GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur

Contre la pseudo constitution de Giscard

«Nous partageons tous une profonde aspiration à l'unité des socialistes pour permettre que le 13 juin, les électeurs confirment ce qu'ils ont voté le 28 mars dernier.

Le 28 mars, on a gagné une réserve de voix qui sont venues d'abstentionnistes vers la gauche, et elles se sont portées sur nous, socialistes, pour battre la droite. Un fossé s'est re-creusé et c'est positif, entre la droite et la gauche. À l'avantage de la gauche devenue majoritaire comme nous le savons tous. Ce fossé entre la gauche et la droite, nous ne voulons pas le combler mais le creuser encore le 13 juin prochain.

Le 13 juin se jouera évidemment dans cette foulée anti-néolibérale. C'est pourquoi nous ne pouvons pas, bien sûr, proposer de voter pour des candidats de gauche qui voteraient ensuite pour une constitution de droite.

Si nous le faisions, nous n'aurions plus l'appui de la majorité des électeurs.

Je comprends donc très bien que nous ne disions pas dans le texte qui est soumis au vote à ce conseil national que nous soutenons la constitution Giscard : ce serait une erreur majeure.

J'ai senti depuis le 28 mars, et même dans le bureau national, cette nuit, que la majorité de notre parti penchait plutôt, maintenant, pour se prononcer contre la constitution Giscard. Je l'ai senti aussi très fort dans une réunion, samedi dernier, 10 avril, alors qu'elle regroupait 1500 militants représentant 40 % de notre parti et qu'on appelle (peut-être à tort désormais) « les minoritaires ». Car minoritaires, nous le sommes de moins en moins. J'ai même le sentiment que ça bascule et que si, librement,, tous les militants nous pouvions nous prononcer sur le fond, « pour » ou « contre » la constitution néo-libérale de Giscard, nous serions encore plus en phase avec les électeurs.

Car, si aujourd'hui les électeurs étaient consultés par référendum sur cette constitution Giscard, ils voteraient massivement « non ».

Et je sais que peu de camarades en doutent.

D'où mes réticences, cette nuit, vis-à-vis d'un projet de texte, qui est en retrait de ce basculement, de cette évolution, de ce choix nécessaire. Je me suis abstenu sur ce texte, parce qu'il ne tranche pas, parce qu'il marie la carpe et le lapin, que je crains une campagne électorale « à mi-chemin ».

Il aurait fallu une campagne en plein chemin, en pleine continuité, dans la foulée du 28 mars.

Je comprends notre besoin d'unité et nos aspirations, mais je sens mal le compromis réalisé pour reporter le débat. Je crois que ça va nous manquer au cours de la campagne de n'être pas clairement contre la constitution Giscard.

Et je me demande comment ça va se traduire dans le matériel électoral.

Je prends deux exemples. SMIC unique européen et réduction du temps de travail vers 35 h.

Mon ami P. Laroutourrou vient rappeler la force des leitmotiv de Mme Thatcher répétant : « I want my money back ! »

On devrait aussi, sur les questions-clefs, procéder par leitmotiv : « On veut un SMIC européen, on veut un SMIC européen!» On veut qu'il y ait plus de dumping social. On ne veut pas que nos emplois soient délocalisés dans les pays de l'Est qui arrivent, on veut qu'il y ait des règles sociales communes. « On veut un Smic européen...d'ici à 2010 ! »

Certes on le dit dans le texte.

Cela y a été introduit cette nuit.

Je vois quelqu'un qui tourne la tête, mais si, c'est bien dans notre texte. Ça et les 35 h !

Et c'est bien, mais encore faut-il en faire un thème central, le défendre vraiment ! Nous fixons un objectif : qu'en 2010, c'est-à-dire avant la fin de la décennie, il y ait un SMIC européen. Pour cela, il faut commencer tout de suite. Il faut associer les organisations syndicales, il faut discuter avec elles, il faut mobiliser, il faut discuter au sein du PSE, il faut faire partager cette opinion, il faut en faire un axe de campagne : c'est une énorme bataille. Si nous la menons, c'est le meilleur moyen pour retrouver le soutien de tous ceux qui ont déjà voté pour nous le 28 mois.

C'est pareil sur la réduction de la durée du travail. Cette nuit aussi, il y a eu des avancées : nous avons repris la perspective de l'Europe des 35 heures. Évidemment, nous l'avions défendue en 1999, nous n'allions pas tout de même pas l'abandonner aujourd'hui.

Et l'Europe des 35 heures, c'est aussi une énorme bataille politique, si nous voulons sérieusement l'imposer, comme nous l'écrivons d'ici à 2010 !

D'autant que l'Europe néolibérale, la Commission de Bruxelles, propose de remettre en cause la durée maximale hebdomadaire des 48 heures ? Je l'ai déjà dit au dernier conseil national : la Commission européenne ne veut non seulement pas réduire la durée du travail, mais elle propose d'augmenter la durée maximale du travail ! Ils proposent de reprendre « l'opt-out », une pratique anglaise qui consiste à permettre aux salariés « de renoncer à leurs droits » et d'accepter, « volontairement », paraît-il, de travailler plus de 48 heures par semaine.

La Commission européenne a ouvert le débat le 30 décembre 2003 et de l'a clos le 31 mars 2003. C'était un débat tout ce qu'il y a de plus officiel auquel nous n'avons, hélas, pas participé, je le signale, mais où l'UNICE et la CES se sont exprimées, vous pouvez trouver ça sur tous les sites de la Commission européenne. Il s'agit, à l'occasion de l'arrivée de dix nouveaux pays qui n'ont pas la durée maximale du travail de 48 heures, d'actualiser et d'étendre la pratique britannique de « l'opt-out » c'est-à-dire du dépassement de cette durée maxima.

Cela remontait pourtant à 1993, au sommet de Lisbonne, avec la directive 93.104, la durée maximale 48 heures était imposée : c'est en son nom que l'Europe avait rappelé la France à l'ordre en 2003 lorsque ses médecins étrangers travaillaient plus de 48 heures dans nos hôpitaux. La CFE-CGC avait même aussi obtenu gain de cause contre la pratique des forfaits-jours au nom du respect de cette durée maxima.

Eh bien, c'est cette durée maxima que la commission européenne, les néolibéraux veulent remettre en cause ! Donc, pour nous, vous comprenez, ce n'est pas n'importe quelle bataille que de vouloir réduire, comme le propose notre texte, la durée du travail à 35 h en Europe, au moment où la Commission européenne se propose d'augmenter la durée maximale au-delà de 48 h ! Ce n'est vraiment pas n'importe quelle bataille.

Voilà deux axes ambitieux, le SMIC unique en Europe aligné sur le haut, et puis la réduction de la durée du travail, vers les 35 h !

Mais c'est avec de tels axes ambitieux que nous toucherons des centaines de millions de salariés en Europe.

Il faut que notre voix porte dans le PSE sur ces deux questions, d'autant que nous voulons nous fixer en priorité ces objectifs de convergence précis avant 2010.

Tâche difficile mais formidable. Actuellement 9 pays sur 15 ont le SMIC en Europe.

Maintenant, ils vont être 9 pays sur 25.

Le SMIC portugais est à 470 euros, le SMIC luxembourgeois est à 1 470 euros environ.

On nous dit : « C'est de un à trois, on ne pourra pas aligner ces SMIC sur le plus haut. »

Mais on a déjà aligné l'escudo sur le mark pour faire la monnaie unique et c'était le même gendre d'écart de 1 à 3 !

La volonté a existé pour la monnaie unique. Pourquoi n'existerait-elle pas pour aligner le SMIC sur le niveau le plus élevé en Europe ? Pour l'instaurer dans les pays où il n'y en a pas encore ? Ce qui a été fait pour la monnaie unique et les banquiers peut bien être fait pour les salariés. C'est ce langage-là qu'il faut tenir, voilà les combats essentiels qu'il faut vraiment mener si nous voulons garder nos électeurs du 28 mars et les amener à confirmer leur vote le 13 juin prochain.

Et tout cela est lié à une question de fond : le refus de la Constitution néolibérale de Giscard. Nous n'avons pas tranché, mais c'est dommage. Je m'abstiens à cause de cela. Restent les autres questions de fond sur le terrain social, sur les critères de convergence sociale, sur le SMIC unique européen et l'Europe des 35 h, je souhaite qu'ils soient davantage développés, argumentés, mis centralement en avant dans le matériel de campagne qu'ils ne le sont dans le texte proposé à ce conseil national.»

Gérard Filoche

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