GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

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De quoi Macron est-il le nom ?

Les prêches d’Emmanuel Macron ressemblent étrangement à ceux des prédicateurs évangéliques : ce qui importe, ce ne sont pas tant les paroles que l’émotion, la musique, le bruit ou encore la lumière. Pour les néo-convertis du « macronisme », qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse du « changement ».

Le sens des sermons d’Emmanuel Macron – comme celui des prêches évangélistes – n’est pas assuré par la clarté de la lettre, mais par la présence du « Saint-Esprit ». À quoi bon définir nettement les axes d’une politique quand il suffit de faire une « démonstration d’envie » de sa candidature ?

Les racines du phénomène Macron

Le phénomène Macron n’est pas un « météore » venu de nulle part : quatre facteurs expliquent son succès actuel.

1.Emmanuel Macron est le candidat des médias dominants

Avant même d’avoir fait une seule proposition, Emmanuel Macron avait déjà eu droit (comme le soulignait Arnaud Montebourg en novembre 2016) à 75 Unes de magazines.

Le degré de concentration des médias étant ce qu’il est en France, il n’est pas très difficile de comprendre qu’Emmanuel Macron est, avant toute chose, le candidat des grands groupes financiers qui possèdent ces médias : un visage neuf pour la finance, un coin enfoncé dans la gauche par un ancien ministre de François Hollande.

Sans ces 75 Unes et les milliers de reportages, souvent très laudatifs, dans les quotidiens et les chaînes TV, le « phénomène » Macron n’aurait pas vu le jour et n’aurait jamais pu s’incruster.

C’est le point du départ de toute analyse sérieuse du « phénomène » Macron : il a été lancé, comme un produit de luxe, par une gigantesque campagne marketing des médias dominants. Les sondages n’ont eu qu’à surfer sur cette vague médiatique. Emmanuel Macron n’est pas « sorti de nulle part », mais bien de la finance et des médias quʼelle contrôle.

2.Le brouillage des repères entre la gauche et la droite

La politique menée par François Hollande a fait perdre bien des repères qui permettaient de distinguer la gauche de la droite : en accordant au patronat des milliards d’euros sans contrepartie, en acceptant sans combat la politique européenne de la droite, en imposant une politique d’austérité aux salariés du privé et du public, en faisant voter, au moyen du 49.3, la loi Macron, puis la loi El Khomri…

Emmanuel Macron avec son « et de gauche, et de droite » utilise la perte de ces repères pour tenter de se frayer un chemin.

3. Le « Penelope Gate »

Les questions du Canard enchaîné et de Médiapart sur les emplois fictifs qu’aurait occupés l’épouse de François Fillon, le niveau des rémunérations perçues, aussi bien en tant qu’« attachée parlementaire » qu’en tant que « conseillère littéraire » de la Revue des Deux Mondes, ont semé un trouble profond dans l’électorat. La droite trouvera peut-être une solution à ce problème mais, pour l’heure, le Front national et Emmanuel Macron en sont les premiers bénéficiaires.

4. La division de la gauche

Elle constitue l’explication de fond du « phénomène » Macron. Nombre de ses électeurs potentiels voient en lui un « candidat par défaut » contre la droite de Fillon ou contre l’extrême droite. L’unité de la gauche changerait tout : Emmanuel Macron perdrait alors une bonne partie des voix des électeurs de gauche et la baudruche gonflée par les médias dominants s’effondrerait.

LE candidat du système

C’est dans un registre sensiblement différent, la supercherie de Donald Trump qui se poursuit. Loin d’être un candidat « antisystème » Emmanuel Macron est, avec François Fillon, le candidat, par excellence, du « système ».

Il est certainement moins riche que Donald Trump, mais il est, en revanche, un pur produit de l’élite technocratique française : issu de l’Inspection générale des finances, ex-banquier d’affaires, secrétaire général adjoint de l’Élysée, aux côtés de Jean-Pierre Jouyet (un ancien secrétaire d’État de Nicolas Sarkozy et de François Fillon), ministre de l’Économie de François Hollande, dont il fut l’un des « Brutus ».

Toute la politique conseillée ou menée par Emmanuel Macron, lorsqu’il était secrétaire général adjoint de l’Élysée ou ministre de l’Économie, atteste à quel point il est le candidat du « système » : fidélité aux dogmes de la Commission européenne, politique d’austérité pour les salariés du privé et du public, loi Macron sur le travail du dimanche, loi El Khomri... Les tonnerres d’applaudissements recueillis à l’université d’été du Medef en 2015 n’en étaient que la sonore illustration.

Il ne dérape pas, il avoue !

Les déclarations d’Emmanuel Macron que lui-même et son entourage ont souvent essayé de présenter comme de simple « dérapages » sont multiples :

  • «  Si j’étais chômeur, je n’attendrais pas tout de l’autre… »
  • « Bien souvent, la vie d’un entrepreneur est bien plus dure que celle d’un salarié »
  • « La meilleure façon de se payer un costard, c’est de travailler »
  • «  Je ne suis pas là pour défendre les jobs existants »
  • « Le statut de la fonction publique qui garantit l’emploi à vie se justifie-t-il ? »
  • Sans oublier les salariées « illettrées » de Gad, en Bretagne, « le tabagisme et l’alcoolisme » des Ch’ti, les « pauvres » qui prennent l’autocar…

    Emmanuel Macron ne dérape pas. Il avoue tout simplement, avec persévérance, son mépris de classe !

    Le fonctionnement d’« En Marche ! »

    On ne peut que constater le fossé existant entre la démocratie – qu’elle soit idéale ou réelle – et le fonctionnement de l’organisation créée par et pour Macron. Le PS et la droite ont organisé des primaires pour désigner leurs candidats. Le PS élit son premier secrétaire, organise des congrès. Le parti Les Républicains élit son secrétaire général. Même le FN a organisé une élection pour désigner sa présidente et ses adhérents ont eu le choix entre Marine Le Pen et Bruno Gollnisch. Emmanuel Macron lui, n’a été élu par personne et « En Marche ! » ne dispose d’aucun organe de direction élu.

    Il suffit d’un seul « clic » sur Internet pour adhérer. Les cotisations n’existent pas. Les « référents départementaux », les candidats aux législatives ont postulé avec un CV à l’appui. Les premiers ont été recrutés par un « pôle territoire », non élu, mais désigné par Emmanuel Macron. Les seconds sont désignés par une commission d’investiture, non élue, dont les neuf membres ont été choisis par Emmanuel Macron.

    Pour éviter les « frondeurs », le patron d’ « En Marche ! » allait jusqu’à exiger que chaque candidat investi aux élections législatives s’engage, par écrit, à voter les mesures de son projet. Un 49.3 sous forme de « contrat » ! Il a dû reculer : un tel « contrat » serait contraire à la Constitution qui interdit tout mandat impératif pour permettre au Parlement de délibérer librement.

    Emmanuel Macron se plaignait de l’ « incomplétude » de la démocratie depuis le vide laissé par la disparition du « Roi ». Dans l’organisation de son propre mouvement, il a résolu le problème en supprimant toute forme de démocratie.

    « En Marche » est un parti-entreprise et, dans une entreprise, la démocratie n’a aujourd’hui aucune place. C’est la meilleure illustration de ce qu’Emmanuel Macron appelle « une autre façon de faire de la politique » !

    Du candidat par défaut au candidat réel

    La campagne d’Emmanuel Macron est jusqu’à maintenant une campagne virtuelle mais les événements récents (la victoire de Benoît Hamon et l’affaiblissement de François Fillon) vont obliger le candidat du « mouvement », à préciser plus tôt qu’il ne l’aurait voulu les mesures concrètes et la cohérence de son programme.

    Il lui faudra donc arrêter de jouer les illusionnistes et donner des réponses simples aux questions simples que se posent les électeurs. Cela risque de lui faire mal, car c’est le candidat dont les électeurs sont les moins certains de leur choix : 48 % seulement, contre 81 % pour Marine Le Pen, selon le sondage Elabe du 1er février.

    Comment pourra-t-il, à la fois, rembourser les lunettes et les prothèses dentaires à 100 %, mieux payer les enseignants des ZEP, être le « candidat du travail » et, en même temps, réduire à coups de serpe l’ISF aussi bien que les « charges patronales », tout en continuant une politique d’austérité, responsable de deux millions de chômeurs supplémentaires depuis 2009 ?

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