GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

International – Europe

Des ouvriers polonais à 5 euros de l'heure ?

À l'heure de la Constitution européenne libérale, il est question que des saisonniers polonais puissent venir travailler en France, à des prix polonais (c'est-à-dire hors cotisations sociales).

Une société polonaise de services, Eurokontakt Projekt Serwis, propose au Comité économique régional fruits et légumes de Bretagne (Cerafel) des travailleurs polonais à 5 euros de l'heure pour la cueillette des haricots. Elle attend l'approbation de la directive Bolkestein, du nom du commissaire européen qui veut rendre cette pratique légale au nom de la "concurrence libre et non faussée" lorsqu'elle sera constitutionnalisée. Eurokontakt Projekt Serwis affirme placer en Allemagne 800 saisonniers dans l'agriculture à des rémunérations qui varient entre 3,27 € de l'heure en Saxe et 4,17 € près de Brême. Pour l'heure, c'est encore interdit en France... mais s'il n'y a plus de contrôles ?

Déjà en 1991, l'Allemagne avait introduit le statut de "travail saisonnier" dans les secteurs agricole, forestier et hôtelier. Le contrat est limité à trois mois. En 2000, 220 000 nouveaux permis ont été délivrés pour les seuls saisonniers agricoles. Théoriquement, depuis 1998, le contingentement est fixé à 180 000, mais le gouvernement a défini une multitude d'exceptions, telles que "le danger de faillite causée par une main-d'œuvre trop coûteuse..." On estime qu'il y a autant de travailleurs non déclarés que de travailleurs disposant d'un statut légal. Environ 90 % des migrants embauchés par les agriculteurs allemands viennent des pays de l'Est. Ils sont prêts à travailler beaucoup d'heures pour très peu d'argent, vu l'écart très important entre les salaires en Europe de l'Est et de l'Ouest. (...) En deçà de deux mois de contrat, l'employeur bénéficie d'une exemption de cotisations sociales et d'un taux horaire réglementé à environ 5 euros.

Aux Pays-Bas, l'un des premiers pays au monde à avoir intensifié son agriculture, un tiers des travailleurs estimés à 100 000, se trouvent dans la production de fleurs et de légumes sont clandestins : seront-ils légalisés à la mode Bolkestein ?

Au Royaume-Uni, ce sont des étudiants en provenance des PECO. En Belgique, depuis 1994, un statut des saisonniers prévoit des cotisations forfaitaires inférieures au droit commun. En Italie et en Espagne, l'immigration clandestine massive répond aux besoins de main-d'œuvre agricole.

Une étude (Forciolo-Conti) décrit : "J'ai vu des travailleurs marocains à cinquante ans, ils sont épuisés, ils ont été cassés par les méthodes de travail" (Source : "L'emploi saisonnier dans le secteur des fruits et légumes", 2001 ; rapport Coperci du ministère de l'Agriculture, juin 2000). Elle révèle l'existence d'une pénurie de main-d'œuvre saisonnière dont l'origine est attribuée d'abord à la disparition de la population rurale accoutumée à prêter main-forte aux exploitants agricoles (parce que les "citadins" seraient "peu endurants"), et ensuite à la baisse des ouvriers ressortissant des "pays latins".

Autre cas. La compagnie aérienne low-cost Ryanair contourne, par exemple, la législation du travail suédoise qui oblige la reconnaissance syndicale en employant du personnel de cette nationalité à partir de ses bureaux irlandais.

D'autres doléances portent sur les horaires de travail et les salaires : le syndicat suédois affirme que Ryanair fait travailler ses salariés jusqu'à 64 heures par semaine (contre un maximum de 38,5 heures en Suède), et ne leur accorde que 20 jours de congés par an (contre 25) pour une rémunération bien inférieure à celles offertes dans les compagnies concurrentes. Enfin, les employés de Ryanair n'ont droit qu'à 4 jours de maladie par an et doivent payer leurs visites médicales, leur formation, leurs uniformes et leurs cartes d'identification.

Toujours en Suède, une douzaine d'ouvriers lettons du bâtiment travaillant à la construction d'une école communale au nord de Stockholm se sont retrouvés début décembre 2004 au centre d'une polémique qui oppose les gouvernements letton et suédois.

"Depuis le mois de juin, nous avons tenté de convaincre la société lettonne L P Baltic de signer les accords collectifs suédois, explique Rickard Hellmark, secrétaire local du syndicat. La seule réponse que nous avons obtenue de l'entreprise est qu'elle est signataire de la convention collective en Lettonie. Mais nous sommes en Suède. Nous ne sommes pas contre la concurrence des travailleurs étrangers, mais ils doivent travailler aux conditions suédoises".

Byggnads, la fédération suédoise des ouvriers du bâtiment, réclame également que les conditions de salaire suédoises soient respectées, à savoir 145 couronnes (16,30 euros) de l'heure pour la région de Stockholm, soit un salaire mensuel de 2 680 euros. Or les Lettons touchent environ 1 500 euros. La signature des accords suédois représenterait un sérieux gain mensuel, mais les ouvriers lettons, “pris en otages”, font remarquer qu'ils sont nourris, logés et transportés gratuitement, et gagnent deux fois plus que dans leur pays.

Le Premier ministre, Göran Persson, qui avait tenté en vain d'obtenir une période de transition pour les travailleurs des nouveaux pays membres de l'UE en agitant la menace du "tourisme social" qui plomberait l'Etat-providence suédois, a apporté son soutien personnel aux syndicats.

A travers cette affaire, les Suédois défendent leur sacro-saint principe d'accords collectifs négociés entre patronat et syndicats, sans intervention de l'Etat, principe sur lequel repose tout le marché du travail local. Les Lettons, de leur côté, y opposent le principe de la libre concurrence. “Ce traitement va tout à fait à l'encontre des raisons qui nous ont poussés à adhérer à l'Union européenne”, s'est ainsi emporté le ministre letton des Affaires étrangères. ”

Voici quelques années, la justice belge avait condamné DHL pour travail clandestin. En effet, DHL faisait venir et repartir ses propres manutentionnaires sous - payés en Belgique par ses avions.

Bolkestein vise-t-il à régler ces problèmes ?

Et l'inspection du travail ne pourra plus rien faire. Cela soulagera les exploitants agricoles qui continuent sur le net, de se dire inspirés par l'exemple de l'assassinat des deux inspecteurs du travail à Saussignac en Dordogne ?

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