peut conduire qu'à la disparition de l'État républicain, même si une telle politique était argumentée autour de valeurs sociales qu'elle veut contribuer à défendre !

    Or, gagner la présidentielle suppose que l'on rassemble toute la Gauche et qu'on lui tienne un discours de gauche. Et le discours de gauche, c'est d'abord le combat pour l'emploi, pour la feuille de paye, et contre le dumping fiscal et social organisé par un capitalisme débridé; ce combat supposant des engagements précis, sur le fond, sur la forme, mais aussi autour d'un calendrier précis.

    De ce point de vue, la lecture des déclarations en réponse aux questions posées à chaque candidat, telles qu'elles ont été publiées dans l'Hebdo des socialistes du 21 octobre 2006 consacré à l'économie et au social etaient édifiantes ! Entre les propositions de Laurent Fabius et celle de nos deux autres camarades, comme on dit il n'y avait pas photo !

    Ce qui restera en tout état de cause comme un fait remarquable dans un parti comme le nôtre, c'est cette façon de plébisciter une candidate parce que les sondages la plaçaient loin devant ses colistiers alors que toute l'histoire du PS et des sondages lors des élections présidentielles avait toujours conduit au contraire au résultat inverse ! Que des militants habitués à débattre au fond d'orientations politiques dans un parti comme le nôtre plébiscitent à leur tour une candidate qui mettait à ce moment-là plus de soins à définir un état des lieux qu'à annoncer de manière précise les mesures qu'elle entendait prendre et comment elle entendait les prendre, qu'il s'agisse d'aborder de façon critique les 35 heures, l'emploi du temps des enseignants,le contrôle des Politiques par un jury populaire, l'encadrement des jeunes délinquants par l'armée, etc... est absolument incroyable !

    D'autant plus incroyable que si les articles, les contributions et les discours de Dominique Strauss-Kahn — a fortiori de Laurent Fabius — lors des différents congrès sont nombreux, on a peine à trouver trace d'interventions marquantes de Ségolène Royal au cours de ces dernières années qui permettent de cerner ses conceptions, même si elle fut de l'avis de tous une ministre éclairée de l'Education, puis de la Famille.

    Sauf à ce que le recrutement en nombre d'adhérents à 20 € tant désirés par Jack Lang d'abord et par Ségolène Royal ensuite ait pesé massivement dans ce choix ubuesque !

    Cela étant, Ségolène aurait dû savoir que l'imprécision sur de tels sujets pouvait lui revenir en boomerang.!

    À l'évidence cela n'était pas grave à ses yeux, l'essentiel étant de donner des signes à un électorat au-delà de la Gauche, cherchant ailleurs les voix qu'elle sait qu'elle n'aurait pas au sein de celle-ci.

    Une telle stratégie était par nature suicidaire !

    DES ENSEIGNEMENTS PRECIEUX !

    Ainsi, pas plus que le rejet du projet de Constitution européenne et la mobilisation de la jeunesse des banlieues en 2005, la mobilisation de toute la jeunesse contre le Contrat Première Embauche en 2006, et l'importance grandissante des rassemblements alter mondialistes comme expression particulièrement nette d'une volonté de combat et de contrôle du mouvement en opposition à un sentiment de trahison largement répandu en raison du comportement des partis traditionnels, n'ont conduit les dirigeants de la majorité du PS à mesurer le degré de volonté politique exprimée autour de l'attachement au modèle social, des demandes d'égalité, et de la recherche d'une nouvelle stratégie par ces manifestations citoyennes.

    Et pourtant, loin du mixage du « politiquement correct » et de la « peopolisation », loin de la coupure entre « la politique de proximité » et « l'analyse des rapports mondiaux », loin d'une « culture de la base » opposée à la « culture des organisations », toutes ces réflexions, tous ces rassemblements, toutes ces manifestations n'avaient et n'ont encore d'autre but que de rassembler toutes les forces les plus étendues de la Gauche, loin de « l'ouverture au centre » désirée par nos éminents stratèges, pour offrir une issue positive à une Planète victime d'un libéralisme débridé.

    Faute de cette compréhension, faute de l'attitude des dirigeants de la majorité du PS, les militants socialistes désigneront — largement de surcroît — contre deux candidats, exprimant certes des orientations opposées mais dont les compétences personnelles ne peuvent être mises en doute, une candidate aux conceptions tout à fait méconnues à l'époque mais dont les sondages faisaient état d'une popularité telle qu'aucun candidat de la Droite ne pouvait espérer gagner les élections présidentielles.

    Il n'y a pas de mystère : pour gagner en 2007, il fallait que deux conditions soient réunies.

    La première, parvenir à nous mettre d'accord sur le diagnostic de ce qu'il faut bien appeler, je crois, une crise de civilisation, en s'attelant à en comprendre les fondamentaux pour la résoudre par un changement radical de relations sociales au sein de la société, qu'elle soit nationale, européenne ou mondiale. De ce point de vue, le débat sur la nature du socialisme reste ouvert.

    La seconde, désigner au congrès du Mans, et donc dans sa préparation, le candidat pour la présidentielle. De ce point de vue, il faut reconnaître que Jean-Luc Mélenchon fut l'un des rares dirigeants socialistes à le proposer tandis que tous les autres, moi y compris, pour des raisons fort différentes les uns des autres — certains voulant jouer leur carte personnelle tandis que d'autres craignant l'effet déflagrateur du choc des ambitions tant qu'un projet, y compris autour d'une synthèse, n'aurait pas vu le jour — se refusaient à faire du congrès du Mans le congrès de la désignation du candidat.

    Funeste erreur quand on mesure aujourd'hui ce qu'il en est advenu ! D'autant que comme en écho les dirigeants de la gauche de la Gauche devaient un peu plus tard tout mettre en oeuvre pour écrire en finale la chronique d'une défaite annoncée !

    Cela étant, il est évident que réussir la seconde condition sans que la première fut remplie aurait conduit à la même défaite, sauf peut-être — dans la mesure où d'autres conditions subsidiaires eussent été nécessaires — à ce que le candidat désigné soit en phase avec les résultats du référendum du 29 mai 2005 !

    LES LEGISLATIVES

    À l'issue du premier tour

    La première caractéristique de ce premier tour s'exprime par la remontée de l'abstention qui a atteint 32,6 % des suffrages contre 16,2 % pour le premier tour de la présidentielle.

    Plus caractéristique encore est le fait que cette abstention touche en particulier les jeunes — 51 % contre 22 % lors du scrutin précédent — puis les ouvriers — 49 % contre 17 % précédemment — affaiblissant bien entendu la Gauche, le total de ses voix atteignant 39 % des suffrages exprimés contre 50,3 % pour la Droite, l' UMP parvenant à elle seule à 32,5 % des voix, niveau comparable à celui atteint par l' UNR en 1968 !

    La seconde caractéristique se situe dans la forte volonté exprimée des électeurs de confirmer le premier tour de la présidentielle. 100 députés de droite élus dès le premier tour contre un seul député de gauche : tout un symbole ! Selon les enquêtes menées à l'issue du scrutin, ce n'est d'ailleurs pas tant le profil des candidats qui ont amené les électeurs à se déterminer que la volonté de permettre à Nicolas Sarkozy d'appliquer la politique pour laquelle il a été largement élu.

    La troisième caractéristique s'exprime dans la faiblesse des suffrages exprimés recueillis par le PS — 26,1 % contre 25,7 le 21 avril 2002 et 31,02 % en 1986 — et de manière encore plus nette parmi les jeunes leaders qui avaient soutenu ardemment Ségolène Royal. Par ailleurs, si l'on compare son score au premier tour — sachant qu'elle a bénéficié des voix radicales et des voix Chevènementistes — à celui du PS, on s'aperçoit que ce dernier est légèrement supérieur ce qui relativise sans équivoque possible l'idée selon laquelle Ségolène Royal a lavé l'affront du 21 avril 2002 !

    À l'issue du second tour

    Incontestablement, à nouveau forte l'abstention a été plus marquée à droite qu'à gauche, en particulier là où la Droite est traditionnellement forte comme en Alsace ou sur la Côte d'Azur — régions où son score final reste largement positif — mais aussi comme dans les Pays de Loire ou en Rhône-Alpes — régions où l'abstention

    à droite a permis l'élection d'un certain nombre de députés de gauche.

    Cela étant, ce retournement d'expression de l'électorat ne procède pas des voies impénétrables, mais bien plutôt des annonces du premier gouvernement de Nicolas Sarkozy, et en tout premier lieu de la fameuse « TVA sociale » fort opportunément dénoncée par Laurent Fabius sur les plateaux de télévision au soir du 10 juin ! La question sociale faisait son grand retour.

    Fait notable, la visualisation d'une carte en couleur le prouve amplement, on assiste à une concentration par département de députés soit de gauche soit de droite, mais de manière inégale dans la mesure où la Gauche est absente dans une quarantaine de départements tandis que la Droite — eu égard à son nombre de députés important, cela est logique — n'est victime de ce phénomène que dans quelques départements.

    À l'évidence, ceci constitue un problème pour les prochaines Régionales de 2009 !

    Fait essentiel également, la discipline républicaine à gauche qui a parfaitement fonctionné et qui a permis avec de surcroît un sursaut dans la mobilisation à gauche plus qu'à droite en définitive l'élection de 227 députés de gauche, totalisant 49 % des suffrages.

    Trois éléments à noter toutefois :

  • primo, là où l'affrontement a été rude entre le PS et le PCF dans les circonscriptions traditionnel de ce dernier et où le PS s'est retrouvé en tête, le recul des suffrages globaux obtenus sont très nettement en régression ;
  • secundo, là où les amis de François Bayrou, c'est-à-dire dans le centre des grandes villes ou de banlieues à caractère résidentiel, avaient obtenu un score non négligeable, les candidats du PS ont progressé de manière spectaculaire, ceci prouvant la déperdition des voix d'une certaine frange de l'électorat socialiste, appelé aussi «bobos ».
  • tertio, alors que Ségolène Royal n'avait été en tête que dans 191circonscriptions, la Gauche l'emporte dans 36 circonscriptions supplémentaires ! De 46,94 % des suffrages obtenus par Ségolène Royal, la Gauche obtient au second tour des législatives 49,6 % des voix, soit près de trois points de plus !
  • Ce dernier élément devra toujours être présent dans notre esprit au cours des débats à venir dans la mesure où il démontre que « l'élection présidentielle ( n ) a ( pas ) été un échec principalement en raison de notre incapacité à incarner, aux yeux des Français, l'espérance d'un avenir meilleur », mais bien parce que Ségolène Royal a développé une orientation qui n'était pas la nôtre et mené une campagne par ailleurs totalement décousue. Ce qui indique que la Gauche ne doit pas se croire totalement tributaire d'un candidat à la présidentielle mais qu'elle existe en tant que telle par son enracinement local et par le caractère historique et toujours prégnant de ses valeurs, même si évidemment dans les institutions de la Ve République l'élection présidentielle constitue la clé qui conditionne la possible transformation sociale.

    TIRER LE BILAN DU 21 AVRIL 2002 ... POUR GAGNER EN 2012 !

    Mémoire, mémoire

    « En réalité, mis à part les états généraux de 1994, il n'y a jamais eu réellement débat avec l'ensemble des militants, soit parce qu'il fallait geler les positions acquises, soit parce que les lois de la présidentielle, dans la Ve République, tendent à émanciper son candidat des volontés du parti, soit parce qu'il faut éviter d'affaiblir le gouvernement, et ceci fut vrai avant comme après 1997.

    Ces quelques lignes sont tirées de la contribution que j'avais écrit en 2002 en préparation du Congrès de Dijon.

    Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elles étaient prémonitoires dans la mesure où le bilan du 21 avril 2002 n'a jamais été tiré par ceux qui ont incarné de manière continue la majorité du PS ! Et il est d'ailleurs assez cocasse — mais après tout, mieux vaut tard que jamais — d'entendre un certain nombre de dirigeants de sensibilités ayant fait partie de cette majorité, affirmer aujourd'hui qu'il faut... tirer le bilan du 21 avril 2002 !

    Dont acte.

    De fait, chacun s'en souvient, la soirée du 21 avril fut un choc pour tous les socialistes et bien au-delà, dans la mesure où le bilan du gouvernement de Lionel Jospin nous apparaissait excellent au point d'en faire quasiment l'alpha et l'oméga de notre discours pour l'avenir, et notre candidat, favori, d'autant que l'adversaire subissait le poids des affaires que nous-mêmes avions en horreur.

    Aussi, au-delà de l'émotion, il reste que cette déroute, comme je l'avais écrit pour le congrès de Dijon, a été due tout à la fois à des causes structurelles et à des causes conjoncturelles.

    Les principales causes structurelles — remontant nécessairement à un certain nombre d'années en arrière — sont connues :

  • d'abord et avant tout la faible représentation des classes populaires au sein du PS et de ses élus en raison même de son histoire tandis que le PC de parti contestataire est devenu lui aussi un parti de gouvernement;
  • puis la désagrégation sociale consécutive à la crise minière et de la sidérurgie françaises accompagnée du développement du chômage, de la précarité, de la détérioration des conditions de travail et de l'exclusion;
  • la diminution mécanique de l'influence de la « classe ouvrière » elle-même en transformation dans la dynamique d'évolution de la société;
  • en conséquence de ce qui précède, la crise politique inquiétante alors comme la crise de la démocratie représentative et de son cortège d'abstentions augmentant de manière quasi régulière de 1983 à 2002 exprimant une perte de confiance très importante de la part de l'électorat populaire à l'égard de ses « représentants »;
  • l'inscription durable de l'extrême droite dans le paysage politique comme conséquence de ces crises et du développement de l'insécurité (le résultat des présidentielles de 2007 en ce qui la concerne est-il durable ?) ;
  • le renforcement de l'individualisme (galopant, pourrait-on ajouter cinq ans plus tard) comme produit tout à la fois de l'idéologie libérale et des aspirations à la liberté nées de 1968, les inquiétudes devant les effets d'une mondialisation qui dessine les contours nouveaux d'une redistribution des champs de production, les progrès techniques facteurs de productivité accrue au détriment de l'emploi du plus grand nombre.
  • Les principales causes conjoncturelles sont également connues :

  • l'inversion du calendrier politique;
  • une impuissance affichée conduisant à une campagne désastreuse;
  • le choix d'un choc de personnalités — erreur funeste que renouvellera Ségolène Royal — au lieu du choix du choc de projets antagonistes ;
  • le choix de réduire un projet au fait de vouloir « gouverner autrement » ;
  • un candidat jouissant d'un crédit évident mais trop enfermé dans sa fonction de Premier ministre;
  • un projet de fait sans arêtes, peu lisible, lié à un bilan certes considérable mais aussi porteur d'interrogations;
  • un déficit d'image des socialistes chez les enseignants lié à des méthodes de concertation pour le moins discutables, un désamour accentué avec les chasseurs, un début de krach boursier sur les valeurs technologiques, les attentats du 11 septembre, le recul de la croissance en fin de quinquennat, la montée conjointe du chômage... autant d'éléments qui, s'ajoutant les uns aux autres, finissent par créer un contexte défavorable.
  • Autres causes contextuelles

    Si tous nos efforts, de la fondation du parti d'Epinay en 1971 à la victoire de 1981 ont été tendus vers le rassemblement des couches populaires d'abord, et des couches moyennes ensuite, sans oublier nombre d'intellectuels, par l'investissement et le militantisme dans les entreprises, les organisations, les associations et les universités, la conduite des affaires de l'Etat, l'inévitable nécessité de prioriser les priorités, le caractère antidémocratique des institutions de la Ve République — qui voit le pouvoir procéder de l'exécutif minimisant le rôle du Parlement et relèguant les partis au rang de supplétifs sauf pendant les campagnes électorales — ont éloigné les gouvernants, trop alimentés par la technostructure, de l'ensemble des citoyens, et même souvent des élus de base, sans même parler des militants.

    Le quinquennat de Lionel Jospin n'a pas échappé à ce syndrome, laissant l'entreprise au Médef — tandis que les G.S.E. n'étaient plus que l'ombre d'eux-mêmes --, associant insuffisamment les syndicats lorsqu'ils n'étaient tout simplement pas vus comme des empêcheurs de réformer en rond.

    Cela étant, ce diagnostic est également vrai pour les cinq années qui nous sépare du quinquennat de Lionel Jospin : le PS n'a pas renouvelé comme il aurait dû le faire ses contacts avec le mouvement social, le mouvement associatif, se contentant pour « ouvrir grand les portes et les fenêtres » du Parti de lancer une campagne d'adhésion à 20 € pour appeler « l'opinion » à participer à la rédaction de notre Projet et désigner notre candidat, un peu comme un grand concours auquel on participe moyennant une mise modique avec l'espoir de décrocher le gros lot !

    Il est vrai que l'idéologie libérale pèse sur l'ensemble des composantes de la société au plan individuel et collectif, et par conséquent sur la Gauche toute entière — en premier lieu sur ses dirigeants en raison même des choix qu'ils ont à faire et en particulier dans les conditions où il faut parfois les exercer lorsqu'ils sont au pouvoir au plan national mais aussi au plan local — que la médiatisation tous azimuts tendent à faire perdre à tout un chacun l'ensemble de ses repères.

    Il est vrai que depuis les années 20, le balancier de l'histoire orienté vers la Gauche en tant que traduction politique d'événements sociaux voulant mettre un terme à une exploitation éhontée des classes ouvrière et paysanne, n'a cessé — quelques courtes périodes exceptées — de revenir vers la Droite, semblant légitimer le système capitaliste et l'idéologie qu'il secrète.

    Il est vrai que le passage de la société industrielle à la société de l'information, le développement sans précédent des nouvelles technologies, la financiarisation de la planète favorisée par une dérégulation outrancière, l'externalisation de la production au profit d'une sous-traitance sacrifiant le code du travail sur l'autel de la productivité, la sélection du capital humain, la supranationalité des pouvoirs économiques face à l'inadéquation des cadre de pouvoirs nationaux, pèsent lourd face à notre utopie constructive de redonner sa place au primat politique pour une société démocratique mondiale basée sur une citoyenneté partagée.

    Exprimée dans les années 80 avec le dogme du seuil insupportable des taux d'imposition, puis du mouvement de réhabilitation du chef d'entreprise proclamé nouveau héros de cette fin de siècle, on ne peut que constater l'influence marquée, exercée dans nos rangs et sur notre politique ces 20 dernières années, au point que nous avons été collectivement incapables de parvenir à réhabiliter le sens de l'impôt depuis le 21 avril et de s'opposer efficacement à Nicolas Sarkozy sur ce sujet lors de la campagne présidentielle.

    {1997- 2002 : LE BILAN

    S'interroger sur les causes de la défaite du 21 avril 2002 implique nécessairement que nous nous interrogions à nouveau sur la nature du bilan gouvernemental. A fortiori parce qu'il a constitué le corps central de la campagne présidentielle de l'époque. Non pour le minimiser, mais pour l'analyser. Même brièvement. Dans la préparation du congrès de Dijon, j'avais écrit

  • « Deux millions d'emplois créés et un million de chômeurs en moins, mais plusieurs centaines de milliers d'emplois à temps partiel ou à durée déterminée et 500.000 emplois aidés, et encore 2,3 millions de chômeurs vivant plus difficilement leur situation dès lors que le chômage régressait pour d'autres,
  • des avancées sociales, telles que la loi contre les exclusions, mais qui, lorsqu'elle ne permet pas de déboucher sur un emploi laisse la désagréable impression au titulaire qu'il relève d'une politique d'assistance, la couverture maladie universelle ou l'allocation personnalisée d'autonomie, mais dont la réalisation tardive ne permettra pas de recueillir les retombées politiques naturelles,
  • des avancées sociétales, telles que la parité et le pacs très appréciées par des catégories ciblées de citoyens, mais pas ressenties nécessairement d'importance pour toute la population(chez les femmes, Lionel Jospin recueillera 16 pour cent des voix contre... 22 pour cent à Jacques Chirac),
  • une réforme historique en matière de réduction du temps de travail comme les trente-cinq heures, mais aux avantages non accessibles à tous comme le temps libéré et aux conséquences perverses comme l'affaiblissement du caractère collectif des horaires de travail en raison de l'individualisation du temps de travail atomisant un peu plus le lien de l'intérêt collectif du salariat, comme le renforcement de la notion de flexibilité à l'intérieur de l'entreprise, ou aux contraintes difficilement acceptables en termes de modération salariale, voire de réduction de pouvoir d'achat pour les salariés les plus modestes , de loin les plus nombreux, pour qui l'accès aux heures supplémentaires constituait des bonifications bienvenues,
  • un ersatz de réforme fiscale, cocktail de mesures ciblées, parfois intelligente (comme la réduction de TVA pour les travaux d'appartements), parfois injuste (comme la réduction de l'impôt sur le revenu), franchement inégalitaire (comme la suppression de la vignette automobile), voire absurde ( comme l'allègement de la fiscalité sur les stock-options), ou nettement à contresens (comme la prime pour l'emploi) quand la solidarité nationale, vécue comme une assistance, prétend remplacer la valeur du salaire dans le revenu professionnel exonérant les entreprises de leurs responsabilités dans l'existence des bas salaires,
  • des inflexions politiques inavouées ou incorrectement expliquées (comme les privatisations ou les ouvertures de capital), parfois peu justifiées ou contradictoires à nos principes et nos valeurs, en particulier dès lors qu'il s'agissait de services publics , auxquels les Français sont très attachés, parce qu'ils sont ouverts à tous et donc garants de la cohésion sociale et facteurs d'égalité sociale),
  • des erreurs commises, (comme la proposition du droit de vote aux scrutins locaux pour les étrangers non ressortissants de la communauté européenne, non inscrite au bureau du Parlement au motif que le président s'y opposerait, et au final le Sénat aussi, perdant ainsi une occasion de prouver que pour les socialistes l'intégration avait un sens),
  • une volonté de dialogue social insuffisamment affirmée ou à géométrie variable, expression d'une vision encore trop jacobine, voire étatique et centralisée,
  • des accommodements avec nos propres règles, (comme le cumul de mandats, dans bien des cas pourtant prohibé),
  • - des mesures nécessaires mais affirmées tardivement et pas toujours bien assumées par l'ensemble des socialistes (comme les questions de sécurité, dont l'importance déjà s'était révélée dans les résultats des municipales de mars 2001), insuffisantes de surcroît pour compenser le sentiment largement perçu de perte de l'autorité de l'État,

  • de nombreuses mesures face à la mondialisation (comme l'adoption du principe de la taxe Tobin, le début de l'annulation de la dette des pays pauvres, ou l'esquisse d'une coordination européenne des politiques économiques) mais {qui apparaissent techniques et non pas incarner un grand dessein,
  • et bien entendu, des frustrations et des attentes nouvelles générées aussi bien par les aspects positifs que négatifs de notre politique.»
  • Oui ou non, est-on d'accord avec ces raisons de la défaite du 21 avril 2002 ?

    REPRECISER NOTRE IDENTITE ET NOTRE STRATEGIE

    « Le monde a changé, il nous faut à présent changer de logiciel, sortir de l'immobilisme doctrinal, avoir le courage de dire que tout n'est pas possible, prendre en compte le réel et en finir avec l'idéalisation d'une société disparue. »

    « Du fait de l'évolution des techniques, les emplois salariés ne cessent mécaniquement de diminuer et le chômage d'augmenter. »

    « Face à des besoins sociaux toujours plus importants du fait des progrès de la médecine qui sauvent de nombreuses vies humaines mais aux besoins de compensation importants ou de l'apparition des phénomènes de dépendance liée à l'avancement en âge, maintenir au même niveau l'État dit Providence dans un monde globalisé constituerait une utopie. »

    Ou bien encore, comme le professe le Cercle des économistes :

    « Aucun pays européen pris individuellement ne peut rien changer à l'ouverture des échanges.... On voit difficilement l'Europe ignorait les règles anglo-saxonnes du capitalisme, de la comptabilité, de la gouvernance... Tout programme qui ne mentionnerait pas les moyens d'accroître la durée du travail sur la vie (...) ne pourrait pas être pris au sérieux ».

    Il faudrait donc s'adapter aux lois incontournables dans un monde globalisé ! Tel est à peu près le message que que l'on ne cesse de nous répéter afin que nous acceptions notre sort.

    Certains socialistes affirment même que « le passage des réflexes libertaires à une cohérence globale social-démocrate se heurte à une certaine inertie idéologique », et comme « chaque génération structure durablement sa perception du monde et sa conscience politique à travers ses expériences de jeunesse », il ne reste plus comme l'indique Tribunes Socialistes « à la génération de 1968 que de faire son aggiornamento ».

    Certes, jamais les questions n'ont paru aussi complexes face à la montée des périls, de la mondialisation et son cortège de crises financières et ses délocalisations, du renforcement des extrémismes et de leurs attentats meurtriers, du développement des progrès techniques et des inégalités dans un parallèle saisissant, et face à la déconfiture des grandes espérances et des principes qui les incarnaient. Ceci était vrai en 2002 et cela est toujours vrai en 2007 !

    Il importe donc:

  • de réfléchir collectivement mais sereinement pour donner du sens aux événements et aux lignes de force qui rythment notre planète,
  • de redéfinir une stratégie pour agir au plan national, européen et mondial avec nos concitoyens maîtrisant ensemble notre destin collectif,
  • d'appeler au rassemblement de toutes les forces sociales qui s'inscrivent dans cette perspective dans le cadre d'Assises de la Gauche,
  • d'envisager avec toutes les forces politiques de Gauche qui l'accepteraient la création d'un Parti de la Gauche Unie
  • d'élaborer un projet unitaire bâti sur le respect de l'individu et sa volonté d'autonomie dans le cadre d'une solidarité collective offrant aides et garanties pour permettre initiatives et responsabilités,
  • afin d'offrir demain à nos concitoyens un outil de réformes efficaces.

    Réfléchir pour agir

    Puisque nous déclarons tous vouloir refonder, rénover, reconstruire, voire renaître, sans oublier nos valeurs, ne faut-il pas en premier lieu nous recentrer sur nos acquis fondamentaux et sur ceux que prioritairement nous représentons sans oublier bien entendu ensuite ceux qu'historiquement nous associons !

    À l'évidence, le déclassement impitoyable d'hommes et de femmes relégués aux confins de la société sous prétexte d'inadaptation réelle ou supposée, la dissolution du lien social conjuguée à la montée de l'individualisme, une citoyenneté remise en question, une crise endémique dite de " l'Etat providence ", imposent de reconsidérer un certain nombre de concepts et de notions.

    Les citoyens ont parfaitement mesuré que si le marché constituait l'espace où les producteurs et les consommateurs s'échangent les biens et les services dans une offre de concurrence et de ressources plus ou moins disponibles, le marché était aussi imparfait par nature, instable par essence, myope et parfois aveugle par définition, et donc un instrument à discipliner pour mieux répondre aux besoins des plus larges populations au lieu d'être en priorité, comme le souhaite les libéraux, un instrument à générer les profits.

    Les citoyens ont parfaitement compris depuis longtemps que notre pays ne vit pas en autarcie, qu'il est un élément d'une économie mondialisée dont les fluctuations ont nécessairement un impact à l'intérieur de nos frontières et que la question de la croissance est la question centrale à partir de laquelle tout est possible ou difficile, même si selon les situations et en fonction d'autres critères elle ne crée pas systématiquement le même nombre d'emplois selon les périodes. Ils ont parfaitement compris que du fait des économies à bas salaires et des délocalisations possibles, l'avenir s'incarnait dans une économie de la connaissance et de la formation autour des pôles de recherche et les universités.

    Les citoyens ont aussi parfaitement compris que le marché est aujourd'hui tout entier dominé par le capitalisme, système économique dans lequel vivent des milliards d'individus mais dont les ficelles sont tirées par une minorité d'individus à peine masqués derrière les sociétés et fonds d'investissement concentrant l'accumulation du capital et recherchant un taux de profit maxima qui en pervertit tous les rouages au travers d'une concurrence acharnée et une exploitation sans limite des capacités productives d'une majorité de salariés. Au point que près de 30 % des plus importantes entités économiques mondiales, c'est-à-dire pays compris, sont constitués par des entreprises multinationales.

    Les citoyens ont parfaitement compris que le capitalisme était un système économique dominé par une minorité qui concentre dans ses mains l'accumulation du capital et recherche un taux de profit maximum en raison même de la concurrence que ses différents protagonistes se livre de manière acharnée, par une exploitation maximum des capacités productives de l'ensemble des salariés et que le libéralisme était une doctrine qui tend à présenter le capitalisme comme un système naturel et les marchés comme étant capables de s'auto-réguler, rejetant par principe toute intervention de l'Etat.

    Les citoyens ont parfaitement compris que le capitalisme, parvenu au niveau d'un système économique hégémonique et planétaire, tend à conduire à une fracture isolant deux groupes d'individus, le premier se situant au coeur de l'organisation de la production et des richesses, le second relégué dans un monde de marginalisation et d'exclusion dès lors qu'il ne peut prendre part à une activité de production dominée par une logique productiviste outrancière et contribue à remettre en cause fondamentalement les principes républicains de liberté et d'égalité, a fortiori de fraternité.

    Aussi, face aux faiblesses de l'économie française, une majorité de citoyens aurait espéré que la Gauche soit en mesure de lui présenter une grande perspective autour d'un grand plan de réformes sociales et de dynamisation de l'économie française lui permettant de recouvrer son rang à l'échelle mondiale et d'entamer un retour vers la prospérité créatrice d'emplois. Ce ne fut le cas ni en 2002 ni en 2007.

    Car, le combat pour le socialisme démocratique ne peut s'accommoder de la précarisation généralisée, développée non seulement dans le monde professionnel par une flexibilité dérégulatrice, mais aussi dans la vie sociale, source de décomposition sociétale et de violence endémique.

    Et qu'est-ce que le socialisme aujourd'hui sinon une conception politique qui a pour objectif de favoriser l'épanouissement des capacités humaines des plus larges populations, avec comme instrument la démocratie à étendre dans tous les compartiments de l'activité humaine. « Le socialisme, c'est la République jusqu'au bout », disait Jaurès, pour qui l'égalité des citoyens dans la liberté et la fraternité demeurait le but ultime d'une nouvelle société à naître.

    Ainsi, « être socialiste » consiste aujourd'hui comme hier, sur la base de l'acceptation de « l'économie de marché » à refuser « la société de marché » — c'est-à-dire un espace d'exploitation renforcée vers lequel tente en permanence de nous conduire le système capitaliste — en établissant en permanence un rapport critique avec le capitalisme et l'idéologie libérale qu'il secrète, c'est-à-dire en ne se laissant précisément pas contaminer par cette idéologie ou ses avatars, qu'ils se nomment « libéralisme social » ou « social libéralisme ».

    Car le combat pour le socialisme démocratique ne peut accepter une citoyenneté ou co-existerait à deux niveaux des " membres actifs " et des " figurants ", les uns représentatifs d'une situation de travail, les autres vivant de la solidarité, c'est-à-dire le plus souvent de l'assistance, mal masquée par un discours sur la fraternité incapable de freiner la relégation de nombre de nos concitoyens. Si les valeurs d'égalité des chances et de solidarité mises à mal par la destructuration du tissu social conservent pour les socialistes une signification forte, nous leur préférons les principes de citoyenneté et le primat du collectif sur l'individualisme, consubstantiels du socialisme.

    Le combat pour le socialisme démocratique impose de renouer avec l'analyse des socialistes du début du siècle, sauf à s'interdire de s'émanciper de la vision libérale qui par exemple, en ce qui concerne les personnes en " situations de handicap " ou en situation d'exclusion, préfère invoquer la fatalité ou la responsabilité individuelle en développant des politiques solidaro-assistancielles plutôt que de remettre en cause les fondements mêmes de la société, pourtant à l'origine non seulement de facteurs de désintégration sociale mais aussi de freins aux politiques de réintégration esquissées, même imparfaitement par la gauche.

    Il est de bon ton, en particulier depuis la chute du mur de Berlin, de considérer que l'antagonisme entre les intérêts des investisseurs et le monde salarié tel que décrit par Marx, est dépassé — les socialistes n'ont-ils pas réhabilité l'entreprise ? --, que le prolétariat n'existe plus depuis longtemps, qu'on ne peut plus parler de classe ouvrière et, même parfois, que la lutte des classes est un concept dépassé. Voire ! Les ressorts fondamentaux du capitalisme dominant le marché ont-ils changé ? La recherche forcenée du profit s'est-elle estompée ? La vente de sa force de travail et des connaissances acquises contre salaires a-t-elle disparu ?

    Des illusions demeurent-elles encore sur le fait que le capitalisme n'apporte pas de réponse, quant il n'est pas lui-même le responsable du fait que les 4/5 du globe souffre de sous-consommation tandis que les pays industrialisés se tordent de convulsions dans des crises de surproduction et un chômage endémique ?

    Un vieux débat

    Réouvrons le une fois de plus !

    Le parti socialiste est-il un parti social-démocrate ?

    Si la social-démocratie implique des rapports à la mode travailliste par le lien organique avec les syndicats ou à la mode de l'Europe du Nord avec ses coopératives, ses mutuelles, ses banques et bien sûr ses syndicats, alors le parti socialiste n'est pas social-démocrate.

    Mais si l'on considère la social-démocratie comme un compromis politique noué avec le capital au compte du salariat, le parti socialiste est à l' évidence social-démocrate.

    Et si la social-démocratie intègre l'influence de Keynes, des grands travaux façon New Deal, une économie mixte — voire des nationalisations — des modes de régulation du marché à l'occasion, un régime de protection sociale au caractère redistributif, une politique laïque d'éducation, alors le parti socialiste est social-démocrate et la France, dans une certaine mesure, vit encore aujourd'hui à l'heure social-démocrate même si le libéralisme, avoué ou insidieux, tend à lui rogner les ailes.

    Et si l'on veut bien admettre que le compromis politique cité plus haut est dénoncé par le capital lui-même au travers de la généralisation du chômage via les plans sociaux à répétition, alors il faut reconnaître que l'heure n'est plus tout à fait à la recherche hypothétique de l'accord perdu, mais plutôt à une mobilisation continentale et planétaire, nécessairement continue et saccadée. De ce point de vue, la dimension programmatique, non seulement européenne mais aussi internationale, en relation avec les autres partis de gauche dans le monde, doit impérativement être intégrée dans les perspectives à ouvrir, sauf à s'impuissanter dans un cadre strictement national.

    Oui, ayons le courage de le dire ! La social-démocratie a vécu. En France et en Europe. Bâtie sur un compromis entre le capital et le travail, la social-démocratie ne peut plus répondre à sa fonction dès lors que cet équilibre est rompu durablement. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle de nombreux pôles de contestation à des degrés divers ont émergé en Europe, dans cet espace politique libéré comme au Danemark, en Suède, en Finlande, en Allemagne (d'autant que la grande coalition allemande ne peut que conduire à impuissanter le SPD dans un bras de fer où chacun des deux partenaires tente d'étouffer l'autre), au Portugal, en Espagne, en Italie, et — même si ce pôle est aujourd'hui atomisé après avoir connu une forte expression unie dans le combat contre le projet de Constitution européenne il y a deux ans — en France également.

    Nul doute d'ailleurs qu'avec la victoire de Nicolas Sarkozy, la France politique qui s'est construite historiquement non autour d'un syndicalisme fort mais dans le débat fracassant sur la nature des politiques à mener, connaîtra rapidement l'émergence d'une demande de radicalité forte. Reste à savoir si le PS sera à la hauteur de l'exigence sociale !

    Le vrai débat

    En réalité, le débat est autre !

    Comme d'habitude la Gauche est traversée par le débat de ses deux composantes historiques qui voient les réformistes radicaux inciter les réformistes a minima à donner de la consistance à la notion de transformation sociale, tandis que les réformistes a minima désespérés par le balancier de l'Histoire lorgnent régulièrement vers le Centre, comme c'est le cas actuellement, ne voulant pas reconnaître qu'en France, a fortiori avec les institutions de la Ve république, les dirigeants du Centre ne sont en réalité que les dirigeants de la Droite centriste. Et cela change tout !

    Et s'il peut apparaître aujourd'hui un peu ridicule compte tenu de la position du balancier de l'Histoire de parler de « rupture avec le capitalisme », il ne faut certainement pas affirmer que cette question ne se posera jamais, car sauf à croire que « le capitalisme borne notre horizon » — ce que nous avions collectivement contesté, je crois — les contradictions de la société capitaliste mondiale et son cortège d'injustices sont tels, qu'il serait présomptueux d'affirmer que les mouvements sociaux qui tentent de trouver une expression mondiale ne seront pas en mesure de remettre en mouvement, et dans le sens opposé, le balancier de l'histoire.

    Car le réformisme, qui est l'essence même du socialisme, peut-il être autre chose que radical, face à la violence exercée par le capitalisme à l'échelle mondiale ?

    Sauf à céder continuellement du terrain au libéralisme dont les moyens de pressions sont énormes, le réformisme ne peut opposer que sa détermination... et l'appui des plus larges populations s'il parvient à être reconnu comme le meilleur instrument pour parvenir à construire un espace social plus harmonieux.

    Il faut donc opposer le socialisme au libéralisme, c'est-à-dire un concept politique qui a pour objectif de favoriser l'épanouissement des capacités humaines des plus larges populations, par le développement du progrès dans le respect de la notion de développement durable, de la laïcité et de l'égalité, avec comme instrument la démocratie à étendre dans tous les compartiments de l'activité humaine, une économie mixte, une protection sociale reconstituée et des services publics renouvelés.

    Ce qui signifie qu'un programme pour être socialiste, ne peut se contenter de souhaiter « une société plus juste et plus humaine » à partir d'une « modernité partagée », mais doit prendre en compte l'avenir de la planète et conjuguer l'internationalisme, mettre en exergue le plein-emploi, revivifier les termes du contrat social en termes d'éducation, de formation, de logement, de transport, de santé et de protection sociale, combattre pour l'émancipation et l'égalité des hommes et des peuples, traduire dans les faits la conscience internationale, défendre et promouvoir la démocratie, contribuer à maîtriser le développement de l'histoire et du monde.

    Qui peut douter que ces objectifs sont, non seulement le mieux susceptibles d'exprimer notre identité, mais aussi de rallier autour de nous une majorité de nos concitoyens?

    REDEVENONS INTERNATIONALISTES !

    Si, répétons-le encore une fois, à l'origine l'entrepreneur est un créateur, le capitalisme, mode de production générique basée sur la propriété privée des moyens de production, s'est érigé en système qui, guidé nécessairement et trop souvent uniquement par la recherche du profit a conquis le monde aidé en cela par la vitesse des échanges. La mondialisation de l'économie est aujourd'hui achevée. On peut le déplorer ou s'en féliciter : c'est un fait ! Mais elle était inéluctable à terme dès lors que l'Homme n'a eu de cesse que de découvrir l'ensemble de la planète et d'y pratiquer les échanges.

    Et si la mondialisation des échanges va dans le sens de l'Histoire, il reste qu'elle s'accompagne de son cortège de licenciements — un million d'emplois ont disparu au sein de l'Union Européenne à partir des secteurs du textile et de l'habillement durant la dernière décennie et ce chiffre aura doublé dans les cinq ans à venir --, de remise en cause du niveau de vie, et du développement de plus en plus grand des inégalités au point de remettre en cause tous les modèles sociaux établis au gré des luttes sociales victorieuses d'antan. Tout est objet de spéculation et la libre concurrence a généré des monstres capitalistiques tendant à déposséder le politique du pouvoir réel. Mais il reste aussi qu'il est illusoire d'imaginer que l'on puisse la stopper, a fortiori de revenir en arrière !

    Certes, pour lutter contre des comportements à sens unique basé sur le dumping social — un milliard de personnes travaillent en Asie pour moins de deux dollars chaque jour et 12 millions de personnes sont victimes de travail forcé à travers le monde selon l'Organisation Internationale du Travail — il n'est pas anormal d'envisager à l'échelle mondiale des mesures de rétorsion pour mieux équilibrer les relations commerciales.

    Mais dans l'économie ouverte dans laquelle nous sommes à présent, où un milliard de salariés chinois et indiens font irruption sur la scène mondiale, c'est à l'échelle planétaire qu'il faut à présent raisonner ; d'autant plus que cette concurrence s'exercera dans des domaines à forte valeur ajoutée, apanage encore à peu près maintenu des pays du G8.

    De ce point de vue, engager une campagne planétaire de mobilisation des salariés autour du combat éthique pour amener un certain nombre de pays à respecter un certain nombre de droits fondamentaux et de règles propres à éviter l'exploitation des 250 millions d'enfants obligés de travailler sans même parler de ceux qui ne perçoivent pas de salaire, toujours selon l'OIT, loin d'être une utopie devient au contraire un objectif indispensable.

    Ce combat auprès des autres gouvernements est absolument nécessaire car l'élaboration de normes sociales reconnues par tous est la seule façon d'éviter un nivellement par le bas ; sauf à devoir générer des phénomènes nationalistes et xénophobes autour du rejet de la mondialisation par un grand nombre de citoyens mais qui ne constitueraient en aucun cas une perspective positive. Car ce n'est pas la mondialisation qui doit être combattue, mais le capitalisme dominé par le libéralisme !

    C'est pourquoi, après l'avoir affirmé dans la préparation des congrès précédents, je le répète à nouveau :

    « Il nous faut renouer avec la vision planétaire des socialistes fondateurs de l'Internationale Socialiste » et cesser de répéter bêtement que « le logiciel est à changer » !

    « Nul besoin d'être grand clerc pour anticiper les dégâts qu'occasionnera rapidement le capitalisme dominé aujourd'hui par un libéralisme sans contre-pouvoirs. Nul besoin d'être grand clerc non plus pour comprendre qu'il faut anticiper les changements inéluctables et donc, loin de chercher à atténuer les effets de ce mode de production, il faut mettre l'économie de marché, fût-ce de manière contraignante, au service de la société mondiale tout entière, défi de longue haleine, en s'appuyant sur les aspirations des populations à une plus grande justice sociale et sur une force sociale organisée.

    Il ne s'agit donc point d'atténuer les effets, de contenir ou de corriger l'économie de marché, mais de la mettre au service de la société mondiale toute entière, en s'appuyant sur le mouvement social à organiser exprimant les aspirations des populations à une plus grande justice sociale. Il nous faut contraindre un système sans conscience, somme d'intérêts particuliers, à une action et à une morale, expression de l'intérêt général avec pour objectif central l'emploi et la satisfaction des besoins les plus élémentaires des plus larges populations. »

    Le social libéralisme, comme produit de l'idéologie libérale dans les rangs de la Gauche, a succédé au gel idéologique généré par le stalinisme qui marqua de son empreinte le monde durant les deux tiers du siècle dernier, et n'a pas permis que se recrée des liens avec le mouvement politique et social sur le plan européen et mondial à la hauteur des enjeux de notre période.

    C'est ce déficit qui explique la naissance du mouvement anti- mondialisation mais qui ne peut à lui seul offrir un débouché politique concret à la hauteur des espérances qu'il fait naitre, ce qui souligne d'autant plus la tâche urgente des socialistes qui consiste, avec d'autres, à organiser à l'échelle internationale un cadre organisationnel d'action, transparent et public, permettant aux débats actuels de déboucher vers un programme d'action mondiale qui, constatant l'état du monde et les disparités économiques existantes entre les grandes zones géographiques mondiales, ouvrirait des perspectives de développement harmonieux.

    À ceux qui nous diront encore que nous sommes isolés par rapport aux social-démocraties européennes et que comme elles il faut s'adapter à l'évolution du monde, que la solution ne réside pas seulement dans une question de redistribution, que la dette de notre pays est à présent très importante, que nos marges de manoeuvre sont faibles, que notre pression fiscale est parmi les plus hautes, nous devrons leur dire de vérifier si dans les autres pays la redistribution s'est opérée dans les mêmes proportions du travail vers le capital, de différencier les créances dues aux investissements et les créances dues aux déficits non couverts, de comptabiliser les versements réalisés par les citoyens auprès des compagnies privées pour parvenir à une protection sociale au moins égale à la nôtre, que la signature de la France est en termes financiers l'une des plus sûrs du monde.

    Dans cette perspective, il faut recréer des liens forts avec le mouvement politique et social, partis, syndicats et associations, sur le plan national, européen, et mondial. Car la prééminence actuelle du capitalisme n'est pas la conséquence de sa suprématie naturelle mais bien plutôt de la faiblesse des forces sociales internationales qui depuis le premier quart du siècle dernier n'ont cessé de reculer devant le capitalisme, et ce d'autant plus que le stalinisme a tué de l'intérieur et dès le début la tentative de création d'une autre société dont on ne saura pas si elle était effectivement porteuse de lendemains qui chantent !

    Or, les socialistes ne peuvent progresser qu'en harmonie profonde avec l'immense majorité des hommes et des femmes qui composent le tissu social salarié, en particulier à l'heure où la classe dominante, pour survivre de ses crises, est contrainte de remettre en cause tout ce qu'elle a dû concéder lors des luttes sociales antérieures, droits conquis et scandaleusement dénommés, y compris dans nos rangs parfois, État providence, comme si bénéficier de droits sociaux était source de privilèges.

    Cet appauvrissement généralisé du salariat est non seulement un crime contre l'humanité, mais aussi une absurdité, en particulier dans une économie de marché car sans consommateurs au pouvoir d'achat décent, il y a inéluctablement atonie du marché, tandis que les capitaux ne peuvent trouver une meilleure rémunération que dans la spéculation généralisée, a fortiori quand la norme de rémunération attendue doit impérativement frôler les quinze pour cent.

    Tout ceci repose sur le postulat libéral, selon lequel le coût du travail est l'unique cause du chômage et, partant, que les salaires et le système social doivent être ajustés aux lois de la compétitivité mondiale, indépendamment des conséquences désastreuses que génère un tel raisonnement.

    Recréer ces liens avec avec le Mouvement alter mondialiste impose de renouer avec la vision planétaire et internationaliste des premiers socialistes, et de faire notamment de l'Internationale Socialiste le lieu transparent et public de débats pour l'ébauche d'un programme socialiste mondial qui, partant de l'état du monde et des disparités économiques qui existent entre les grandes zones géographiques mondiales, ouvrirait des perspectives de développement harmonieux.

    Contrairement à la philosophie anglo-saxonne du libre-échange et en tenant compte des inégalités économiques et sociales entre les pays producteurs, on pourrait combattre pour mettre en place des grandes zones économiques composées de pays aux niveaux de vie proches au sein desquelles les relations commerciales seront libres tandis que les échanges commerciaux avec des pays hors zone communautaire s'établiraient sur des bases conjointement négociées avec pour objectif d'opérer des rapprochements progressifs et contrôlés.

    Ceci permettrait tout à la fois au sein de la zone considérée de répartir les gains de productivité pour une réduction du temps de travail, de mieux agir sur un vaste marché à tendance uniforme ou production et consommation peuvent mieux s'ajuster, de peser à l'extension de la protection sociale aux fins de rattrapage des législations les plus avancées, de différencier les attitudes envers les pays socialement défavorisés et relevant du quart monde, et les nouveaux pays industrialisés aux capacités technologiques modernes.

    On pourrait aussi, à l'image du Fonds de gestion pour l'insertion des personnes dites handicapées, proposer de créer une contribution à la charge des entreprises qui délocalisent leur production, contribution destinée à alimenter un Fonds International de Développement ayant pour mission de financer la création d'entreprises, à la fois par les nationaux des pays d'accueil — pénalisés par le frein à la délocalisation d'emploi que pourrait constituer une telle mesure --, que par les nationaux des pays où était implantée auparavant l'entreprise délocalisatrice, dont par ailleurs l'intérêt pour des raisons à long terme auront pu conduire à expatrier sa production.

    Mais de manière plus générale, il serait certainement utile de favoriser le développement des PME, souvent exportatrices, en favorisant celles qui investissent par un allègement de la fiscalité et en modifiant les seuils butoirs qui freinent l'embauche de ces entreprises.

    Il s'agit là, répétons-le, évidemment d'un combat politique qui ne peut être mené que par le mouvement social organisé, combat que rejoindrait les alter mondialistes et donnerait aux socialistes un rôle tout à fait fondamental à jouer dès lors qu'ils se seront dotés d'un dessein !

    L'EUROPE

    La construction de l'Europe est un enjeu majeur. Et la question n'est pas de savoir si l'Europe doit se construire autour d'un grand marché livré à la concurrence : depuis le référendum du 29 mai, la réponse est Non !

    En effet, les résultats du référendum du 29 mai constituent un tournant majeur dans la construction de l'Europe politique et sociale dans la mesure où le peuple français, suivi du peuple néerlandais, et vraisemblablement de tous les peuples qui auraient eu à s'exprimer sur le sujet s'ils avaient été consultés, auraient manifesté leur volonté de participer de manière concrète à leur environnement politique et social, et en tout état de cause, leur refus d'une Europe construite selon des modalités démocratiques rabougries et leur refus d'un libéralisme qui opposerait les peuples entre eux.

    En revanche, à l'opposé d'un repli nationaliste les citoyens européens consultés ont bien réaffirmé que l'Europe doit se construire comme un ensemble ou l'économique et le social doivent trouver un équilibre respectueux des principes de cohésion sociale, de solidarité réelle et de citoyenneté,

    En effet, face à un avenir peu lisible dans un monde en pleine évolution, plus que jamais chaque citoyen a besoin de repères et d'une solidarité collective. De ce point de vue, le compromis positif obtenu en matière de directive sur les services, va dans ce sens car le principe d'égalité exprimé au travers de l'accès de tous aux services publics , renforce s'il en était besoin, l'importance de la défense des services publics.

    C'est d'ailleurs comme produit du combat contre un projet de Constitution et ses directives aux tendances libérales avancées, qu'il a été possible un an plus tard de limiter l'ouverture à la concurrence des activités relevant de la responsabilité des collectivités locales en reconnaissant l'existence d'obligations de service public c'est-à-dire en admettant que des compensations financières versées aux opérateurs ne soient pas soumises aux diktats de la Commission européenne. Ce qui semblait impossible à obtenir car contraire à la volonté des différents gouvernements de l'Union européenne est subitement devenu possible après la victoire du Non à la Constitution européenne. Il s'agissait là de notre première exigence d'une série de 7 exigences, telles que nous les avions formulées lors des élections européennes en 2004.

    La majorité qualifiée comme règle pour la politique extérieure et de sécurité commune, l'unanimité étant l'exception constituer la troisième exigence.

    La diversité culturelle garantie, l'exception culturelle confirmée, et le renforcement des valeurs de la démocratie européenne généré par une nécessaire Constitution à venir qui permettrait l'évolution des institutions, constituait la quatrième exigence tandis que le caractère laïque de la construction européenne constituait la cinquième exigence.

    Face à un élargissement sans principes de l'Europe aujourd'hui à 27, assouplir les mécanismes de coopération renforcée entre les Etats membres afin de permettre à un groupe de pays volontaires de se constituer, représenter la sixième exigence.

    La construction d'une Europe démocratique devant être réalisée par les peuples eux-mêmes, la nécessité de réviser ultérieurement et éventuellement le Texte constitutionnel à venir appellent chaque fois que de besoin l'organisation d'un référendum européen organisé le même jour dans toute l'Union, à la majorité qualifiée de la population et des États. Ceci constituait la septième exigence. Et on mesure combien elle retrouve toute son actualité face au prochain texte dit « Traité simplifié » dont on ne sait pas encore très bien aujourd'hui de quoi il retournera à l'issue des travaux de la prochaine Conférence intergouvernementale.

    On peut d'ailleurs même imaginer que la notion de services publics pourrait occuper plus largement l'espace social, que ce soit dans le domaine de l'accès à la formation, au logement, voire au crédit — pour mieux solvabiliser les populations en situation précaire et leur éviter de tomber dans la spirale de l'endettement massif et la précarité renforcée.

    Les prochaines échéances électorales européennes de 2009 nous imposeront dans cette logique de proposer aux autres partis socialistes européens, un document qui préciserait nos conceptions communes sur l'ensemble des domaines sociaux et politiques susceptibles de répondre à l'attente des plus larges populations européennes. Cela étant, afin que ce texte ne constitue pas comme d'habitude un a minima indécent et dans la mesure où chronologiquement nous aurons à débattre auparavant du projet de Constitution remaniée, il serait utile dès maintenant d'engager un débat public, en France et en Europe, sur l'Europe que veulent les citoyens !

    Et s'il le faut, c'est à dire si les partisans du Oui devaient s'y refuser, ce débat devra être relancé si nécessaire par tous les partisans du Non de gauche !

    Il est évident qu'il faudra :

    Sur le plan de l'Europe politique, engager une reconquête démocratique au service de tous les citoyens européens en élaborant un processus allant vers la constitution d'un gouvernement européen responsable et sanctionnable par les citoyens eux-mêmes, et dans cet esprit avancer sur le plan de l'interpénétration des langues et des cultures européennes ainsi que sur le plan des institutions,

    Sur le plan de l'Europe sociale et économique, avancer sur la voie de la définition de critères de convergences sociaux, la relance de projets industriels, technologiques, énergétiques ou de grands travaux comme le souhaitait Jacques Delors, dans le cadre d'une stratégie de développement durable, sans oublier l'épineux enjeu du traitement des déchets qui par ailleurs pourrait être largement créateur d'emplois et le développement d'une agriculture biologique contre l'agriculture productiviste pour le bien-être de nos concitoyens européens,

    Sur le plan de l'Europe budgétaire, avancer dans la voie de la réforme des statuts de la Banque centrale avec l'intégration des critères de croissance et d'emploi comme critère de choix dans la politique monétaire et en rendant cette institution responsable devant le Parlement européen, avancer également dans la définition de de critères d'harmonisation fiscale tout en modulant les critères adoptés lors de l'adoption de l'euro permettant la possibilité d'emprunter pour développer la croissance. Ceci constituait notre seconde exigence !

    EN GUISE DE CONCLUSION : VERS LA CREATION D' UN PARTI DE TOUTE LA GAUCHE ?

    La question ne me semblait d'actualité en 1994 et en 2003. Aujourd'hui, cette éventualité ne peut plus être reportée sine die, mais au contraire, être analysée très finement au cours des mois qui viennent tant le salariat a besoin d'un parti pluriel mais déterminé, ouvert mais clair sur ses objectifs, d'autant que les socialistes ont eux-mêmes vocation à répondre aux besoins généraux et vitaux de la population. Je me contenterai de l'esquisser pour le moment.

    Il apparaît néanmoins nécessaire auparavant de clarifier d'abord les raisons de la défaite.Cette clarification devra prendre en compte les aspirations, les espoirs déçus et les messages clairement exprimés lors des diverses élections par notre traditionnelle base sociale. C'est sur cette orientation que nous devons ouvrir le dialogue avec les autres éléments progressistes d'une Gauche emmiettée — à condition bien sûr que toute démagogie en soit bannie — que l'on pourra densifier la Gauche. Encore faut-il ne pas considérer comme impossible ou utopique ce qui est difficile et idéal.

    Certes, de doctes esprits changant d'analyse au gré de l'air du temps ne cessent malgré tout de nous expliquer que les partenaires historiques du PS sont aujourd'hui exsangues et que la reconquête du pouvoir pour celui-ci passe obligatoirement par le Centre. Bien entendu, tout ceci au nom de réflexions particulièrement sentencieuses comme « le monde a changé », « il faut évoluer », « il faut abandonner les vieilles lunes », « il faut revoir le logiciel », etc....

    Pour autant, si les cadres historiques dans lesquels s'exprimait le rapport des forces des classes fondamentales à l'échelle mondiale ont disparu, si le « mur de Berlin » est effectivement tombé, non seulement le capitalisme ne s'est pas affaibli mais il a renforcé largement son territoire d'expression sur l'ensemble de la planète. Aujourd'hui sans contre-pouvoirs, le capitalisme dont le caractère financier prédominant a atteint un niveau jamais égalé accentue au mépris des frontières nationales l'exploitation de l'homme par l'homme même si les visages des grandes familles sont dissimulés derrière les grands fonds d'investissement.

    De fait, que l'on admette ou pas que l'économie de marché constitue le mode de production le plus naturel possible, nul ne peut nier à ce stade de l'histoire que la somme des intérêts particuliers ne constitue pas l'équation de l'intérêt général ni que le capitalisme n'engendre pas son cortège d'inégalités, par ailleurs de plus en plus insupportables pour des populations de plus en plus nombreuses, jusqu'aux salariés chinois qui depuis quelque temps négocient leur force de travail à des tarifs plus socialement acceptables eu égard au développement économique dont les signes manifestes s'étalent à leurs yeux de plus en plus nettement.

    Cette volonté de vivre mieux, et partant de résister à l'exploitation et aux injustices, constitue le fondement du ressort du genre humain qui ne peut que le conduire à construire les instruments de lutte pour réformer les lignes de force qui sous-tendent leur cadre de vie, indépendamment des aléas de l'Histoire et des avancées ou des reculs des mouvements d'émancipation. Cela étant, si les cadres internationaux d'organisation des exploités nécessitent d'être réorientés et renforcés, il serait du plus haut ridicule au vu des derniers résultats électoraux français de conclure au recul politique de la classe salariée et d'épiloguer autour du caractère exsangue ou non atteint par les partenaires historiques du PS.

    Oeuvrer pour le développement durable impose de retricoter le tissu sociétal des multiples protagonistes proches de la nature, agriculteurs, chasseurs, écologistes, ou bien encore, ingénieurs, ouvriers du nucléaire, et écologistes, par la mise en place avec l'aide de scientifiques de tables rondes et de colloques pour tenter de combler le fossé qui s'est créé entre les tenants de la tradition des usages sociaux et de la sauvegarde de la nature, alors même que les acteurs devenus ennemis procèdent des mêmes valeurs.

    Réformer les institutions est devenu depuis longtemps une nécessité afin de redonner au Parlement un rôle plus conforme à la démocratie telle qu'elle est souhaitée par nos concitoyens qui malgré le 21 avril souhaitaient à 73 %, si l'on en croit le sondage de CSA des 27 et 28 août 2002, la présence de tous les partis politiques, même les plus petits, à l'Assemblée Nationale, et à 66 % que les hommes politiques respectent leurs promesses.

    Mais affirmons-le clairement : le renouvellement générationel et le renouvellement dans la diversité ne constitue pas à eux seuls un programme ! Seule la question de l'orientation reste centrale !

    Cela étant, même si l'évolution du parti socialiste ne peut se réduire à un changement de génération ou à un renouvellement dans la diversité, il est évident que, devenu au fil du temps un parti d'élus, cumulant souvent et depuis longtemps différents mandats, il devra prendre la décision de rajeunir et varier l'origine de ses organes dirigeants afin d'éviter qu'ils ne se figent dans leur composition. Il devra également permettre de nourrir et diversifier la réflexion afin qu'elle ne soit plus alimentée de manière déséquilibrée par les seuls experts au détriment des militants.

    Préparer l'avenir, anticiper sur l'évolution du monde sans pour autant négliger les échéances électorales qui rythment la vie démocratique du pays, impose cette symbiose pour renforcer à la fois le projet et l'outil pour le mettre en oeuvre. Ainsi, il ne s'agit pas seulement de rendre la parole aux militants, mais bien de rendre le parti aux militants.

    En tout état de cause, il faut se garder d'instaurer au parti socialiste un scrutin majoritaire en lieu et place de la proportionnelle, même si trop souvent un certain nombre de dirigeants — et pas nécessairement les plus anciens — utilise le principe des courants pour tenter de progresser au gré de leurs ambitions personnelles. Jeunes ou vieux, l'ambition semble la chose la mieux partagée au Parti socialiste ! Substituer aux vieux éléphants les lions(sots) ne constituerait pas à l'évidence la plus intelligente des innovations !

    À la condition bien entendu, de ne pas sombrer à nouveau dans la pantomime d'une démocratie participative détournée de sa fonction originelle d'échange pour la transformer en populisme le plus plat exprimé par la formule inepte « les citoyens sont les meilleurs experts de leur vie ».

    Pour l'heure, que le Parti Socialiste, loin de la surexposition médiatique ou des fidélités partisanes veuille bien renouer avec les fondamentaux de l'analyse politique et mesurer que l'opinion publique et l'électorat d'une part, les sondages et les scrutins d'autre part, ne sont pas des éléments comparables et partant n'obéissent pas aux mêmes logiques.

    Ensuite, que le Parti Socialiste, non dans des pseudo Assises de la Refondation à l'écart des autres formations de la Gauche, mais bien dans le cadre d'Assises de toute la Gauche, y compris en y invitant la gauche de la Gauche, confirme ses références théoriques, esquisse un grand dessein, définisse une stratégie, élabore un projet politique unitaire susceptible de parvenir à un nouveau bloc majoritaire associant l'immense majorité d'un salariat multipolaire aux classes moyennes, et nous aurons alors fait collectivement un grand pas vers une prochaine victoire d'une Gauche unie et renouvelée, susceptible de stopper les méfaits du libéralisme et de réformer notre société en profondeur dans le sens de l'intérêt général — ce qu'attend l'électorat populaire, et même au-delà !

    Et si parallèlement la gauche de la Gauche prenait une initiative en ce sens, il faudrait bien évidemment la saisir. Car ne pas réaliser que le PS à la tête de la Gauche n'a gagné les présidentielles qu'une seule fois, c'était en 1981 — 1988 n'était que la reconduction d'un président rempart contre la bande revancharde « des copains et des coquins » — et imaginer que le PS puisse à lui tout seul tirer le bilan des défaites du 21 avril 2002 et du 22 avril 2007 — le 6 mai ne pouvant dans les conditions connues que confirmer le 22 avril — sont une vue de l'esprit !

    N'en déplaise à quelques amis, plus qu'« un devoir d'invention », la Gauche doit assumer son « droit d'inventaire ». Que dis-je, d'abord exécuter son devoir d'inventaire avant que d'exercer son droit d'invention !

    Vincent Assante

    Membre du Conseil National du Parti Socialiste.

    Le 7 juillet 2007.

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