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Dati casse les TASS

En démontant un échafaudage, un intérimaire africain de 38 ans, est chargé de réajuster, d’étage en étage, le treuil avec tambour autour duquel s’enroule le câble qui sert à descendre les éléments métalliques que ses collègues détachent un par un. Avant chaque manœuvre, l’ouvrier est obligé de « donner du mou » et décale le lourd câble avec ses mains : c’est là que l’accident se produit et le doigt majeur de sa main droite est arraché.

On est en mars 1997, Paris 4e. L’inspection du travail établit la responsabilité de l’employeur parce que les parties dangereuses de la poulie auraient dû être rendues inaccessibles. Au pénal pourtant, l’employeur condamné en première instance en 1999 est relaxé en appel en 2000. Restait à demander l’indemnisation du salarié auprès du « tribunal des affaires de sécurité sociale », le TASS.

Peu de gens savent ce qu’est le « TASS » : c’est un tribunal civil qui traite des litiges en matière d’accident du travail, maladies professionnelles, amiante, faute inexcusable des employeurs, indemnités journalières, retraites. Le TASS offre à tous les ayant - droits la possibilité de contester les décisions de la Sécurité sociale. C’est dire s’il concerne le plus souvent des personnes démunies, handicapées, malades.

Mais le TASS connaît un engorgement chronique. Notre manœuvre africain va être victime des longs délais : saisi en 2002, le TASS ne siégera en appel que le 7 mai 2009, 12 ans après l’accident ! L’homme qui a désormais 50 ans n’a pas été indemnisé pour un handicap qui n’est pas mince dans son métier, son conseil en est réduit à solliciter une « provision » de 5000 euros.

Rachida Dati ne fait donc rire personne lorsqu’elle supprime 44 TASS soit un tiers des 115 existant en France. La Conférence des bâtonniers qui représente tous les avocats de France, s’est indignée, ainsi que l’Andeva (association des victimes de l’amiante) et la FNATH (Fédération nationale des accidentés et handicapés du travail). Mais Dati n’en a rien à faire, pas plus qu’en 2007 lorsqu’elle avait supprimé 63 prud’hommes sur 271 : elle y va au couteau de boucher, supprimant tous les « TASS » qui traitent moins de 550 affaires par an.

44 fois 550 affaires, cela peut faire 26 200 causes comme celle de ce manœuvre au doigt arraché qui vont attendre des années de plus pour être jugées, réparées, indemnisées. Cela va s’aggraver : délais d’audiencement rallongés, surcoûts dans la gestion des recours, inégalités de traitement, le justiciable devra, selon les régions, parcourir entre 40 et 300 kms de plus, sachant que nombre de ces personnes sont souffrantes et que le TASS est une juridiction orale, s’il n’est pas présent le justiciable “ perd ” son dossier.

Certes l’opinion n’est pas informée sur ces « TASS » et ne peut mesurer les drames humains qui s’y tranchent. Mais Dati, Sarkozy, comme dans tous leurs choix politiques, grands et petits, savent ce qu’ils font en détruisant aussi ce service public méconnu.

Gérard Filoche

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