GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Economie Théorie Histoire

Contraindre les chefs d'entreprise à contribuer au développement du Sud

Dans ce contexte actuel et

assurément persistant de crise

économique et financière -

crise systémique - il s’avère absolument

nécessaire politiquement de

réfléchir et de proposer de

profondes modifications

du système libéral

omnipotent. Il est dans ce

cadre intéressant de porter

attention aux réactions et

réflexions des structures

associatives à cette remise

en cause. Relevons

notamment cette récente

campagne titrée, à raison,

«Hold-Up» impulsée par

les associations de renommée internationale

Oxfam France - Agir Ici et le

CCFD - Terre Solidaire.

Cette campagne repose en fait sur des

propositions élaborées dans le cadre de

l’alliance ECCJ (European Coalition

for Corporate Justice), du Tax justice

network et de la Plate-Forme Paradis

Fiscaux et Judiciaires qui regroupent

entre autres aussi ATTAC et le

CADTM (Comité pour l’Annulation

de la Dette du Tiers-Monde).

Cette campagne, notamment relayée

également par l’association de solidarité

internationale Ingénieurs Sans

Frontières, le CRID (Centre de

Recherche et d’Informations sur le

Développement) et Les Amis de la

Terre, a été lancée fin mars 2009 pour

renforcer la responsabilité des entreprises

quant à leurs impacts dans les

pays en développement. L’impact de

l’évasion et de la fraude fiscale de ces

entreprises sur les ressources publiques

des pays en développement y est, entre

autres choses, largement abordé. A travers

cela, les questions soulevées sont

aussi les conséquences des activités de

certains investisseurs étrangers dans

leur pays : droits sociaux et syndicaux

bafoués, pollutions irréversibles,

mainmise sur les ressources naturelles.

Populations et associations se retrouvent

souvent démunies devant les abus

d’une filiale sans aucun recours possible

auprès du groupe mère. La campagne

« Hold-Up international » exige

qu’au-delà des déclarations d’intention

et des initiatives volontaires de

quelques multinationales, soit mis en

place un cadre européen harmonisé

et contraignant pour toutes.

Cadre de la campagne

«Hold-Up»

Se basant sur le principe que toutes les

entreprises doivent être régies par des

règles du jeu communes, la campagne

estime fondamentalement qu’elles

soient donc avant tout partagées au

niveau de l’Union européenne. De

nombreux États membres ont mis en

place des régulations au niveau

national, mais la Commission

Européenne, réceptive au lobbying de

certaines entreprises, est peu encline à

proposer un cadre harmonisé.

La campagne interpellera, d’une part,

les candidats aux élections parlementaires

européennes du 7 juin 2009 et

d’autre part, le Président de la république.

A chacun des candidats, elle

demandera de s’engager à pousser la

Commission à proposer un cadre

européen contraignant favorisant la

transparence et la responsabilité des

entreprises européennes.

Ses objectifs

Tel que l’indique M. Labusquière,

chargée de plaidoyer sur le financement

du Développement pour Oxfam-

France, il s’agit de lutter

contre l’impunité des

sociétés mères qui engrangent

les profits de leurs

filiales sans avoir à

répondre des violations

qu’elles commettent, en

élargissant leur responsabilité

juridique.

En fait, l’objectif de cette

campagne est de progresser

sur les points suivants :

Instituer la responsabilité des

sociétés mères vis-à-vis de leurs

filiales et des sociétés qu’elles contrôlent

quant aux impacts générés sur les

droits humains et sur l’environnement.

Instaurer l’obligation de rendre des

comptes sur les impacts environnementaux,

sociaux et de droits humains

des activités des entreprises.

L’évolution des normes comptables

internationales pour exiger des entreprises

multinationales qu’elles rendent

compte, dans chaque pays où elles opèrent,

de leurs activités, de leurs bénéfices

et des impôts, versements qu’elles

paient auprès des autorités locales et

cessent de délocaliser leurs profits dans

les paradis fiscaux.

La création d’un registre européen

du commerce afin d’éliminer les

sociétés écrans (et les structures

opaques qu’offrent les paradis fiscaux

pour éviter l’impôt) du territoire européen

et des territoires d’outre-mer, en

exigeant l’enregistrement des propriétaires

et bénéficiaires véritables de

chaque structure juridique (y compris

les trusts, fiducies et anstalt) qui y opèrent.

La campagne et ses suites

A la veille des futures élections du

Parlement Européen le 7 juin prochain,

la campagne se mobilisera pour rencontrer

les têtes de liste des principaux

partis en région. Les candidats seront

invités à signer une charte d’engagements

relatifs au renforcement de la

RSE (Responsabilité Sociale des

Entreprises) et de la responsabilité

fiscale des entreprises - charte pour

qu’ils défendent ces propositions lors

de leur futur mandat au Parlement. La

campagne s’engage également à travailler

de concert avec les nouveaux

parlementaires élus.

Le Président de la république

Sarkozy sera, lui aussi, interpellé par

une carte postale et par une pétition en

ligne (http://www.oxfamfrance.org/evasionfiscale/),

pour lui demander de

défendre nos mesures de régulation au

G20 et au G8, comme auprès de ses

partenaires européens. Le prochain

rendez-vous international est connu :

en septembre 2009, à New-York, il sera

donc par le fait demander au G20 d’aller

plus loin sur les paradis fiscaux en

exigeant la transparence des acteurs

qui les utilisent : les multinationales ! Il

est précisé également d’exiger des partenaires

au Sud davantage de transparence

de la part de leur gouvernement,

afin que les populations ne soient plus

spoliées des richesses créées dans leur

pays.

La campagne a été lancée publiquement

fin mars dernier en amont du G20

de Londres et doit se développer durant

le printemps prochain notamment juste

avant l’élection Européenne.

Contextualisation politique

Il n’est pas innocent que la revue prête

une écoute attentionnée à cette campagne

car tout en s’avérant initiée par

des associations internationales, elle se

révèle très politique, profondément

politique.

Sur le fond, à travers ses objectifs, cette

campagne soulève des questionnements

et des interrogations que nous

écrivons et portons depuis plusieurs

années.

Via ces exigences sur la responsabilité

sociale et fiscale des entreprises, cette

campagne reprend pour partie des éléments

que nous revendiquions dans

notre contribution «Redistribuer les

Richesses» id est une autre mondialisation

avec une nouvelle hiérarchie

mondiale des normes sociales donnant

la primauté à la Déclaration universelle

des droits de l’homme ce qui imposerait

l’établissement d’un nouveau

système monétaire international et

que le secret bancaire soit levé, que

des montants compensatoires soient

instaurés contre le dumping social.

Ceci se révèle d’ailleurs en 2009

toujours, voire plus pertinent et

d’actualité.

Cette campagne aborde ses objectifs à

travers l’échelle européenne, ceci ne

fait renforcer à quelques jours maintenant

de cette échéance électorale européenne

l’importance à porter à ce

vote. Loin des arguments de nos adversaires

sur notre position pour le Non au

Traité Constitutionnel Européen de

mai 2005, nous sommes européens,

dix mille fois européens mais pour une

Europe démocratique et sociale,

donc pas de n’importe quelle façon.

Seule l’Europe sociale peut assurer

l’avenir de l’Europe tandis que

l’Europe libérale la conduit inéluctablement

à l’échec.

En ce sens, telle cette campagne le

revendique, nous aurions les moyens

d’encadrer le marché unique, d’édifier

un droit social européen et

d’harmoniser la fiscalité. Certes, des

compromis seront nécessaires, à condition

de ne pas renoncer à nos idées et

de ne pas reculer face au libéralisme.

Il serait pertinent, voire nécessaire, que

les candidats socialistes prêtent une

grande attention à cette campagne et

répondent à ces propositions, voire

s’engagent sur la Charte précédemment

évoquée.

Il faut par ailleurs également retenir

que pour le Parti socialiste, il s’avère

absolument indispensable de se montrer

encore et toujours plus à l’écoute, à

l’échange et à la collaboration avec les

causes associatives de solidarité internationale

comme de façon générale et

in extenso avec les syndicats et toutes

représentations de la société civile.

Enfin, il transparaît à travers cette campagne

que l’attitude du gouvernement

actuel demeure à combattre et impose

des contre-propositions à cette société

libérale et au système capitaliste

qu’il continue de prôner, ceci, malgré

les vaines et hypocrites déclarations

d’intention qu’il s’évertue à prononcer

tels les discours de N. Sarkozy lors du

dernier G20 à Londres sur les paradis

fiscaux et ses virtuelles listes grises

associées.

Damien Landini

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