GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Féminisme

Congé paternité : pères, mères, Macron et Europe

En 2017, la Commission européenne a proposé une directive visant à rendre obligatoire un congé de paternité de dix jours à la naissance, et à mieux indemniser le congé parental pour inciter les pères à en bénéficier. Or, 13 pays, au premier rang desquels la France, viennent de retoquer ce projet.

Macron, qui pourtant déclare vouloir faire l’égalité entre les hommes et les femmes la grande cause du quinquennat, n’en est pas à une contradiction près : « J’en approuve totalement le principe, mais les congés parentaux payés au niveau de l’indemnité maladie journalière, c’est une belle idée qui peut coûter très cher et finir par être insoutenable », s’est-il justifié devant le Parlement européen le 17 avril 2018. Dix jours plus tard, l’Espagne adoptait, elle, l’égalité des congés de paternité et de maternité, tous deux fixés à 16 semaines et indemnisés à 100 %...

Vers un congé paternité obligatoire

Un congé de dix jours pour les pères serait une avancée pour un certain nombre de pays particulièrement en retard comme l’Irlande où aucune mesure n’existe, ou encore l’Italie et la Grèce où le congé de paternité est de deux jours seulement.

Mais son obligation serait aussi un progrès pour la France. Aujourd’hui, les pères y bénéficient d’un congé de paternité de 11 jours indemnisé par l’Assurance maladie en fonction du salaire avec un plafond de 86 euros par jour. Mais il est « facultatif » et près d’un quart des pères y renoncent. Non pas en fonction d’un manque à gagner, mais par crainte du jugement de leur employeur. En effet, selon une étude de 2016, le taux de recours varie en fonction du statut professionnel : 88 % des fonctionnaires et 80 % des pères en CDI prennent un congé de paternité, mais seulement 48 % des détenteurs d’un CDD. « Faire de ce congé paternité une obligation lui conférerait une vraie légitimité et permettrait aux hommes de se débarrasser d’une potentielle culpabilité envers leur employeur », comme le souligne la pétition lancée récemment par le magazine Causette1.

En allonger la durée

Nombre de pays vont bien au delà des dix jours proposés, comme la Suède (60) et la Finlande (54) ou, hors UE, la Norvège (14 semaines). C’est pourquoi plusieurs voix s’élèvent en France pour en demander l’allongement dans une tribune du 23 septembre du PA.F et du collectif Congé Parentégalité, signée notamment par Philippe Martinez, Noël Mamère, ou encore Caroline de Haas, et intitulée « Pour une réelle égalité, pour la santé des femmes et l’avenir de nos enfants, nous demandons au gouvernement d’instaurer un congé obligatoire pour le deuxième parent, aligné sur le congé maternité »2.

Le congé maternité est en France de 16 semaines. Les arguments pour aligner dès à présent le congé de paternité sur les 6 semaines strictement obligatoires après l'accouchement sont nombreux : qualité du lien entre le père et l’enfant, meilleure répartition du travail domestique, (un peu) moins de pénalisation dans les carrières des femmes... Cela représenterait une enveloppe d’1,2 milliard d’euros, l’équivalent de 0,3 % des dépenses du régime général de l’Assurance maladie.

Les femmes au foyer ?

Le congé parental est la possibilité offerte aux parents de réduire ou de cesser leur activité professionnelle pour une durée variable après la naissance. La directive européenne proposait de calquer son indemnisation sur celle de l’arrêt maladie (50 % du salaire journalier de base, plafonné à 1,8 fois le Smic). Résultats ? Une indemnité de presque 900 euros pour un salarié touchant 2 000 euros par mois. Il s’agirait d’un congé de quatre mois pour chaque parent, fractionnable et pouvant être pris jusqu’aux douze ans de l’enfant.

En France, aujourd’hui, ce congé peut s’étendre pour un premier enfant jusqu’à six mois pour la mère et autant pour le père. Il est rémunéré 396 euros au maximum par mois, soit environ un tiers du Smic net. Pas de quoi susciter des envies de pouponner chez les pères... Ce montant est non seulement un frein à son utilisation, mais surtout un marqueur très fort d’inégalité entre les femmes et les hommes. Seuls 4 % des bénéficiaires sont des hommes. Le calcul est simple : les femmes sont moins bien payées, donc ce sont elles qui prennent le congé parental. Ce qui par ailleurs les pénalise dans leur carrière et réduit leurs chances d’être mieux payées !

Plutôt que de renvoyer les femmes à la maison avec une indemnité de misère, mieux vaut une vraie mesure correctement indemnisée permettant aux deux parents de s’occuper des enfants. Une meilleure rétribution permettrait d’établir une certaine parité dans l’accès au congé parental. En Suède, suite aux 60 jours de congé obligatoires, les parents peuvent se répartir 360 jours de congé parental en percevant 80 % de leur salaire, si bien que 45 % des bénéficiaires sont des hommes. Même en Allemagne, où le congé paternité à proprement parler n’existe pas, les parents peuvent se partager un congé parental de 14 mois payé à 65 % du salaire. Les hommes y représentent 25 % des bénéficiaires. Alors, un pognon de dingue ou le juste prix pour faire avancer la cause de l’égalité ?

Cet article de notre camarade Claude Touchefeu a été publié dans le numéro 259 de novembre 2018 de la revue Démocratie&Socialisme.

(1) https://www.change.org/p/pour-un-congé-paternité-digne-de-ce-nom

(2) Collectif pour une PArentalité Féministe https://lecollectifpaf.tumblr.com

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