Danger de mort pour la médecine du travail
Un affreux texte est sur la table depuis le 11 septembre
2009, imposé par le Medef et proposé à signature
d’un éventuel syndicat servile, si par malheur il y en
a un: il s’agit de la destruction de la médecine du travail.
En pleine affaire du 24e suicide lié au travail à France télécom,
au lieu de relancer la médecine du travail, au lieu de
lui donner son indépendance, au lieu de recruter et former
des médecins du travail (dont la démographie s’épuise,
résultat délibéré de la politique gouvernementale), au lieu
de moderniser et conforter cette médecine irremplaçable de
prévention, la droite et le Medef sont prêts à s’entendre
pour la détruire…
Aucun syndicat ne devrait signer pareil texte : si vous êtes
syndiqués, saisissez vos instances, alertez, bougez pour
empêcher que votre syndicat signe.
C’est la mise à mort délibérée de la médecine du travail par
le Medef (et la droite, Darcos, ensuite voudrait faire une loi
avec le texte patronal, elle serait aidée si par malheur un
syndicat signait…)
Conçue à l’origine comme un magnifique outil de prévention en
matière de santé dans les entreprises, la médecine du travail a
été délibérément dégradée, décimée, déconsidérée par les
employeurs. Le Medef juge le moment opportun de lui porter le
coup de grâce puisque, après une négociation de février à juillet
2009, il propose à la signature des directions syndicales, le 11
septembre, un texte brutal et définitif.
Les médecins du travail n’assurent plus officiellement le service
de santé au travail, remplacés par une nébuleuse « service de
santé au travail » (SST). La « pénurie » de médecins du travail
ne sera pas combattue mais entérinée puisque infirmiers, personnel
médical, médecins de ville, et des IPRP (Intervenants en
Prévention des Risques Professionnels) au statut mal défini et
non protégé, s’y substitueront. Les visites avec de vrais médecins
du travail seront espacées tous les 4 ans « sur demande » et
si « l’infirmier en santé au travail évalue le besoin de voir le
médecin du travail ».
La visite d’embauche aurait un but de sélection et d’éviction.
Actuellement, l’aptitude et l’inaptitude se définissent exclusivement
en fonction des risques pour la santé du salarié à son
poste de travail. L’aptitude deviendrait, comme sous Vichy,
«l’absence de contre-indication physique ou psychique à la
tenue par le salarié du poste de travail » et l’inaptitude comme
« la contre-indication physique ou psychique entraînant une restriction
pour le salarié de remplir une ou plusieurs tâches liées
à son poste de travail ». Il n’y a même plus les mot « santé » ni
« risques » dans la définition de l’aptitude.
Une « visite de prévention de la désinsertion professionnelle »
pendant l’arrêt de travail serait systématique après 45 jours
d’arrêt sous contrôle, bien sûr, de l’employeur. « L’obligation
de recherche de reclassement de l’employeur débute avec cette
démarche et se termine avec la visite de reprise ». Cela met fin
de facto à la protection du salarié pendant son arrêt de travail.
Les médecins ne feront plus que de la sélection et de l’éviction
et perdront leur rôle de préventeurs. La possibilité de licenciement
pour inaptitude serait réduite à une seule visite et le médecin
ne pourrait plus formuler des préconisations pour l’adaptation
du poste de travail (restrictions, aménagement, changement
de poste…). Les contrats de travail atypiques échapperont au
suivi du médecin du travail : les saisonniers auront « possibilité
de moduler les obligations relatives à la visite médicale », les
itinérants et éloignés pourraient être « suivis par des médecins
dûment habilités et formés » (sic) au plus près du lieu de leurs
fonctions (?).
Le « tiers-temps » des médecins pour l’étude des conditions de
travail est supprimé : il n’y a plus de liens entre la connaissance
de l’état de santé de chaque salarié et celle de son poste et
milieu de travail. Il n’y a donc plus besoin pour cela de médecin
spécialiste connaissant le travail et ses effets sur la santé.
Tout cela avec des SST ayant des conseils d’administration où
les employeurs disposent des deux tiers des sièges!
Quel syndicat osera signer un tel texte?
Gérard Filoche