GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

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Chronologie d’une prise d’otage avec demande de rançon

Début 2009, en plein récession, le gouvernement conservateur grec de Caramanlis annonce un déficit de 3,7 % du PIB pour 2008.

Le 4 octobre 2009, le parti socialiste grec (PASOK) remporte les élections législatives. Le nouveau premier ministre grec révèle les fraudes du gouvernement précédant et réévalue le déficit grec, début novembre 2009, à 12,7% du PIB.

Le 7 décembre 2009, l’agence de notation Fitch Ratings procède à une dégradation de la note accordée à la dette grecque à A- .

Le 14 décembre, le gouvernement grec annonce son premier plan d’austérité : gel des salaires des fonctionnaires supérieur à 3 000 euros mensuels, gel de l’emploi public, gel des retraites de la fonction publique, passage de l’âge légal de la retraite à 65 ans pour les hommes et à 60 ans pour les femmes.

Le 20 janvier, Fitch Ratings, rétrograde encore sa note à BBB+.

Les taux auxquels la Grèce peut refinancer sa dette continuent donc à augmenter. Le taux des obligations d’Etat grecques à dix ans passe au-dessus de 6 % (le taux exigés de l’Allemagne pour le même type d’opération n’est que de 3,3 %).

Le 15 février, les ministres des Finances de la zone euro demandent à la Grèce des mesures « d’austérité » supplémentaires.

Le 3 mars, le gouvernement grec annonce un deuxième plan d’austérité qui s’ajoute au premier. Il vise une économie annuelle de 4,8 milliards d’euros (pour un PIB de 345 milliards d’euros) : hausse de 10 % des taxes sur les alcools, le tabac, les carburants, gel des retraites des salariés du secteur privé, hausse de la TVA à 21 %.

Le 25 mars, les chefs d’États et de gouvernement des 16 pays dont l’euro est la monnaie adoptent un « plan d’aide à la Grèce ». En contrepartie, de la mise en œuvre effective des mesures d’austérité annoncées par le gouvernement grec, ce plan prévoit de fournir des liquidités à la Grèce pour lui permettre de rembourser les titres de sa dette publique, arrivés à échéance. Ce plan, combinant des prêts bilatéraux des États-membres de la zone euro (au taux de 5 %) et des prêts du FMI, est rédigé avec une rare ambigüité et soumet le versement effectif des prêts des États-membres à un vote unanime du Conseil européen. Georges Papandréou ne réclame pas, alors, le versement effectif des prêts.

Le résultat ne se fait pas attendre. Profitant de l’ambigüité du plan, des lenteurs et des difficultés de sa mise en œuvre, les spéculateurs s’en donnent à cœur joie et les taux exigés de la Grèce atteignent 7,5 % début avril.

Le 9 avril, l’agence de notation Fitch Ratings abaisse la note de la dette publique grecque à BBB- sous prétexte que la hausse des taux (à laquelle elle avait largement contribué) allait rendre difficile la réduction du déficit grec.

Le 22 avril, Eurostat annonce une révision à la hausse à 13,6 % du déficit 2009 de la Grèce. Que cette hausse soit due à la hausse des taux d’intérêt de la dette publique et à la récession subie par la Grèce en 2009 (- 2 % de son PIB) ne fait, évidemment, la « Une » d’aucun grand média.

Le 23 avril, le gouvernement grec demande l’activation du « plan d’aide » décidé le 25 mars.

Le 27 avril, Standard Poor’s dégrade la note souveraine d’Athènes de trois crans, la reléguant au rang de « Junk bunds », d’obligations « pourries. Le même jour, les marchés boursiers européens subissent une baisse généralisée. L’euro qui s’échangeait, il y a quelques mois, contre 1,5 dollars ne vaut plus que 1,31 dollar. Le taux des obligations d’État grecques à 10 ans dépasse les 11 %. Pire, les taux à deux ans (en principe inférieurs aux taux longs) atteignent 18 % contre 15 % la veille au soir. Cette inversion de la courbe des taux obligatoires indique clairement la crainte d’une partie des spéculateurs d’un défaut de paiement de la Grèce à court terme.

Le 29 avril, après s’être longuement entretenu avec les émissaires du FMI et sous la pression continuelle des dirigeants européens qui n’ont toujours pas décidé de verser le moindre centime d’euro à Athènes, le gouvernement grec annonce un 3ème plan d’austérité (qui s’ajoute aux précédents) : baisse de 12 % des salaires de la fonction publique (suppression du 13ème et du 14ème mois pour les salariés gagnant plus de 3 000 euros mensuels, plafonnement du total de ces 13ème et 14ème mois à 1 000 euros pour les autres), baisse de 12 % du montant des retraites.

Le 2 mai, l’Eurogroupe décide d’accorder un prêt de 80 milliards d’euros, étalé sur trois ans (au taux de 5,2 %) à la Grèce. Il faut cependant encore que chaque Parlement national des quinze autres membres de la zone euro accepte que son pays finance sa quote-part du prêt avant que le premier euro soit versé à la Grèce. Ce prêt sera complété par un crédit de 30 milliards d’euros du FMI, lui aussi étalé sur 3 ans.

Des prêts destinés à rembourser les rentiers

Les prêts accordés par l’Eurogroupe et le FMI ne sont pas destinés à relancer l’économie grecque mais à rembourser les rentiers du montant de la dette grecque qui arrivera à échéance au cours des 3 années à venir, sans oublier, bien entendu, les intérêts dus à ces mêmes rentiers. Il faudra ensuite que la Grèce rembourse les prêts du FMI et des pays de la zone euro ainsi que les sommes dues au titre des intérêts de ces prêts dont le taux s’élève à 5,2 % alors que les prêteurs se refinancent au taux de 3 % !

Le montant (provisoire) de la rançon exigée du peuple grec

En contrepartie de ces prêts, le gouvernement grec devra mettre en place un 4ème plan d’austérité, alourdissant d’autant la rançon exigée du peuple grec.

Mesures contre les retraites : l’âge légal de la retraite reculera en fonction de l’espérance de vie, le montant de la retraite sera calculé sur toute la durée de la carrière et non plus sur le dernier salaire.

Mesures contre les revenus des fonctionnaires : les indemnités perçues par les fonctionnaires subiront une nouvelle ponction de 8 %, s’ajoutant aux 12 % déjà amputés.

Mesures contre l’ensemble des salariés : augmentation de la TVA de 21 % à 23 %.

Mesures contre les salariés du privé : mise en place d’un salaire minimum au rabais pour les jeunes et les chômeurs de longue durée ; abrogation de la législation qui interdit aux entreprises de licencier plus de 2 % de leurs effectifs totaux par mois.

Le plan prévoit aussi quelques augmentations (non chiffrées) de l’impôt sur les sociétés ainsi qu’une augmentation de la fiscalité immobilière.

Mais l’église orthodoxe, le plus important propriétaire foncier, est largement épargnée. Quant au budget militaire (le plus important de l’Union européenne en pourcentage du PIB) il continuera de permettre à l’armée grecque de préparer sa guerre contre la Turquie et de financer les achats de matériels militaires des marchands de canons français, allemands ou anglais.

Au total, selon la Tribune du 03/05/2010, les Grecs vont voir, en moyenne, « leurs revenus amputés de 20 % ». Sans compter la pression que va exercer sur les salaires un taux de chômage de 20 % et la suppression de toute entrave aux licenciements pour les entreprises.

Le secteur public livré aux multinationales

Des mesures contre le secteur public couronnent l’ensemble. Il faut dire que le secteur public grec représente 40 % du PIB et qu’il est une proie tentante pour les multinationales.

Le FMI apporte là le coup de patte habituel à tous ses plans structurels : les investissements publics seront sévèrement réduits et le secteur des transports et de l’énergie seront « libéralisés » et donc offerts aux appétits des multinationales qui pourront les racheter à bas prix, toujours dans le but de rembourser les rentiers détenteurs des titres de la dette grecque.

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