GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

International – Europe

Chypre : les méthodes de notre gouvernement posent problème

Mercredi 20 mars, Jean-Marc Ayrault défendait le peuple chypriote. Il mettait en cause le gouvernement de Nicosie qui, en acceptant que soient taxés les comptes bancaires de moins de 100 000 euros, était coupable à ses yeux de n’avoir pas su protéger les Chypriotes les plus modestes. Il affirmait que « les petites gens, les gens modestes, les épargnants » n’avaient pas à payer la facture et que seuls devaient être mis à contribution « les très riches déposants ». Il précisait « Voilà la position de la France ».

Cette prise de position, juste sur le fond, pose cependant deux questions.

Première question : pourquoi imputer au gouvernement de Nicosie un plan qui lui a été imposé par les ministres des Finances de la zone euro ?

Le plan qui prévoyait de mettre à contribution les dépôts de moins de 100 000 euros a été voté à l’unanimité des 17 ministres des Finances de la zone euro et donc par Pierre Moscovici, le samedi 16 mars, après une discussion qui avait commencé le vendredi 15 mars et qui avait duré 10 heures. Le ministre des Finances français déclarait à la sortie de la réunion: « L’Eurogroupe a fait ce qu’il avait à faire » (Les Échos – Reuters - 24/03/2013).

Ce n’est que le lundi 18 mars, quand il est devenu évident que le Parlement chypriote ne voterait pas le plan de européen, que le président de l’Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem, s’est mis à condamner la taxation des dépôts inférieurs à 100 000 euros. Le ministre des Finances allemand, Wolfgang Shäuble, tout comme Pierre Moscovici, se sont aussitôt mis au diapason.

Avant cette date, pourtant, aucun média ne contestait que la taxation des dépôts inférieurs à 100 000 euros, au taux de 6,75 %, ait bien été imposée, à l’unanimité des 17 ministres des Finances, par l’Eurogroupe. Même après le vote du Parlement chypriote qui a rejeté le plan européen le mardi 19 mars et la volte-face du président de l’Eurogroupe, les médias continuaient à reconnaître ce fait.

Le Figaro (19/03/2013) écrivait « Quarante-huit heures après l’adoption du plan de sauvetage à l’unanimité, chacun rejette sur l’autre la paternité d’une taxe jugée injuste ».

Le Commissaire européen au Marché intérieur, Michel Barnier estimait (La Tribune - 23/03/2013) : « Dans l’urgence, il y a eu une mauvaise appréciation de l’impact de cette annonce d’une taxe sur les dépôts inférieurs à 100 000 euros dans l’accord des ministres ». Il ajoutait « S’il y a eu accord unanime des 17 ministres de la zone euros, y compris le ministre chypriote, c’est parce qu’il faut trouver de l’argent ».

Le président de l’Eurogroupe Jeroen Dijsselbloem ne cachait d’ailleurs pas, avant son virage à 180 degrés du 18 mars, ce qui avait motivé le vote unanime des 17 ministres des Finances de la zone euro : « Dans la mesure où c’est une contribution à la stabilité financière de Chypre, il paraît équitable de demander une contribution à tous les déposants » (Reuters - 16/03/2013).

Ce n’est qu’après le virage opéré par le président de l’Eurogroupe que le discours de notre gouvernement a changé et que Jean-Marc Ayrault a mis en accusation le gouvernement de Chypre.

Cette accusation est d’autant plus injuste que le plan de l’Eurogroupe a été imposé au gouvernement chypriote, menacé en permanence que la BCE cesse d’alimenter en liquidités les banques chypriotes, ce qui signifiait leur faillite immédiate. Si le ministre des Finances de Chypre a voté, comme ses 16 autres collègues de la zone euro, le plan de l’Eurogroupe, c’est parce qu’il avait un pistolet sur la tempe.

Deuxième question : pourquoi le gouvernement français ne défend-il pas ouvertement ses positions face à Angela Merkel ?

Que notre ministre des Finances ait défendu dans l’enceinte parfaitement close de l’Eurogroupe qu’il ne fallait pas taxer les comptes d’un montant inférieur à 100 000 euros, pourquoi ne pas le croire puisqu’il l’affirme ? Mais pourquoi Pierre Moscovici n’a-t-il pas défendu publiquement cette position ? Pourquoi s’est-il cantonné à cette « diplomatie secrète » dont la droite européenne sort à chaque fois vainqueur ? Pourquoi Pierre Moscovici a-t-il, le 16 mars, voté pour un plan qui n’était pas « la position de la France », comme l’affirmait, le 20 mars, notre Premier ministre?

La réponse, Bernard Cazeneuve nous l’avait fournie dans un entretien accordé à Médiapart le 14/03/2013 : « Nous avons choisi d’endosser des compromis plutôt que d’organiser des crises. On sait toujours quels sont les risques du compromis. On ne mesure généralement les effets d’une crise supplémentaire, que lorsque la crise est déjà partout, que lorsqu’il est trop tard ». En substance, pour celui qui était alors le ministre délégué aux Affaires européennes de François Hollande, il ne fallait pas ajouter la crise à la crise. Il serait temps de tirer les leçons de cette orientation politique, celle de François Hollande et de Jean-Marc Ayrault.

Pierre Moscovici n’a pas voulu s’opposer à la droite européenne pour ne pas prendre l’initiative d’une crise, pour ne pas ajouter de crise à la crise. Il a donc accepté que les petits déposants chypriotes soient taxés. Les résultats sont, malheureusement, sans équivoque : non seulement la crise n’a pas été évitée mais elle s’est aggravée puisque c’est maintenant l’engagement de l’Europe de garantir les dépôts jusqu’à 100 000 euros qui est remis en question dans l’esprit de très nombreux Européens. Selon un récent sondage, réalisé après l’abandon de la taxation des dépôts inférieurs à 100 000 euros, 4 Français sur 10 sont aujourd’hui persuadés qu’en cas de crise bancaire, leurs dépôts seront taxés.

François Hollande, en juin 2012, n’avait pas voulu non plus s’opposer à Angela Merkel. Il avait alors accepté le traité Merkel-Sarkozy en contrepartie d’un pacte de croissance de 120 milliards d’euros. Les résultats, malheureusement encore, sont tout aussi évidents : le pacte de croissance, d’un montant déjà dérisoire, s’est littéralement volatilisé, par contre, le TSG a plongé l’Union européenne dans la récession. Une récession qui risque très rapidement de ne plus « rassurer les marchés financiers » et de provoquer cette hausse des taux d’intérêts que François Hollande affirme, pourtant, vouloir à tout prix éviter.

Vouloir éviter la crise pour ne pas ajouter à la crise aboutit au résultat inverse et aggrave la crise. Il est urgent que François Hollande rompe avec cette orientation suicidaire et se décide à assumer une politique de gauche face à Angela Merkel, en s’appuyant sur l’opinion publique européenne, les mouvements sociaux et les résultats d’élections telle que celle de l’Italie.

Résoudre démocratiquement une crise sociale ou économique ne peut se faire que sur le terrain politique. Il faut donc accepter que la crise sociale et économique de l’UE se traduise en crise politique pour pouvoir la résoudre. Il faut arrêter d’administrer à doses toujours plus fortes le « remède » utilisé jusqu’alors, à savoir les accords avec la droite européenne, qui non seulement ne guérit pas la maladie, mais qui rend le malade toujours plus malade.

Pour sortir de la profonde crise dans laquelle l’Union européenne et l’euro s’enlisent, il ne sera pas possible d’éviter l’affrontement avec la droite européenne alignée derrière Angela Merkel. Refuser d’assumer cet affrontement, comme pour le TSCG ou la crise chypriote, ne fera qu’aggraver la crise. L’espoir d’une alternative repose sur François Hollande, non seulement en France mais aussi en Europe. Mais pour combien de temps encore ?

Le changement, la rupture de la « grande coalition » avec Angela Merkel, c’est maintenant !

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