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Chirac-Raffarin : la Sécu en ligne de mire

Face à un déficit attendu de près de 11 milliards d'euros de l'assurance-maladie pour 2003, annoncé par la commission des comptes de la Sécurité Sociale, le gouvernement Raffarin propose des mesures qui ne visent qu'à stabiliser au mieux ce déficit autour de 10 milliards.

En 2002, le déficit de la branche maladie était de 6,1 milliards d'euros, tandis que les branches vieillesses et famille étaient excédentaires, respectivement de 1,7 et 1 milliard d'euros. Cette situation, détaillée par la Cour des Comptes, est liée à la très forte augmentation des dépenses d'assurance-maladie de plus 7 % par an et du ralentissement de la progression des recettes qui « a porté le déficit à un niveau jamais atteint ».

Raffarin, qui a décidé de piloter lui-même le dossier, exclu d'équilibrer les finances sociales par une hausse de la CSG. Mais plusieurs économistes de la santé estiment que « l'on n'échappera pas à une augmentation de la CSG ou de la CRDS» Ce report s'explique par la méthode des petits-pas de Raffarin dans un contexte où les mesures de baisses des impôts pour les riches, conjuguées aux augmentations de taxes sur le diesel, des tarifs de la Poste, d'EDF-GDF, ainsi qu'au démantèlement des aides aux chômeurs, produisent leurs effets dans l'opinion publique avec une chute spectaculaire dans les récents sondages. La haine sociale contre ce gouvernement se renforce.

Ce gouvernement avance donc masqué, attendant des jours meilleurs, car que l'on ne s'y trompe pas, sa volonté est de fiscaliser dans un premier temps le financement de la Sécu tout en la livrant par touches successives aux assurances privées. Alors, il décide de trouver 4 milliards d'euros pour le prochain PLFSS-2004 (projet de loi de financement de la sécurité sociale). Sa méthode est simple : diffuser dans les médias des mesures impopulaires, attendre les réactions puis reculer sur certaines et en officialiser d'autres.

L'argumentation de la droite repose sur la responsabilisation des patients et des médecins.


Il s'agit dans l'idéologie libérale de faire supporter la responsabilisation non plus au niveau de la solidarité nationale mais au niveau de l'individu. Pour la droite, cela signifie une hausse du forfait hospitalier qui passera de 10,67 à 13 euros à la charge des malades hospitalisés, mais souvent à celle de leur mutuelle. L'économie serait de 200 millions d'euros. Devant cette décision prise unilatéralement, il est légitime que les mutuelles s'y opposent car nous avons là un transfert de charges vers les malades et leur complémentaire. Jusqu'à quand, les mutuelles pourront-elles absorber ces nouvelles contraintes ? C'est un nouveau pas dans la logique des libéraux qui souhaitent que la Mutualité se transforme en compagnie d'assurance. Mais ce forfait hospitalier ne s'applique pas aux bénéficiaires de la CMU. Par contre cette hausse va pénaliser particulièrement les trois millions de Français qui se situent au-dessus du seuil d'attribution de la CMU mais dépourvus de complémentaire.

Mais Raffarin-Mattéi ont proposé d'autres mesures, comme la baisse du remboursement de l'homéopathie dont le taux passera de 65 % à 35 % (économie de 70 millions d'euros), et d'autres provisoirement écartées comme l'instauration d'un forfait de 0,5 euro par boite de médicament, d'une taxe de 1 euro par feuille de soins.

La vigilance s'impose car le PLFSS remettrait en cause la prise en charge des accidents de sport et de la route qui seraient confiés aux assurances spécifiques et non plus à la Sécu.

Concernant la responsabilisation des médecins, ceux-ci seront ménagés sans mesures d'encadrement comptable. Par contre les contrôles seront plus stricts sur les arrêts de travail et les admissions en ALD (prise en charge à 100 %, concernant près de 6 millions de patients).

Sur le financement, la taxation du vin est écartée, mais pas celle sur le tabac qui devrait rapporter près de 700 millions d'euros. Mais surtout, le gouvernement veut favoriser le déremboursement de nombreux médicaments à ''service médical rendu'' insuffisant. Alors que la politique du médicament de Mattéi a essuyé des revers ces derniers mois avec deux décisions du Conseil d'Etat et la censure du Conseil Constitutionnel du dispositif de déremboursement de médicaments, le gouvernement est décidé d'introduire une mesure dans le prochain PLFSS lui permettant d'accélérer ces déremboursements et de se mettre à l'abri de tels recours. Nous sommes loin d'un objectif de santé publique qui voudrait que l'on ne mette sur le marché que des médicaments utiles et efficaces. Cela nécessiterait de revoir totalement le fonctionnement et la place de l'industrie pharmaceutique. Notons au passage qu'elle sera mise à contribution pour 150 millions d'euros, au lieu des 200 envisagés, par la hausse des taxes sur les dépenses de promotion !

Dès maintenant nous avons une campagne continue sur le thème de ''la Sécu est à bout de souffle'', ''le trou de la Sécu ne fera que s'accroître''. On parlera en milliards d'euros de déficit, 6 puis 11 et 16, par année, par cumul sur 2002-2003, par cumul estimé sur 2003-2004.

''C'est irréversible''.

Le message à faire passer est ''qu'il faut prendre des mesures courageuses afin de préserver l'essentiel de la Sécu'' : bref la comparaison avec la contre-réforme des retraites est limpide. C'est au nom de la protection des retraites par répartition que Chirac-Raffarin ont sonné la charge. Ils nous repassent le même film.

Nous avons aussi de doctes experts qui nous donnent ''leur évidence'' : « les partenaires sociaux ont perdu toute crédibilité et légitimité pour gérer la Sécu. Ils ont été incapables de mettre en place un dispositif efficace de régulation des dépenses en raison d'une collusion d'intérêts entre syndicats professionnels et médicaux. L'Etat doit gérer l'ensemble du système et très rapidement ». L'étatisation de la protection sociale est en marche, prélude à sa privatisation.

Le 22 septembre 2003

Gérard Berthiot,

Médecin,

Premier fédéral du Parti socialiste de la Marne,

Nouveau monde, Démocratie socialisme,

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