GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

International – Europe

Cette tenace odeur de pétrole...

L'administration Bush a beau dénoncer une « accumulation de faits et comportements troublants » dont se serait rendu coupable le régime de Bagdad en matière d'armement, une tenace odeur de pétrole flotte sur cette guerre annoncée. Pavée de mauvais prétextes, la ruée vers l'or noir que prépare Washington n'obéit qu'à des motifs économiques et géostratégiques.

Les Etats-Unis restent les premiers producteurs mondiaux de pétrole. Mais ils en sont aussi les premiers consommateurs, et surtout les premiers importateurs.

Car au cours du dernier quart de siècle, l'approvisionnement en pétrole de la première puissance du globe a subi un complet renversement de situation. Qu'on en juge par les chiffres : en 1973, les Etats-Unis produisaient 9, 2 millions de barils par jour et en importaient 3, 2 millions ; en 2000, leur production nationale était tombée à 5, 6 millions de barils/jour, tandis que les importations atteignaient 8, 6 millions.

La dépendance américaine en matière énergétique ne fera que s'aggraver, puisqu'en l'état actuel des prospections, les gisements pétrolifères des USA seront épuisés à l'horizon 2010-2015. Actuellement, il en coûte aux Etats-Unis 80 milliards de dollars par année pour acheter à l'étranger le pétrole qui leur est nécessaire, cette somme représentant prés de 20% de leur déficit commercial.

Dans ces conditions, on comprend aisément que le contrôle, voire la mainmise sur les principales réserves en hydrocarbures de la planète soit considérée à Washington comme une priorité. Il faut cependant remarquer que pour le moment, les Etats-Unis sont peu tributaires du pétrole du Moyen-Orient. La moitié de leurs importations en hydrocarbures provient de trois pays : le Canada, le Mexique et le Venezuela. Quant à l'autre moitié, elle est ventilée entre les pays du Golfe Persique et les grands producteurs africains, tels le Nigeria et l'Angola.

Le grand jeu

Le très impérial projet de conquête de l'Irak (appelons les choses par leur nom) vise donc à contrôler les deuxièmes réserves mondiales de pétrole, moins pour l'approvisionnement des Etats-Unis, assuré par d'autres pays à court et moyen terme, que pour faire pression sur les adversaires potentiels et les concurrents commerciaux. Le contrôle des gisements irakiens, ajouté à celui du pétrole de la mer Caspienne (20 % des réserves mondiales), octroierait à Washington un atout maître dans le jeu politique mondial.

En passe de devenir le principal rival géostratégique de l'Amérique, la Chine est directement concernée par cette redistribution des cartes. Depuis 1993, elle est importatrice de pétrole, sa consommation en hydrocarbures dépendant pour un tiers de ses achats à l'étranger. Bien qu'elle cherche à diversifier ses fournisseurs, ses importations proviennent essentiellement du Moyen-Orient. Cette dépendance est appelée à croître d'ici à 2020, puisque sa consommation de pétrole devrait doubler, les importations en représentant la moitié.

La France et l'Allemagne ont elles aussi de bonnes raisons de s'inquiéter. Entièrement dépendantes de l'étranger en matière énergétique, elles ont tout à perdre d'un renforcement du contrôle américain sur les flux pétroliers. On sait que les différends commerciaux transatlantiques sont nombreux ; maître absolu du pétrole, Washington aurait un argument massue à faire valoir dans toute négociation.

L'axe Paris-Berlin tiendra-t-il bon dans la prochaine tempête du désert ? On peut en douter, car la France comme l'Allemagne se voient très opportunément confrontés à deux défis diplomatiques majeurs. La France en Côte d'Ivoire, où l'ineffable de Villepin (on lui doit déjà la dissolution de 1997) vient de faire montre de sa légendaire habileté manœuvrière... L'Allemagne avec ses partenaires commerciaux d'Europe centrale, qui se sont alignés comme un seul homme derrière Bush et ses va-t-en guerre. La Maison Blanche pourrait bien tirer profit de ces deux « complications » pour ramener le couple franco-allemand à sa raison.

Contre l'agression impérialiste, la mobilisation internationale est donc essentielle. Elle peut devenir d'autant plus massive que l'opinion publique mondiale n'est pas dupe des fausses motivations de l'administration Bush.

Gilles Baudin

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