GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur

Des interims étrangers et des détachés faciles pour les entreprises

La loi Hortefeux votée le 23 octobre n’est pas uniquement scandaleuse parce qu’elle prévoit des tests ADN pour les mères et les enfants candidats au regroupement familial.

Elle l’est aussi au regard des autres dispositions qui dessinent une politique de gestion de l’immigration de plus en plus utilitariste.

L’immigration familiale, autrement dit, le simple droit à une vie familiale y est considérée comme une immigration "subie ". Il en va de même de l’asile. Il en découle des dispositions moins commentées dans les grands médias que les tests ADN : celles favorisant la gestion fluidifiée des salariés pour les entreprises, y compris les groupes internationaux. C’est l’employeur qui va désormais décidé de " l’intégration " des salariés étrangers. L’objectif est clair : faire venir en France des travailleurs et réduire leurs droits d’hommes à s’installer en France et à y vivre en famille. Des hommes réduits au travail sans droit civil et politique, l’apartheid l’avait fait. Réduire les droits civils et politiques des travailleurs étrangers reste le principe de notre législation des étrangers. La loi Hortefeux renforce cette orientation. Que cette tendance permette de glaner des voix d’extrême droite aux prochaines échéances électorales n’a de surcroît pas de raison d’effrayer le gouvernement.

C’est aussi, en ce domaine comme dans d’autres, un retour en arrière qui veut effacer ce que les luttes des immigrés et de pas mal de militants, de juristes, à leur côté avaient réussi à obtenir depuis les années soixante-dix.

Ce projet est profondément réactionnaire.

Des tests ADN

Notre droit était clair. L’article 226-28 du Code pénal punissait comme délit (un an de prison et 100 000 € d’amende) quiconque cherchait à identifier en faisant des test ADN en dehors de trois situations : fins médicales ou de recherche et identification dans le cadre d’une enquête ou d’une instruction judiciaire. Donc pas de possibilité d’utiliser les tests ADN en matière administrative pour de simples opérations de contrôle.

Hortefeux ouvre la brêche. L’adminis-tration se voit accorder le droit de vérifier la filiation entre les mères et les enfants candidats au regroupement familial en utilisant les tests ADN. Pour passer l’examen du Conseil Constitutionnel, le Sénat a ajouté quelques modifications.

Le test ne sera pas systématique mais proposé en cas de doute sur la filiation (il y a plein de pays où l’état civil n’est pas fiable, où recueillir et élever un enfant ne se fait pas selon les critères de nos parcours juridico-administratif). Il sera effectué sous contrôle d’un juge du TGI de Nantes qui gère l’état civil des étrangers en France. Quelles seront les conditions du débat contradictoire entre une demande faite d’Asie ou d’Afrique et Nantes ? Enfin, le coût du test sera supporté par l’Etat.

Reste la loi bioéthique qui réserve les cas d’utilisation des tests. Le contrôle administratif aura-t-il le pas sur les droits de l’homme ? Réponse du Conseil Constitutionnel dans quelques semaines.

Des conditions de regroupement

plus difficile

Sakozy, ministre de l’Intérieur, avait déjà durcit les conditions à remplir pour un étranger désireux de faire venir sa famille. Brice Hortefeux continue. Les ressources exigées (en fait le salaire) seront modulées en fonction de la taille de la famille. Il faudra entre 1 et 1,2 fois le SMIC pour être admis à faire venir sa famille. Lors du débat à l’assemblée, le très peu social député C. Goasgen a même proposé d’aller jusqu’à 2 fois le SMIC. Autant dire qu’être ouvrier étranger et faire venir sa famille va devenir de plus en plus difficile. Les étrangers, de l’aveu même du ministre occupent les emplois les moins qualifiés, ceux que refusent les français, et les moins payés.

Des immigrés pour les entreprises

Le projet de loi Hortefeux, prévoit deux dispositions qui facilitent l’accès des entreprises à une main d’œuvre étrangère sur mesure pour des délais plus ou moins longs. C’est la suppression de l’interdiction d’introduire des travailleurs étrangers sous contrat d’intérim (L 341-6 du Code du travail). Corollaire de cette disposition : les entreprises de travail intérimaire étrangères pourront faire venir sur le territoire français des salariés étrangers. De la main d’œuvre étrangère flexible, quoi !

Mais cela ne suffisait pas, la loi Hortefeux qui entend très bien les moindres besoins des grands groupes internationaux se propose de faciliter le détachement de salariés étrangers. Il suffit que le salarié soit employé par le groupe dans un pays tiers depuis au moins trois mois. Présenté comme une meure destinée aux cadres, cette mesure peut permettre des flux de main d’œuvres entièrement gérés par les entreprises en fonction de leur besoin de flexibilité. Désormais, en cas de détachement dans un groupe international, la situation de l’emploi n’est pas opposable. Imaginons un grand groupe de construction aéronautique qui dispose d’une usine au Mexique et d’une usine en France. Il pourra désormais détacher ses salariés mexicains en France jusqu’à six ans, avec un avantage de taille : le détachement a pour effet de laisser le salarié rattaché au régime de protection sociale de son pays d’origine. De la main d’œuvre moins chère, détachée sans membres de famille. Un rêve d’actionnaires, en somme !

A.d.H.

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