Calculez votre retraite ! (en circulation sur le net)
Je me permets d'intervenir à nouveau sur la question des retraites.
Pas au sujet des chiffres des déficits, souvent cités, pas souvent
compris (ne serait-ce que parce qu'ils reposent sur des évaluations de
l'évolution démographique qui ne sont avancés qu'avec beaucoup de
prudence par l'INSEE, ou encore parce qu'ils ne tiennent pas compte de
l'évolution de la productivité dans les prochaines décennies, ou
encore
parce qu'ils se présentent le plus souvent sous forme de cumuls, de
façon à impressionner).
Pour que tout le monde comprenne bien, il faut prendre un exemple
concret. Je signale, à ce sujet, que tous les calculs diffusés par les
syndicats et les médias jusqu'au 8 mai sont FAUX, ne serait-ce que
parce que les "pénalités par année manquante" ont été DOUBLEES : -6%,
au lieu
de -3%.
Donc voilà un exemple banal. Je me propose de montrer que nos
retraites vont baisser de 50 à 60 % (et non pas de 20 à 30%, comme
annoncé un peu
partout).
Voici comment.
Un fonctionnaire, né en 1953. Il est donc aujourd'hui âgé de 50 ans.
Et il aura donc 60 ans en 2013. A cette date, il touchera, par
exemple, 2500 euros (brut) mensuel. Nous supposerons qu'il a commencé
sa carrière à 25 ans, cas majoritaire aujourd'hui chez les enseignants
(60%
d'entre eux prennent leur retraite sans atteindre les fameuses 37,5
annuités, et pourtant le plus souvent à 60 ans).
Nombre d'annuités prises en compte = 35 ans.
Ayant donc cotisé 35 ans, et si rien ne change, il pourra quitter sa
fonction à cette date, sur la base suivante : 2% par an X 35 = 70% de
son dernier salaire, soit 70% de 2500 euros = 1750 euros (soit 11500
francs environ, montant brut toujours). Fastoche.
Maintenant référons-nous au nouveau code des pensions (loi Fillon) :
En 2013, il faudra avoir cotisé, non pas 37,5 ans, ni même 40 ans,
mais 41 ans pour percevoir 75% de son salaire brut. Et encore, même
pas celui
du dernier mois, mais celui qui ressortira des 3 dernières années,
donc
les chiffres qui suivent sont surévalués. Mais bon. Allons-y.
Sa décision est prise : il partira à 60 ans. Quand même. Il a des
raisons, il a ses raisons.
CALCULS :
1°) Calcul du ratio : 75 / 41 = 1,83% (environ). Tel sera donc le
ratio à prendre en compte par année, au lieu des 2% actuels.
2°) Retraite de base : 35 ans X 1,83% = 64%, au lieu de 70%. Première
perte, donc : - 6%.
3°) Pénalités : il manque à notre fonctionnaire 41 - 35 = 6 ans de
cotisations. Chacune de ces années manquantes sera pénalisée au taux
de 6%, soit 6 ans X 6% = 36%. Mais la mansuétude du gouvernement est
telle
que la pénalité totale ne sera "que" de 30%. On se demande de quoi on
se
plaint.
4°) Nouveau calcul : 64% - 30% = 34% du salaire brut (sur la base des
3 dernières années, mais on ne va pas chipoter). Ce qui "donne", si
l'on peut dire : 2500 X 34% = 850 euros, soit 5584 francs environ.
4°) Mais ce montant peut se révéler inférieur à la pension minimum
dans la fonction publique. Il faut vérifier : la pension mini vaut 57%
de l'indice 227 pour 15 ans de service + 1,9% par an.
Le point d'indice vaut actuellement 4,37 euros. Donc l'indice 227
représente 227 X 4,37 = 992 euros.
Qu'en est-il pour notre fonctionnaire ? Il a accompli 35 ans de
service, soit 15 ans + 20 ans. Donc, pour lui, rien que pour lui, le
calcul va s'établir ainsi :
992 euros X (57 + (20 X 1,9%)), soit 95% de 992 euros, soit 942,40
euros, c'est-à-dire 6191 francs (montant brut, avant prélèvements
obligatoires, cotisations sociales et impôts). Il pourra toujours
pleurer, mais les kleenex ne seront pas fournis.
5°) Il ne lui reste à faire qu'un dernier calcul : si Messieurs
Raffarin, Fillon et consorts n'étaient pas intervenus dans l'intérêt
de tous, il aurait perçu 70% de son dernier salaire, soit 1750 euros
(=11500 francs environ). Mais grâce à tous ces gens très bons très
dévoués, il va maintenant devoir s'attendre à une pension limitée à
942
euros (=6191 francs environ), soit un taux de remplacement de : 992 /
2500 = 37,7%.
La baisse est donc de : 70 / 37,7 = - 53,86%, et cela chaque mois, et
chaque année, jusqu'à la fin de sa vie.
Chaque mois, il aura perdu : 1750 - 942 = 808 euros (5300 francs
environ). Chaque année, il aura perdu : 808 X 12 = 9696 euros (63702
francs environ).
S'il décède à 80 ans, il aura perdu : 9696 X (80 - 60) = 193.920
euros, soit environ 1.274.054 francs. Autant de sous qui auraient pu
aider ses
enfants à s'installer, autant d'argent qu'il n'aura pas pu utiliser
personnellement.
Heureusement pour lui, il n'a jamais eu le malheur d'être placé en
longue maladie pendant son activité professionnelle, et il n'a jamais
travaillé à mi-temps ou à temps partiel. Il n'a jamais non plus été
employé comme auxiliaire. Il n'aura pris aucun congé (disponibilité
pour convenances personnelles, pour l'éducation des enfants, etc.).
Mais devant la perspective d'une telle perte financière, il se demande
s'il va vraiment prendre sa retraite en 2013, ou s'il va plutôt
attendre sa 66e (ou 67e) année, en 2019 (ou 2020), mais comme un
nouvel allongement de la durée de cotisation est déjà programmé, il
risque alors de devoir travailler 43, voire 45 ans (soit jusqu'à 70
ans). Donc
il envisage : peut-être 63 ou 64 ans, en fonction des dispositions à
venir ? Quoi qu'il en soit, dans cette perspective, et faute de savoir
prédire l'avenir, il réduit dès à présent son "train de vie", ses
investissements, etc. Il n'a guère les moyens d'envisager des
"placements". Alors il se dit qu'il y a une manifestation contre la
loi
Fillon, dans la ville près de chez lui. Il se dit qu'il y a peut-être
encore une chance. Et il y va.
Et vous, vous ferez comment ?
Sans ironie aucune, je suis curieux de lire la réponse de certains...
Cordialement
PS (si j'ose dire) : bien entendu, si quelqu'un s'aperçoit que j'ai
fait une erreur, soit une erreur dans l'interprétation de la loi, soit
une erreur de calcul, je suis tout prêt à faire pénitence. Je rappelle
la page en bas de laquelle vous pourrez télécharger le document PDF
qui doit servir de base :
http://www.fonction-publique.retraites.gouv.fr/cps/Public/documents.