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Combattre l’islamophobie et débattre de la laïcité

Derrière ce qu’il est convenu d’appeler « l’affaire du voile » il y a deux questions distinctes. Il y celle de la liberté individuelle et il y a la question des représentations publiques syndicales. Nous refusons les amalgames entre ces deux sujets qui visent à brouiller les pistes, à rendre incompréhensibles les enjeux.

Nous assistons depuis une semaine à un nouveau cas d’hystérie collective islamophobe comme manifestement seule la France en a le secret. Après un très court passage à la télé durant lequel Maryam Pougetoux, la présidente de la section de l’UNEF à l’université Paris IV, a dénoncé la réforme Parcoursup [mettre hyperlien d’article de GDS sur la réforme], un déferlement islamophobe à son encontre s’est déclenché. Les critiques sont venues de toutes parts : outre évidemment des coupables habituels que sont la droite et l’extrême droite, des membres du gouvernement (Marlène Schiappa et Gérard Collomb), d’un journal satirique (Charlie Hebdo), de divers éditorialistes … Ils ont dénoncé le fait qu’une responsable de l’UNEF puisse porter le voile islamique dans le cadre de ses fonctions syndicales. On peut, et on doit selon nous, discuter de cette dernière question dans les organisations du mouvement ouvrier et dans celles qui lui sont liées. Comme c’est le cas de l’UNEF. Mais l’islamophobie, la haine irrationnelle du musulman, doit être combattue. C’est un enjeu majeur.

Défendre toutes les libertés individuelles

De toutes ces accusations, ce sont celles de sexisme et d’infraction à l’esprit de laïcité qui doivent être prioritairement battues en brèche : elles sont courantes à gauche et constituent le principal obstacle à ce que la gauche dans son ensemble puisse saisir l’enjeu du combat contre l’islamophobie.

Sur le sexisme d’abord : l’un des principaux principes de toute lutte pour la libération des femmes, c’est celui qui veut que seules les intéressées puissent décider de comment disposer de leur corps. Cela vaut pour les pratiques sexuelles, l’avortement ou les tenues vestimentaires. Il s’agit donc de défendre la liberté juridique et pratique pour toute femme de se vêtir comme elle l’entend et sans devoir se justifier auprès de qui que ce soit, en particulier l’Etat. Bref, il s’agit d’un combat démocratique de base.

C’est ainsi que nous soutenons le combat courageux des femmes en Iran qui ne veulent pas porter le voile. En France, la loi n’interdit pas aux femmes de se vêtir comme elles le veulent, et donc de porter le voile islamique. Et c’est tant mieux. Qu’on fiche donc la paix aux femmes qui veulent porter le voile islamique, et  qu’on ne les réduise pas à ce qu’on suppose être la signification de leur tenue vestimentaire.

Car le comble, c’est que tous ceux et celles – dont la ministre de l’égalité hommes-femmes – qui voient en Maryam Pougetoux un cas d’oppression des femmes ont un comportement sexiste : au lieu d’écouter et respecter la parole de l’intéressée et de lui permettre de définir, elle, ce qu’elle est, ils se mettent à l’objectiver en interprétant en contradiction avec sa parole le sens de son voile.

La question de la laïcité ensuite. Rappelons encore une fois, puisqu’il le faut, ce qu’est le principe de la laïcité : la séparation des églises et de l’Etat. De l’Etat, pas de la société civile. Et certainement pas la réduction des religions et de l’expression publique des sentiments religieux à néant : la laïcité de la loi de 1905 se fait également la garante des libertés religieuses. C’est donc le principe selon lequel l’Etat ne promeut aucune conception théologique particulière (dont l’athéisme) – ni en basant sa loi sur des préceptes religieux, ni en faisant la propagande de telle ou telle conception théologique, ni en favorisant l’enseignement assuré par des hiérarchies cléricales (comme il le fait malheureusement toujours aujourd’hui en subventionnant les écoles privées catholiques). C’est aussi le principe selon lequel l’Etat garantit la possibilité juridique et pratique aux individus de pratiquer la religion de leur choix.

Et c’est tout ! Tel parti, tel syndicat ou telle association ont toute liberté de se référer à tout ce qu’elles veulent. C’est ainsi qu’il existe des syndicats confessionnels, des associations religieuses et ainsi de suite. Et c’est ainsi que tout individu est libre de pratiquer la religion de son choix.

Comme l’a donc rappelé le secrétaire général de l’observatoire de la laïcité, Nicolas Cadène, l’État laïque n’a pas à interpréter ni à juger la pertinence du port du voile et « Seuls les électeurs ont à décider en connaissance de cause qui les représente ».

Le fait qu’une responsable d’un syndicat non confessionnel comme l’UNEF affiche son appartenance religieuse ne change rien à son caractère neutre sur le plan religieux. Par contre, il peut exister, bien entendu, un débat au sein du mouvement syndical pour savoir si les responsables (pas les adhérents) syndicaux doivent respecter un principe de neutralité à l’égard des religions. Le mouvement syndical a longtemps eu une attitude très hostile à l’égard de la hiérarchie catholique et le combat anticlérical (dont le combat pour la laïcité a fait historiquement partie) est une tradition importante qui a généré une méfiance forte à l’égard de l’affichage des appartenances religieuses. Ce débat est donc légitime mais c’est aux adhérents des organisations syndicales qu’il revient de le trancher.

Unifier dans le combat collectif

Si aujourd’hui ce cas défraie la chronique, c’est tout simplement parce que dans ce pays toute sorte de gens ne veulent pas voir une jeune femme musulmane s’afficher comme telle et prendre part au débat public de la même manière qu’il y a quelques mois une jeune artiste musulmane (Mennel Ibtissem) a dû se retirer d’une émission télévisée parce que certains ne supportaient pas son voile. En d’autres termes, c’est encore un cas d’islamophobie (ou de racisme anti-musulman si certains trouvent que ce terme n’est pas approprié).

C’est justement que l’UNEF s’est défendue dans un communiqué du 13 mai en expliquant que « Notre syndicat défend les principes de laïcité et de féminisme et c’est au nom de ceux-ci que nous défendons le droit des étudiants de faire leurs propres choix, dont porter le voile » et en condamnant « le déferlement de haine raciste, sexiste et islamophobe dont Myriam est victime ».

Les attaques islamophobes divisent et paralysent la gauche (alors qu’elles unifient le camp de la réaction) et isolent une partie de la population – les musulmans – issue de l’immigration postcoloniale et opprimée et exploitée socialement. C’est le rôle de la gauche d’organiser cette population et de reprendre ses revendications dans un combat démocratique contre les discriminations raciales. Tant qu’elle n’est pas capable de s’unir autour d’une position claire contre l’islamophobie, elle ne sera pas à la hauteur.

La GDS condamne et s'oppose fermement aux attaques dont Maryam Pougetoux et l'UNEF sont victimes. Nous nous solidarisons avec le combat contre Parcoursup, pour des meilleures conditions d’étude, pour la liberté des étudiantes et des femmes plus largement de se vêtir comme bon leur semble et pour la possibilité réelle pour les musulmans de participer à la vie publique de notre pays.

Dans ces combats nous cherchons toujours ce qui unifie contre ce qui divise. Et dans l’organisation de ce combat, nous revendiquons le droit de discuter, au sein de nos organisations, de la meilleure manière de porter ces combats politiques, sociaux et démocratiques. Cela fait partie du libre débat et ne relève pas du registre des interdictions et de la loi.

 

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