Comprendre le projet de traité établissant une constitution pour l'Europe
« S'attacher au texte du projet, rien qu'au texte, mais à tout le texte »
« S'informer pour choisir et ne faire confiance qu'à soi-même »
« Dire oui ou non à l'Europe ne veut pas dire oui ou non à ce traité : valeurs et moyens ne doivent pas être confondus dans la recherche de compréhension du projet »
1 Un peu d'histoire de l'Europe
Une Europe de Codécision et de coopération entre gouvernements
Emergence de l'idée de Communauté politique, avec un Parlement (1 assemblée élue au SU et 1 assemblée désignée par les Parlements Nationaux)
(les 6 fondateurs : France, Allemagne, Italie, Pays-Bas, Belgique, Luxembourg)
Abandon de souveraineté nationale, avec affaiblissement du pouvoir du Parlement national par la codécision, harmonisation des institutions, échanges intracommunautaires
adhésion Espagne, Portugal
La communauté devient l'Union européenne
Débordements progressifs sur l'agriculture, les transports, etc, mais sans pouvoir politique intégré
2 Le texte du traité
2.1 Sa construction
Préparé par la Convention Européenne (cf 6.1), synthèse et rédaction par secrétariat général dirigé par ancien resp. du Foreign Office britannique, discuté et remanié par conférence intergouvernementale, la 3e partie a été rajoutée pendant l'été 2003 lorsque la Convention s'était séparée.
Remarque : il n'y a pas eu de débat entre représentants mandatés par les citoyens, ni d'adoption du texte par vote, en conséquence le texte n'est pas le fruit d'un véritable travail constituant .
Le texte : 448 articles en 341 pages + 36 protocoles 2 annexes pour environ 750 pages
1 préambule + 4 parties :
Texte complexe, confus, mélange généralités et détails, droits et principes, où le mot "marché" figure 78 fois, et le mot "concurrence" 27 fois, "progrès social" 3 fois et "plein emploi" 1 seule fois.
2.2 Comment se procurer le texte
3 Constitution ou traité international ?
Un traité définit les règles fondamentales, à transcrire en droit national - après approbation des Parlements nationaux, sorte de règlement international.
Une Constitution définit les principes généraux de fonctionnement des institutions sans privilégier à priori aucun choix politique ou économique, c'est une norme supérieure à toutes les autres, une référence pour l'application du droit.
« les Constitutions sont des actes de droit « interne », national, et ne relèvent pas du droit international dont l'outil traditionnel est le traité. une Constitution fonde un Etat alors qu'un traité peut, tout au plus, créer une organisation internationale ; ... Par la rédaction d'une Constitution, le peuple contrôle ses dirigeants et protège ses libertés» .
Le texte est plus qu'un traité, puisque édifice juridique pouvant s'imposer aux Etats membres (directives et règlement deviennent loi et loi-cadre).
Le texte est plus qu'une constitution, prenant la place du Parlement pour décider des lois et des décrets d'application.
De part sa forme, rédaction et contenu, mode de révision et d'application, il constitue un carcan intergouvernemental.
4 Etats membres et constitution
4.1 Quid des constitutions nationales
« La constitution et le droit adopté par les institutions de l'Union [...] priment sur le droit des États membres » (I-6). Les constitutions ne sont pas abolies mais sujettes à révision et les lois nationales doivent être mises en conformité avec les droits européens, les Etats ne devant pas mettre en péril les objectifs de l'U.E (I-5-2).
Le retrait volontaire d'un Etat est possible, cependant s'il n'est pas demandé en accord avec les autres pays, il prendra deux ans, sauf si le Conseil des chefs d'État décide à l'unanimité de proroger ce délai (I-60-3).
4.2 Pouvoirs européens et pouvoirs nationaux
Les Parlements Nationaux peuvent s'élever contre un projet Européen dans les domaines hors compétence exclusif de l'U : réexamen du projet si 1/3 des Parlements le demande.
Répartition des pouvoirs politiques entre les Etats et l'U.E8 (moyens pour la mise en œuvre des politiques) dit principe de subsidiarité (articles I-11 à I-18) :
Les instruments juridiques de l'Union (articles I-33 à I-44):
Actes législatifs :
Actes non législatifs :
En matière de politique étrangère : dans tous les domaines, les Etats perdent leur indépendance puisqu'il ne leur est pas permis d'agir ni contrairement aux intérêts de l'U.E , ni au risque de nuire à son efficacité (I-16-1 2).
4.3 Ratification
Adopté à Bruxelles 18/06/04 par chefs + gouvernements d'Etats , signé 29/10/04, soumis à l'approbation des 25 Etats membres (en 2007 passage à 27 avec Roumanie et Bulgarie) :
Allemagne Autriche Belgique Chypre
Danemark Espagne (20/02/05 = OUI) Estonie Finlande
France (29/05/05) G-Bretagne / Irlande du N Hongrie Irlande
Irlande Italie (06/04/05 = OUI) Lettonie Lituanie
Luxembourg Malte Pays-bas Pologne
Portugal Rep. Héllenique rep.Tchèque Slovaquie
Suède
Si tous les Etats l'ont signé et remis au Gouvernement Italien : entrée en vigueur 1/11/2006, effectif en 2009 ou 2014 selon les dispositions.
Sinon, 1er jour du 2e mois suivant réception du dernier document signé.
Si non ratifié, le traité de Nice continue de s'appliquer (cf 1).
5 Le traité et la démocratie
5.1 Séparation des pouvoirs
Toute constitution démocratique implique la Séparation des pouvoirs : qu'en est-il ?
France | Europe |
Exécutif | Gouvernement | Commission - commissaires (1 / Etat pour total = 2/3 des Etats par rotation (I-26-6), nommés par leurs gouvernements en fonction de leurs compétences et engagement européen (I-26-4) ; Commission ratifiée par le Parlement) - président (élu par le Parlement sur proposition du Conseil I-20-1) |
Parlement | Parlement-députés (élus à la proportionnelle directe par circonscriptions inter-régionales pour 5 ans) |
Judiciaire | Magistrats appliquent les lois ( nomination) | Cour Européenne (membres nommé par les gouvernements) |
Dans l'Europe du traité, la Commission s'implique dans tous les pouvoirs, la division démocratique n'est pas correctement respectée, notamment grâce aux possibilités d'adoption sans vote du Parlement d'actes dits non législatifs mais qui s'imposent aux Etats (cf 4.2). Ces actes sont largement utilisés dans la partie III.
Tous les pays ont le même nombre de ressortissants dans la Commission, au Conseil et à la Cour de justice .
5.2 La représentation populaire dans l'Europe du traité
Le préambule du traité précise qu'il est élaboré « au nom des citoyens » : placerait-on ainsi les peuples et les citoyens après les Etats ? la démocratie supporte-t-elle que les décisions soient prises en notre nom ?
La Commission n'est pas politiquement responsable devant le Parlement.
Les pouvoirs du Parlement sont dilués, empêchant le contrôle démocratique du Parlement :
La représentativité : la règle de « 1 citoyen = 1 voix » n'est pas respectée entre les nations suite au mode de représentation dégressivement proportionnelle avec un mini de 6 et un maxi de 96 membres par Etat, (I-20-2)
La représentativité des résidents de nationalité hors Union n'est pas précisée
Démocratie participative (I-47) :
les initiatives citoyennes possibles sont réservées exclusivement à l'application de la constitution (et non prévues pour sa modification) ; elles sont dépendantes de la Commission, qui est « invitée » et non obligée, à soumettre une proposition appropriée ... (I-47-4, III-332 et 334).
5.3 Si constitution démocratique ; alors ligne politique définie par les citoyens : est-ce le cas ?
Comment les valeurs (définies en I-2) sont-elles respectées ?
Elles ne le sont pas puisque les députés du Parlement ont une ligne politique assignée par la constitution et non dictée par les citoyens qui les ont élus, et qui est principalement de « favoriser la libre circulation des capitaux » (III-157-2).
Cette ligne politique concerne les domaines :
Allégeance à l'OTAN (I-41-2 et 7), or l'OTAN n'est pas contrôlé par l'U.E mais l'est en partie par les USA.
Les Etats s'engagent à améliorer leurs capacités militaires (I-41-3), et donc à augmenter leur budget de la défense (l'armement est le seul développement industriel mentionné dans le traité (III-311-1 e).
l'augmentation de la production agricole est le 1er but de la PAC (III-27-1).
Quid de l'emploi agricole et du respect de l'environnement
Système économique défini, concurrence libre et non faussée (I-3-2, III-177), que les Etats ne doivent pas mettre en péril (I-5-2) .
La solidarité n'est affirmée qu'entre les peuples et les Etats mais pas entre les citoyens (I-3-3 et4).
La libre circulation des personnes, des services, des marchandises et des capitaux est placée au même niveau (I-4-1).
Les orientations à l'OMC sont précisées, pour une contribution au développement harmonieux du commerce mondial, à la suppression progressive des restrictions aux échanges internationaux, aux investissements étrangers directs et à la réduction des barrières douanières et autres. (III-292-2, III-314).
Les restrictions aux mouvements des capitaux, aux paiements entre Etats sont interdites (III-156) ; cette libéralisation des capitaux s'accompagne d'une libéralisation des services des banques et des assurances (III-146-2) cf 7.4.
La Banque Europ. a pour objectif principal la stabilisation des prix (I-30-2, III-177), agissant conformément au principe d'une économie de marché ouverte [...] en favorisant une allocation efficace des ressources (III-185).
L'emploi et la formation ne font pas partie de ses missions.
Elle cherche à rendre la zone euro attractive aux investisseurs.
5.4 Evolution du texte : est-ce possible ?
La durée de la Constitution est illimitée (IV-446)
Règle de l'unanimité : les modifications du traité doivent être :
6 Les institutions de l'Europe du traité (I-19 à I-32)
6.1 La Convention Européenne - constituante, écrit le texte
72 Parlementaires (56 représentants des Parlements Nat. + 16 du Parlement Europ., 28 représentants des gouvernements, 2 représentants. de la Commission), aucun membre mandaté par les 450 millions de citoyens de l'U.E.
Fonctionnement par consensus >> le plus petit dénominateur commun
Le Praesidium : 3 membres nommés par les Etats + 13 représentants. de la convention : leurs choix sont décisifs, ont écrit 54 articles pour commenter et fixer les interprétations des dispositions de la CDF .
6.2 La Commission
6.3 Le Conseil (des ministres)
Vote l'impôt après approbation à l'unanimité des Etats membres, définit le budget
6.4 Le Parlement
et sauf la partie recette du budget.
6.5 Le Conseil européen
Définit les grandes orientations politiques, lignes stratégiques de politique étrangère et sécurité (III-294 à 308), sur lesquelles il est consulté par la Commission ou le Conseil des ministres.
6.6 la Banque Centrale BCE
Agit conformément au principe d'une économie de marché ouverte où la concurrence est libre (III-185)
6.7 La Cour de Justice
(I-29-3, III-360 et 365).
7 Le traité par thèmes : comprendre dans le détail
7.1 Travail et emploi
Nombreux articles en recul par rapport aux textes précédents ; les principaux :
II-75-1 : « Droit de travailler » II-75-2 : « liberté de chercher un emploi, de travailler, de s'établir ou de fournir des services »
III-133 : avoir le droit de « circuler librement et de répondre aux emplois effectivement offerts », de « séjourner dans un des Etats membre afin d'y exercer un emploi »
Constitution Franç. 1958 : art. 5 « droit d'obtenir un emploi »
Déclaration universelle (DUDH) 1948 : art. 23-1 « toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage»
Place prépondérante des LDE : en respectant les « grandes orientations des politiques économiques » (I-15-1 III-204), le Conseil adopte des lignes directrices de l'emploi et suit leur mise en œuvre (I-15-2 III-206).
La formulation « d'atteindre un niveau d'emploi élevé » (III-205) ne signifie pas réduire le chômage : les LDE donnent la définition : augmenter le taux d'emploi (ce qui est différent de la disparition du chômage) .
L'expression « tendre au plein emploi » (I-3-3) est également ambiguë, ne signifiant pas non plus l'éradication du chômage (mais pouvant le laisser supposer).
L'objectif est de faire face aux changements et de promouvoir la capacité d'adaptation au travail et la mobilité : § 3 des LDE : « Les Etats membres (...) réformeront les conditions trop restrictives de la législation en matière d'emploi qui affectent la dynamique du marché du travail », ceci afin de « promouvoir une main d'œuvre (...) susceptible de s'adapter ainsi que des marchés du travail aptes à réagir rapidement à l'évolution de l'économie » (III-203).
Il n'est pas prévu d'harmonisation des dispositions législatives ou réglementaires des Etats relatives aux politiques de l'emploi (III-207), c'est le marché intérieur qui régulera (III-209) dans le cadre des politiques économiques (III-204) cf 5.3.
Indemnisation du chômage : La constitution donne un droit « d'accéder à un service gratuit de placement » (II-89) et non le droit à un revenu de remplacement. « La différence entre le revenu du travail et le revenu lié au chômage ou à l'inactivité devrait être telle qu'elle encourage les personnes à accéder au marché du travail »(LDE, considérant n°18).
Durée légale du travail : seule la durée maximale est évoquée (II-91-2), article complété par la directive actuelle dont une modification est à l'étude pour passer la durée maximum hebdomadaire de 48 à 65h, sur une période de référence passant de 4 à 12 mois ; des notions nouvelles de « temps de garde » apparaîtraient.
Le droit de grève est étendu aux employeurs : "les travailleurs et les employeurs [...] ont le droit de [...] recourir, en cas de conflit d'intérêts, à des actions collectives pour la défense de leurs intérêts, y compris la grève" (II-88) : les patrons peuvent fermer leur entreprise en cas de conflit social.
Droit à l'information et consultation des salariés (II-87) en recul sur la constitution française : perte de la notion de participation du travailleur quant aux conditions de travail et à la gestion des entreprises.
Sont interdits dans la CDF : le travail forcé (II-65) , le travail des enfants -avec dérogation-(II-92) : mais l'interdiction ne s'impose pas aux Etats (cf 2.1).
Politique industrielle : un seul article qui se résume à des principes (III-279).
7.2 Protection sociale (logement, retraite, sécu)
Logement : La charte énonce , le « droit à une aide sociale et à une aide au logement » (II-94-3) et non pas le droit au logement comme la DUDH de 1948.
Retraite : « Les politiques auront en particulier pour objectif d'obtenir, d'ici 2010, une augmentation de cinq ans, au niveau de l'Union européenne, de l'âge effectif moyen de sortie du marché du travail » LDE §5 ; les Etats devront veiller « à ce qu'il soit financièrement avantageux de rester actif sur le marché du travail ».
La section politique sociale (III-209) : fait référence à « l'amélioration des conditions de vie et de travail »: qui aux côtés de la promotion de l'emploi devrait « permettre l'égalisation dans le progrès, une protection sociale adéquate » (III-117). Cependant la politique sociale doit respecter « la nécessité de maintenir la compétitivité de l'économie de l'Union... et l'égalisation dans le progrès résultera du fonctionnement du marché intérieur et des procédures prévues par la Constitution ».
Sécurité sociale : le « droit d'accès aux prestations » est respecté et reconnu (II-94) mais aucune obligation n'est faite aux Etats de créer de tels services si ils n'existent pas (confirmé par le Praesidium cf 6.1).
7.3 Services publics, recherche et énergie
Le projet reconnaît l'accès aux "services d'intérêt économique général » (SEIG) tel qu'il est prévu par les législations et pratiques nationales" (II-96) mais le principe de "service public" n'est admis ni comme valeur (I-2), ni comme objectif (I-3). Les commentaires de la Commission précisent que SEIG ne doit pas être confondu avec Service public.
Le traité renvoie à une hypothétique loi européenne (dont seule la Commission européenne a l'initiative) qui donnera à ces SEIG leur traduction concrète, et leur permettra d'exister (III-122). Les seuls services publics qui ne sont pas concernés par le projet sont donc les services non économiques, c'est-à-dire non marchands, tels que la justice, la police ou l'armée.
Les entreprises chargées de la gestion de ces services sont soumises aux règles de la concurrence éditées par actes non législatifs (III-166-2 et 3), semblant ouvrir la voie aux services publics marchands, d'autant plus que les Etats ne doivent pas mettre en péril la libre concurrence, en accordant des aides (III-167-1 et 3).
De plus, les pouvoirs publics ne peuvent créer des SIEG que si le marché (l'initiative privée) ne fournit pas le service.
Les articles de fonctionnement de la section « liberté des prestations de service » (III-144 à 150) sont à mettre en parallèle avec la directive (ou loi-cadre) sur la libéralisation des services, les Etats étant poussés à la libéralisation des services même « au-delà » de la directive (III-148) cf 7.4. Il est interdit et déclaré incompatible avec le marché intérieur tout accord entre entreprises « qui aurait pour effet de restreindre ou fausser le jeu de la concurrence » (III-161). ). Ainsi, «la loi cadre européenne établit les mesures pour réaliser la libéralisation d'un service déterminé » (III-147-1) et « ...porte par priorité ... sur les services dont la libéralisation contribue à faciliter l'échange des marchandises » (III-147-2).
La recherche : l'espace européen de recherche s'inscrit dans l'objectif de compétitivité industrielle, notamment en recherche spatiale (III-248 254) et la Commission peut intervenir dans les orientations et les indicateurs de la recherche (III-250) > Quid de la recherche fondamentale...
L'énergie : par renvois successifs entre articles (III-256 à 342 à 172 à 154), la liberté du choix national entre les sources d'énergie est soumise aux règles du commerce entre Etats et à l'examen éventuel de la Commission (Praesidium-cf 6.1). Le principe de concurrence dans le marché intérieur doit être respecté (III-436).
7.4 Libéralisation des services (directive Bolkenstein )
La directive proposée s'inscrit dans l'article III-148 : « les Etats membres s'efforcent de procéder à la libéralisation des services au-delà de la mesure qui est obligatoire en vertu de la loi cadre européenne [...] ».
Ce projet de directive (ou loi-cadre européenne) concerne l'ensemble des services dont la fourniture implique une contrepartie financière, à quelque niveau que ce soit.
Principe « du pays d'origine » : les procédures de contrôle échappent aux Etats sur le territoire desquels le service est fourni et relèvent du pays dans lequel le prestataire est établi.
7.5 Enseignement et formation
Les politiques d'éducation, de formation, de culture, ne doivent pas porter atteinte à la libre concurrence du marché intérieur (III-166).
La formation professionnelle se résume à l'adaptabilité aux entreprises et à la reconversion professionnelle (III-283), l'enseignement obligatoire et gratuit est mentionné comme une possibilité (II-74).
Rem : ces objectifs passent par l'uniformisation des diplômes et un socle de compétences communes enseignées à l'école (la comparaison entre les directives du Conseil européen, le rapport Thélot et le projet Fillon sont éloquentes).
7.6 L'Europe et les femmes
Ne sont pas mentionnés :
l'aide à la parentalité.
Mais sont mentionnés :
L'égalité entre les hommes et les femmes : est évoquée dans le cadre de l'emploi, du travail et de la rémunération (II-83) mais pas explicitement. Les discriminations fondées sur le sexe, les origines ethniques, etc. sont interdites (II-81), mais rien n'est précisé sur les moyens que se donne l'Union pour mettre en œuvre cette interdiction ; une loi cadre européenne peut établir les mesures nécessaires pour combattre toute discrimination « "dans les limites de compétence que la Constitution attribue à l'Union » (III-124).
7.7 Laïcité
Les liens entre l'église (catholique) et la vie politique dans un pays comme la Pologne sont très forts et en opposition avec le principe de laïcité de la constitution française ; or ce principe n'est pas affirmé dans le projet de constitution, bien au contraire :
« L'Union maintient un dialogue ouvert, transparent et régulier avec ces églises et organisations » (I-52-3) ; le traité garantit la liberté de religion et autorise son expression par le culte, l'enseignement, les rites et pratiques, tant dans l'espace public que privé (II-70).
Une loi telle que celle adoptée en France sur le port du voile à l'école est remise totalement en question par cet article.
7.8 Sécurité, défense commune - Coopération renforcée entre Etats
L'objectif est de permettre aux États membres de s'associer pour effectuer des "missions en dehors de l'Union" (I-41-1, III-309) et non d'assurer la défense collective de l'Union proprement dite.
Création d'une agence européenne de défense (I-41-3) : le Parlement est consulté et tenu informé des choix et évolution de la politique de sécurité et défense commune (I-41-8, III-313-3) (ne prend pas de décision).
Justice : l' « Eurojust » est limité aux infractions portant sur les intérêts financiers de l'U.E (III-273)
Pour la coopération renforcée, la clause de l'unanimité pourrait être surmontée mais elle exige que 1/3 des Etats participent, donc minimum 9/25 Etats, nombreux domaines en sont exclus (dont concurrence et politique monétaire) (III-416 et 419), accord de la Commission et de 18/25 des pays et du Parlement.
Sur les cas de politique étrangère ou sécurité : l'unanimité du Conseil est exigée.
8 Des conclusions d'auteurs
Robert Joumard : « Un projet contre la démocratie »:
« Un projet de constitution qui a peu de légitimité pour ne pas s'être appuyé sur une vraie constituante, un projet non révisable, l'absence de référence au peuple européen seul souverain et seule source de légitimité d'une constitution européenne, enfin la définition a priori de politiques militaire, agricole, économique, font de ce projet de constitution un texte qui ne respecte pas les acquis fondamentaux de l'histoire de l'État constitutionnel, un projet non-démocratique. »
joumard@inrets.fr
Monika Karbowska : . « ... refuser cette constitution inique, ultra-libérale et conservatrice »
« Ce qui est tragique, c'est que l'ultralibéralisme et la mainmise du religieux sur le politique sont allés tellement loin en Europe orientale que le projet de constitution européenne risque de paraître un progrès face aux destructions déjà opérées avant l'adhésion à l'UE.
Notamment de nombreuses féministes escomptent que la constitution les aidera à améliorer les droits des femmes et pensent que la sacralisation des dogmes ultra-libéraux n'est qu'un petit prix à payer pour obtenir ces droits, prix qui a déjà été payé par l'Europe centrale avant l'adhésion. Vivant dans une culture ultra-libérale depuis quinze ans, ayant consenti à d'immenses sacrifices pour l'adhésion à l'Union, elles conçoivent mal que le projet de constitution européenne soit un outil de destruction des droits des femmes en Europe occidentale, notamment de leurs droits sociaux. »
membre du réseau femmes et pouvoirs et d'Alternatives féministes (polonaise).
Raoul Marc Jennar : « Oui à l'Europe mais ... »
« mais à l'Europe des peuples, pas à celle des marchands et des marchés »
Dr en Sc. politique, chercheur auprès de l'URFIG, signataire de l'appel des 200.
Le site de l'URFIG est une mine de documents d'analyses du texte: www.urfig.org/, notamment : un DVD de trois exposés de RM Jennar (sur AGCS, directive Bolkenstein, et Traité constitutionnel), très pédagogique et d'approche aisée pour comprendre la complémentarité de ces 3 textes, pour 10€, à commander à URFIG, 7, el Placal, 66500 MOSSET.
Tony Andréani : « ce projet de Constitution [...] fait de la concurrence la règle d'or [...] qui correspond aux exigences des multinationales dans leur lutte-concours à l'échelle mondiale »
« Certains soutiennent qu'une forme de “ discrimination positive ” en faveur des pays d'Europe les moins développés (notamment les dix derniers entrants) n'est que justice, car elle doit leur permettre de rattraper, conjointement avec le bas niveau de leurs salaires, les pays les plus développés. Ils auraient parfaitement raison si ces avantages étaient temporaires et s'ils étaient, comme c'est le cas pour les aides régionales, modulables en fonction du niveau atteint. Il n'en est pas ainsi. Dès lors c'est bien la règle implicite du moins-disant social et du moins-disant fiscal qui s'imposera d'elle-même, et les délocalisations auront les plus beaux jours devant elles. »
Utopie Critique - 40 rue de Malte - 75011 PARIS
A-J Holbecq : « il est indispensable de se donner le temps de discuter, un an, deux ans, trois ans »
« Les électeurs n'ont aucune possibilité de sanctionner la Commission par leur vote, et le Parlement européen, ni aujourd'hui, ni dans le cadre de la Constitution, ne peut imprimer de choix politiques à la Commission. [...]La solidarité envers les générations futures, c'est se soucier de ce que sera la planète dans un futur maintenant proche, ne pas gaspiller l'énergie comme nous le faisons, bousiller les paysages et l'atmosphère. Donc ça veut dire revenir sur l'absurdité de ces échanges commerciaux tous azimuts ! Il faut tout remettre à plat [...] Or, c'est toute une construction sociale qui est rendue absolument impossible par ce projet de Constitution »
Le 5 février 2005 http://tiki.societal.org .
Franco Russo : « le déficit démocratique de projet ... l'attaque contre les pouvoirs des syndicats »
« La charte des droits fondamentaux est un recul par rapport à notre droit du travail »
ATTAC Suède, l'humanité Hebdo du 17 octobre 2004
Jean-Claude Casanova : « dans l'Euromérique qui se profile, l'Angleterre tient un rôle central »
« Cette constitution consacre le triomphe de la Grande Bretagne puisqu'elle aboutit à une Europe dans laquelle le Royaume-Uni serait à la fois le pivot politique parce qu'elle aurait fixé les règles et les imites, et la charnière avec les Etats-Unis dont il est le voisin et parent. »
Le monde 25-26 juillet 2004
Roser Palol : « un projet qui renvoie les femmes au foyer »
« La constitution menace aussi la laïcité. En reconnaissant les églises ce texte redonne à la hiérarchie religieuse un poids qu'elle n'avait pas. Or le clergé catholique, entre autres, reste fondé sur des valeurs patriarcales qui mettent les femmes au second rang. Sans parler des prises de position de la hiérarchie sur l'avortement et la famille. »
Intersindical alternativa de catalunya, éministe, , l'humanité Hebdo du 17 octobre 2004
Anne-Cécile Robert : « C'est une sorte de coup d'Etat idéologique »
« L'auto-proclamation d'une Constitution européenne, même par le subterfuge d'un traité international, masque donc une intention politique liée au contenu ultralibéral du texte lui-même. Eu égard au caractère fondateur d'une Constitution, imposer le mot sans la réalité, c'est vouloir imposer le libéralisme lui-même au mépris des règles démocratiques de base . [...]Par un « traité constitutionnel », les gouvernements espèrent gagner sur tous les tableaux en maintenant - au moins en apparence - leur pouvoir politique tout en imposant un choix idéologique : le traité contient des dispositions qu'on ne trouve pas d'ordinaire dans une Constitution. Au-delà de la définition classique des droits fondamentaux, il assigne à l'Union la poursuite de politiques de fond dont le but est l'instauration d'une « économie sociale de marché » où « la concurrence est libre et non faussée ». L'objet essentiel d'une Constitution étant d'organiser les « pouvoirs publics » tout en laissant les choix de fond au verdict des électeurs, le recours à un « traité établissant une Constitution » revient à tenter de court-circuiter la souveraineté populaire pour imposer, par un acte solennel, les principes du libéralisme économique. Progressivement, à l'usage, la référence au traité s'effacera au profit du terme Constitution. Il sera presque impossible de modifier un tel document dans une Europe à 25 Etats membres (voire plus ?).»
journaliste au Monde diplomatique, membre du Conseil scientifique d'Attac. Texte publié dans le Monde diplomatique de novembre 2004.
Yves Salesse : « [...] le projet de constitution est l'ensemble juridique libéral le plus complet et contraignant de la planète »
« Il s'agit de dire si nous voulons que ce texte soit le socle fondamental de l'Europe pour la période qui s'ouvre, si nous donnons notre accord à la poursuite des politiques européennes que nous avons eu le temps d'évaluer. Ou si nous voulons que l'Europe change de direction. »
Texte « Dire non à la constitution européenne pour construire l'Europe » septembre 2004, Coprésident de la Fondation Copernic, auteur de « Manifeste pour une autre Europe ». http://www.fondation-copernic.org
René Passet : « Nous sommes aux antipodes du projet communautaire originel »
« Il est clair que l'harmonisation ne s'effectuera plus vers le haut par la loi et la solidarité, mais vers le bas par la concurrence et les délocalisations »
professeur émérite université Paris-I, président d'honneur du Conseil scientifique d'Attac, auteur de « l'Illusion néo-libérale » Flammarion
Etienne Chouard : « la démocratie n'est pas éternelle,, elle est même extrêmement fragile. En la croyant invulnérable, nous sommes en train de la laisser perdre »
« Je ne voulais pas être de ceux qui freinent l'Europe. [...] Je n'avais pas lu le texte ] Je me suis mis à lire [...] Et plus le lis, plus je suis inquiet. Finalement, aujourd'hui, je ne pense plus qu'à ça, je ne dors presque plus, j'ai peur, simplement, de perdre l'essentiel : la protection contre l'arbitraire .»
Professeur de droit Marseille
Serge Regourd : « c'est bien d'une régression qu'il s'agit quant à la conception des droits et libertés en cause ».
« ...il est [...] symptomatique que dans la charte, nombre de droits à incidence sociale soit précisément présentés à partir de la formule : « l'Union reconnaît et respecte » ... qui n'exprime aucune garantie à la charge de la puissance publique. »
Professeur de droit public Toulouse
Tous les documents utilisés pour élaborer cette note de synthèse peuvent être envoyés
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