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Ce que coûterait aux salariés la victoire de Sarkozy

De nombreux économistes se sont penchés sur ce que le programme économique de Sarkozy coûterait à l'Etat et ont, heureusement,été amenés à souligner son invraisemblance et son absence de cohérence. Ils l'ont même « explosé en vol » jeudi 5 février ruinant toutes ses prétentions de sérieux. (cf communiqué précédent)

Mais, curieusement, personne ne semble s'intéresser à ce que coûterait la victoire de Sarkozy à 90 % des salariés, ceux qui gagnent moins de 2 200 euros par mois.

A écouter Sarkozy, ces salariés ne pourraient qu'y gagner : il leur suffirait de travailler plus.

Mais cette affirmation est en pleine contradiction avec la pratique du gouvernement auquel appartient Sarkozy.

Ce gouvernement, en effet, a fait passer le « contingent annuel autorisé » d'heures supplémentaires de 130 à 220 heures (et plus par « accord » selon la loi Fillon du 4 mai 2004, ce qui a donné 230 h dans la poissonnerie et 360 h dans la restauration). Or, c'est le dépassement de ce contingent annuel autorisé qui déclenche le paiement des heures supplémentaires avec une majoration de 100%.

Auparavant, dès la 131ème heure supplémentaire, le paiement de chaque heure supplémentaire était majoré de 100%. Aujourd'hui, ce n'est qu'à la 221e heure ( ou la 231e, la 361e...) qu'aura lieu cette augmentation. Cela revient à travailler plus pour gagner moins : l'inverse de ce qu'affirme Sarkozy qui n'a jamais annoncé qu'il reviendrait sur cette mesure.

De même c'est le gouvernement avec Sarkozy et Fillon qui a reporté la majoration des heures supplémentaires comprises entre 35 h et 39 h qui devait, par décision de la gauche, passer de 10% à 25% le 1er janvier 2005... Elle sont restées à 10% jusqu'au 1er janvier 2008 : 5 millions des salariés peuvent dire merci à Sarkozy-Fillon d'avoir continué a travailler plus en gagnant moins... Idem avec l'extension des forfaits jours, le rachat rendu possible à taux zéro des comptes « épargne-temps » et la déduction des temps de trajet professionnels du temps de travail effectif (loi Borloo de janvier 2005).

Mais au moins ces salariés verraient-ils leurs impôts diminuer ? C'est en tous les cas ce qu'affirme Sarkozy. Mais cela n'a rien à voir avec la réalité des propositions de Sarkozy et de l'Ump. Leurs priorités ne concernent pas les salariés puisqu'il s'agit de diminuer l'impôt sur les sociétés et l'impôt de solidarité sur la fortune (grâce au bouclier fiscal que Sarkozy veut porter à 50% du revenu et qui n'a qu'une seule véritable fonction : protéger ceux qui paient cet impôt).

Quand à l'impôt sur le revenu il suffit de constater à qui sa baisse a profité durant les gouvernements Raffarin et de Villepin (auxquels participait Sarkozy) pour comprendre que la très grande majorité des salariés ne sera pas concernée.

En 2002, 10% des contribuables avaient profité de la baisse moyenne de 5% ; en 2003, 4,5% des contribuables avaient profité de 56% de la baisse ; en 2004, 2,9% des contribuables avaient bénéficié de 45% de la baisse...

Non seulement Sarkozy ne proposent pas de revenir sur ces mesures, mais il propose d'aller encore plus loin.

Il est par contre un autre impôt que Sarkozy s'est bien donné garde de chiffrer mais qu'il veut soumettre au débat « sans a priori idéologique » : la « Tva sociale ». Chacun sait, en effet, que Sarkozy n'a pas d'a priori idéologique... La droite, les néo-libéraux ont depuis longtemps étudié la question et veulent porter le taux de Tva de 19,6% à 23 ou 25%. Une hausse de 5 points de la Tva pour un salarié gagnant 2 200 euros par mois et dépensant la presque totalité de son salaire mensuel, cela représente une hausse du coût de la vie d'environ 100 euros chaque mois !

La privatisation d'Edf-Gdf, souhaitée par Sarkozy, aura, elle aussi, de graves répercussions sur le pouvoir d'achat des salariés.

Dans tous les pays où le gaz et l'électricité ont été privatisés, les tarifs ont été multipliés par 2, 3 ou 4. Ce qui est logique puisque les actionnaires privés n'ont qu'une idée en tête : leurs dividendes. Les tarifs n'ont pas bougé en 2007 pour ne pas effrayer l'électeur. Mais si Sarkozy gagne, attention aux factures : chacun peut faire son calcul.

Si le prix du pétrole brut augmente : attention, là encore, à la facture à la pompe car la droite a supprimé la « flottaison » de la Taxe intérieure sur les produits pétroliers (Tipp) qui permettaient de diminuer cette taxe en proportion de l'augmentation du prix du brut. Et Sarkozy refuse d'y revenir.

Avec Sarkozy, la santé coûtera de plus en plus cher aux salariés.

Sarkozy et l'Ump proposent d'instaurer une franchise annuelle non remboursable de 50 à 100 euros sur les consommations de soin. Cela signifie que chaque année, les 50 ou 100 premiers euros que vous paierez à votre médecin ou votre pharmacien ne vous seront pas remboursés. Déjà que le forfait hospitalier a été élevé, que vous payez un euro par consultation, que nombre de médicaments ont été dé-remboursés...

La diminution du nombre de médicaments remboursés, l'augmentation du tarif des généralistes de 20 à 23 euros tout cela va dans le même sens.

Quant à la réforme de l'assurance maladie, elle est loin d'avoir produite tous ces effets les plus négatifs. Si Sarkozy l'emporte, il ne faudra pas attendre beaucoup pour voir toujours plus diminuer les soins remboursés par l'assurance obligatoire. En contre-partie, les tarifs des assurances complémentaires seront, en quelques années, multipliés par 1,5 ou 2. Là aussi, chacun peut faire son calcul.

Les salariés qui voudront faire grève pour compenser la baisse de leur pouvoir d'achat ne le pourront pas : les propositions de Sarkozy vident le droit de grève de son contenu et rendraient pratiquement impossible (comme au Royaume-Uni) le recours à ce droit qui ne serait plus qu'une coquille vide.

Le « contrat de travail unique » que Sarkozy veut imposer en s'inspirant du Cne rendrait d'ailleurs encore plus difficile toute revendication salariale. La généralisation du Cne signifierait, en effet, la précarité généralisée, la possibilité pour tout salarié d'être licencié sans motif et sans indemnité à n'importe quel moment.

Les salariés qui partiront en retraite seront frappés de plein fouet par la loi Fillon qui allongera d'au moins un trimestre par an (et sans doute de deux) la durée de cotisation nécessaire à l'obtention d'une retraite à taux plein à partir de 2009.

Quand on sait que la moyenne d'une carrière dans le secteur privé est de 37 ans, il n'est pas difficile de comprendre ce que le droit à la retraite à 60 ans signifiera pour nombre de salariés des retraites dont le montant sera en chute libre. Or Sarkozy ne propose pas d'abroger cette loi. N'était-il pas, d'ailleurs - même s'il essaie de se faire passer pour un homme neuf - membre du gouvernement Raffarin qui l'a soumise au Parlement !

L'accroissement du chômage produit par la politique de Sarkozy irait dans le même sens et pèserait encore plus lourd qu'aujourd'hui sur les salaires. La diminution du pouvoir d'achat salarial programmé par la droite alors qu'il faudrait relancer la consommation pour relancer la croissance, le non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, la volonté de faire travailler les salariés âgés aux dépens de tous les jeunes qui cherchent un travail : tout va dans le même sens, celui de l'augmentation du chômage.

Quant à la régression du service public programmée par la droite et Sarkozy, elle se traduira forcément par une montée des inégalités face à la santé, à l'éducation, aux transports, à la culture, à la poste, aux télécommunications... qui touchera en priorité ceux dont les revenus sont les moins élevés.

Voilà un « chiffrage » effectué d'un point de vue qui n'intéresse en rien Sarkozy ni ses « experts » des grands médias. Un chiffrage qui n'a rien a voir non plus avec les autres

« chiffrages » du candidat ridiculement « effondrés », « explosés en vol » ces jours derniers par ses propres amis Fillon, Méhaignerie, Lambert, etc.

Jean-Jacques Chavigné, 17 février 07, D&S


Le débat sur le site "Le grand soir" qui a aussi publié cet article

Commentaire :

Bonjour, Je ne cacherai pas mon accord et soutien à ce que vous développer ici, Monsieur, mais : Pourriez-vous reprendre votre démonstration point socio-économique par point socio-économique en nous expliquant ce que ferait votre candidate de la droite socialiste, en cas de victoire du PS ?

PS : un conseil pour faire "gagner la gauche à gauche" ; commencer par ramener le PS à gauche, ça vous évitera de vous faire traiter de suppôt de la droite (ou de substitut ou de faux gauchiste ou que sais-je encore) et, très accessoirement, de vous prendre des baffes comme en 2002... Bien cordialement, un électeur de gauche (pas "qui se croit à gauche")

Réponse de Jean-Jacques Chavigné :

Bonjour,

Je comprends vos interrogations. Cependant je crois qu'il faut prendre en compte deux éléments essentiels de la situation politique et sociale : le programme de chacun des candidats mais aussi les conséquences d'une victoire de Sarkozy ou de Ségolène Royal.

En cas de victoire de Sarkozy, le salariat sera démoralisé. Sarkozy profitera de cette démoralisation pour aussitôt vider le droit de grève de son contenu et avoir les mains libres pour imposer sa politique. Il n'est pas besoin d'être grand clerc pour comprendre que les quelques promesses qu'il avait faites passeront aux oubliettes mais qu'il appliquera tout son programme néo-libéral : santé, retraites, contrat de travail, TVA social, bouclier fiscal, généralisation du CNE... Car, s'il fait semblant, aujourd'hui, d'affirmer qu'il faudra "un débat sans a priori idéologique" sur l'instauration d'une TVA sociale, nous savons très bien quels sont ses a priori idéologiques et nous savons aussi qu'il ira aussi loin que possible dans le sens d'une politique néo-libérale qui serait une catastrophe pour le salariat.

Si Ségolène Royal l'emporte, la situation sera totalement différente, le mouvement social de 2003 et 2006 trouvera là un débouché politique à ses luttes. Le salariat aura le sentiment (à juste titre) d'avoir remporté une victoire contre la droite et le Medef. Le plus probable est que ce mouvement social aidera alors Ségolène Royal à tenir ses engagements et à aller beaucoup plus loin encore dans la réponse aux exigences du salariat. Les négociations prévues sur les salaires, les retraites seront, à chaque fois, la possiblité pour le mouvement social d'affirmer ses exigences.

Il n'est pas possible d'ignorer cette donnée qui me paraît élémentaire : ce sont deux camps sociaux qui s'affrontent. Il suffit, d'ailleurs, de constater comment les principaux médias font la promotion de Bayrou (qui a le même programme que Sarkozy, parfois pire comme sur les retraites) pour, justement, éviter cet affrontement.

Sur le programme maintenant. Point par point.

Concernant les heures supplémentaires. Le projet socialiste affirme "Nous relancerons la négociation sur le temps de travail pour étendre le bénéfice des 35 heures, avec création d'emplois, à tous les salariés. Si la négociation n'aboutit pas, la loi interviendra. Nous rétablirons par la loi les rémunérations des heures supplémentaires et les plafonds horaires comme ils l'étaient avant leur remise en cause par la droite". Pour "gagner plus", le projet socialiste, comme Ségolène Royal, ne proposent pas de "travailler plus" mais un Smic (brut) à 1 500 euros "le plus rapidement possible". Ils proposent "une conférence nationale sur les salaires, les revenus et la croissance réunissant les partenaires sociaux" dès juin 2007. Le but est de "tirer vers le haut tous les salaires". La perspective de ces augmentations est double : sociale mais aussi économique en relançant la croissance par la consommation.

Les impôts. le même projet affirme "Nous reviendrons sur les réductions d'impôts accordées depuis 2002 aux hauts revenus et nous supprimerons le bouclier fiscal". Le projet affirme également que "l'Etat pourra mettre en place la Taxe intérieure des Produits Pétroliers "flottante" afin de ne pas réduire le pouvoir d'achat des citoyens". Le projet préconise également "un prélèvement exceptionnel sur les super profits des compagnies pétrolières".

Concernant EDF-GDF, alors que Sarkozy veut privatiser ce service public et diminuer encore la part de l'Etat, le projet affirme :"Nous réintroduirons le contrôle public à 100 % d'EDF et GDF dont nous refusons la privatisions".

En matière de Santé, Ségolène propose d'assurer "le financement de l'hôpital public, de manière à lui permettre de faire face à toutes ses missions, en veillant à l'égalité territoriale d'accès aux soins". Exactement l'inverse de ce que la droite a mis en oeuvre avec le "Plan Hôpital 2007". Elle refuse l'instauration de la franchise de 50 ou 100 euros préconisée par l'UMP.

Alors que Sarkozy veut instaurer un "contrat de travail unique" s'inspirant du CNE, Ségolène Royal propose l' "abrogation du CNE" et que le CDI devienne la règle.

Le projet socialiste propose d' "abroger" la loi Fillon de 2003 sur les retraites. Il affirme que son remplacement fera l'objet d'une "large négociation" et que "la retraite à 60 ans doit demeurer un droit".

Non seulement Ségolène Royal ne veut pas remplacer "un fonctionnaire sur deux partant à la retraite" (ce qui concernerait au premier chef les enseignants et la santé) mais elle propose de donner à l'hôpital public les moyens de son fonctionnement et de renoncer au financement d'un 2° porte-avion en faveur de l'Education nationale.

Dans le débat interne au Parti Socialiste, j'avais défendu la candidature de Laurent Fabius dont les propositions me paraissaient être celles qui répondaient le plus aux attentes du salariat. Mais Ségolène Royal a gagné. Elle est aujourd'hui la candidate du seul parti de gauche qui peut l'emporter face à la droite. Il faut donc qu'elle gagne. Nous savons bien, en effet, qu'avec la gauche nous n'aurons peut-être pas tout ce que nous voulons, mais nous savons aussi qu'avec la droite nous aurons tout ce que nous ne voulons pas.

Cordialement,

JJC


Autre commentaire :

C'est bien d'être critique, mais vos informations sont fausses sur la TVA sociale. Elle s'accompagnerait en principe d'une baisse des charges et d'une hausse des salaires qui la rendraient neutre pour le pouvoir d'achat. JM

Réponse de Jean-Jacques Chavigné :

Bonjour,

Ce qui est déterminant dans votre commentaire, c'est le "en principe". En réalité, les néos-libéraux n'ont aucun principe si ce n'est celui de tout mettre en oeuvre pour maximiser les profits patronaux. Les seules cotisations sociales qui diminueraient seraient celles payées par les employeurs, quant à l'augmentation du salaire net, il est toujours possible de rêver et oublier que Sarkozy a fait partie d'un gouvernement qui pendant cinq ans s'est attaqué frontalement au salariat, son pouvoir d'achat, ses conditions de travail et de vie.

Chirac affirmait vouloir réduire la "fracture sociale".Le résultat n'est pas difficile à constater : asphyxie des régimes de retraites et de l'assurance-maladie, stagnation des salaires, CNE, CPE...

Sarkozy, lui, ne veut pas réduire la fracture, il veut la "rupture" c'est à dire un saut dans un libéralisme encore plus dur. Nous voilà prévenus.

Cordialement, JJC

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