GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

International – Europe

Bientôt la séparation ?

Stephen Bouquin est professeur de sociologie à l’Université d’Evry, et, résidant la moitié du temps à Bruxelles, il est et actif au sein de l’aile gauche du parti socialiste flamand http://www.sparood.be.

D&s : Depuis les élections de juin dernier, gagnées en Flandre par le parti indépendantiste flamand « La Nouvelle Alliance flamande » (N-VA) de Bart De Wever et par le Parti Socialiste en Wallonie et à Bruxelles, la Belgique n’a pas de gouvernement. Comment une telle situation – difficilement imaginable en France – est-elle possible ?

Une telle situation n’est pas exceptionnelle. La Belgique l’a déjà connue à plusieurs reprises. Les gouvernements regroupent plusieurs partis et cette coalition rassemble des partis flamands et francophones, d’obédience idéologiques éloignés voire opposés. Jusqu’au début des années 1980, trois coalitions étaient possibles :socialistes/ démocrates chrétiens, démocrates-chrétiens/libéraux et libéraux /socialistes.

Pendant toute l’après-guerre, les démocrates-chrétiens ont été au pouvoir exception faite d’une coalition laïque à la fin des années 1950.

La question linguistique et communautaire s’est traduite par l’apparition de nouvelles formations politique, rendant les majorités moins confortables.

Au sud du pays, le parti socialiste a réintégré dans son giron le mouvement wallingant. A Bruxelles et dans sa périphérie, le FDF (1) pesait jusqu’à 20% des voix, mais il a fini par être satellisé par les libéraux francophones.

En Flandre, le parti flamingant Volksunie pesait jusqu’au 20% dans les 1970 mais il a choisi de jouer le jeu d’une réforme de l’État donnant plus d’autonomie aux régions. Toutefois, l’acceptation d’un compromis en 1977 (Accords d’Egmont) a laissé l’espace libre à une formation séparatiste d’extrême droite, le Vlaams Blok, devenu depuis lors le Vlaams Belang.

A partir de la fin des 1970, tous les partis encore structurés au niveau « national » ou belge se scindent en partis néerlandophones et francophones. Cette subdivision des familles a facilité une divergence en matière d’orientation politique. Plus tard, avec l’émergence des écologistes au cours des années 1980, le champ politique s’est encore davantage fragmenté. La formation des gouvernements de coalition est dès lors devenue bien plus ardue puisque six ou sept partis se retrouvent autour de la table. Pour éviter une politique de chantage (« je quitte la majorité et je provoque des élections anticipées »), l’exécutif fonctionne depuis la fin des années1980 avec des contrats de législature. L’attribution des postes ministériels se fait après la négociation d’un accord entre partis membres de la coalition qui stipule les mesures clefs et les orientations politiques majeures, de manière à lier chacun au respect de l’accord conclu. Lorsque la négociation perdure, le gouvernement précédent continue à œuvrer en « affaires courantes » avec des prérogatives limitées tandis que l’administration assure la continuité « étatique ». Ceci étant, la situation présente tend quand–même à glisser vers une crise de régime.

D&S : Quelle est actuellement la pierre d’achoppement dans la formation d’un gouvernement ?

Depuis les élections du 13 juin 2010, les francophones inclus dans les pourparlers en vue de former un gouvernement (verts, démo-chrétiens et socialistes) ont fait de réelles concessions, notamment sur la scission de l’arrondissement Bruxelles-Halle-Vilvoorde et sur le transfert de compétences fédérales vers les entités fédérées (allocations familiales). A cela, Bart De Wever, leader de la NVA, réagit avec une politique de surenchère. Ainsi, qui, au cours des négociations, la NVA a rajouté des exigences autour de la révision de la loi de financement et d’une régionalisation de la fiscalité. En effet, les impôts sont pour l’essentiel levés à l’échelle de la Belgique et une loi de financement établit depuis 1989 la part attribuée aux régions et aux communautés. Il est quasi impossible sinon très onéreux de répartir les impôts au pro rata des sommes récoltées en Flandre, à Bruxelles et en Wallonie. Comment faire lorsque vous avez 350 000 personnes qui font la navette de leur province flamande ou wallonne vers Bruxelles pour y travailler ? L’espace économique est devenu bien plus large que les territoires linguistiques…

En Flandre, la droite nationaliste désire pratiquer une politique de dumping fiscal sinon réduire la progressivité de l’impôt. Mais comme elle ne peut l’assumer ouvertement, elle cherche à introduire une sorte de responsabilisation des régions. L’idée est d’indexer les dotations venant de l’Etat fédéral sur l’efficacité d’une politique régionale, par exemple en matière d’insertion professionnelle ou de créations d’emplois. En réalité, la notion de responsabilisation masque le projet d’imposer un carcan d’austérité. On vous coupe les vivres si vous ne forcez pas les chômeurs à accepter n’importe quel job… Cela, le PS francophone le refuse et il sait pourquoi. Le PS ne peut donc accepter une régionalisation fiscale au risque d’être poussé à entrer dans un jeu de concurrence fiscale.

Mais une des raisons essentielles expliquant le blocage est lié au fait qu’il est impossible de réformer l’Etat et de mener en même temps une politique d’assainissement des comptes publics. En 2008, la Belgique a sauvé quatre grandes institutions bancaires et par conséquent, la dette publique avoisine de nouveau les 100% du PIB. Il faudrait réformer l’Etat en en même temps trouver 25 milliards en moins de 4 ans, alors que la croissance reste atone ? Cela me semble une gageure, surtout avec le PS en la NVA autour de la table, partis dont les orientations socio-économiques sont diamétralement opposées.

D&S : La Belgique va-t-elle vers une crise de régime ?

En 2007-2008, la formation du gouvernement a trébuché sur « BHV ». Cet acronyme renvoie à Bruxelles-Halle-Vilvorde, un arrondissement électoral et judiciaire à cheval sur la Région Bruxelloise et la Flandre. L’existence de cet arrondissement forme en quelque sorte une garantie pour les minorités francophones résidant en zone péri ou semi-urbaine flamande (je conseille au lecteur de consulter la carte pour comprendre). Cet arrondissement permet aux justiciables, habitant cet arrondissement, de recourir aux tribunaux de leur choix, donc aussi ceux de Bruxelles et il permet aux électeurs francophones de la périphérie de contribuer à élire (pour les assemblées fédérales) des députés candidats à Bruxelles. La scission de cet arrondissement est une vielle revendication flamande qui désire toujours préserver sur le plan linguistique le caractère homogène de son territoire. Remarquons que le nationalisme flamand considère que les « facilités » linguistiques accordés aux francophones des communes limitrophes de Bruxelles sont exceptionnelles et temporaires ; que ces francophones devraient à terme devenir bilingues sinon s’assimiler.

C’est au nom de cela qu’une politique de tracasseries administratives est pratiquée à l’égard des francophones habitant ces communes limitrophes à Bruxelles. Ceci a bien sûr pour effet d’alimenter en retour un nationalisme francophone. De leur côté, les Flamands justifient ces tracasseries en s’appuyant sur la nature néerlandophone du territoire et la nécessité d’y apprendre et de pratiquer le Néerlandais. En arrière fond, il y a aussi la peur d’être colonisé par les bourgeois francophones…

En 2007-2008, le gouvernement n’a pas pu se former parque sur cette question de la scission de BHV, il n’y avait pas d’accord possible entre partis du nord et su sud du pays. La question a été « encommissionnée » mais faute d’accord, la coalition s’est défaite en avril 2010, d’où les élections anticipées du 13 juin dernier.

A l’issue des élections, le palais royal – véritable acteur du système politico institutionnel – agissait en faveur d’une coalition où les deux principales forces se neutraliseraient réciproquement: la NVA se compromettrait au pouvoir faisant revenir ses électeurs vers la démocratie chrétienne, parti qui jouit toujours des faveurs de la bourgeoisie. En même temps, les socialistes francophones ne pourraient mettre en application une politique faisant payer la crise par le monde de la finance.

Pour les socialistes, il est envisageable de mettre des mesures d’austérité peu sociales sur le dos d’un rapport de force défavorable, d’une hégémonie nationaliste et libérale en Flandre et de justifier sa politique au nom du moindre mal. Ceci explique pourquoi le PS est ouvert au compromis… En revanche, pour la NVA, apparaître comme s’être fait rouler par le PS, ou accepter un compromis alambiquée comme ce pays en maîtrise l’art, c’est à peu près le baiser de la mort. Ce parti perdrait l’essentiel des suffrages obtenus auprès des démocrates-chrétiens. Bart De Wever le sait bien et c’est pourquoi il est rétif au compromis et applique une politique de surenchère permanente. Ceci nourrit une crise de régime où il n’y pas d’accord entre forces politiques sur la manière de continuer à réformer l’ Etat belge ni sur la coalition gouvernementale à former. Chacun campe sur ses positions et « joue la montre ». En même temps, la pression va augmenter, notamment parce que la Belgique risque de perdre sa notation en AAA sur les titres de la dette publique. Et là, on enter dans une situation totalement imprévisible qui peut avoir un impact au niveau européen.

D&S : Quel est le poids du nationalisme flamand ?

Aujourd’hui, il pèse lourd sur l’échiquier politique flamand. La NVA qui format un cartel avec les démocrates chrétiens a obtenu près de 30% des voix en Flandre. Lorsque l’on additionne cela aux suffrages émis en faveur de l’extrême droite du Vlaams Belang (12,6%) d’un côté, puis des libéraux (14%) et des chrétiens-démocrates (17,6), qui suivent de près la politique de surenchère de la NVA, on peut dire que près de 75% des voix en Flandre se sont portés sur des partis agissant en direction d’une plus grande autonomie (modèle confédéral) sinon d’une indépendance. En même temps, lorsqu’on pose la question dans les sondages d’opinion, aujourd’hui, après quatre mois de tentatives de former un gouvernement on constate qu’une seule une forte minorité se prononce en faveur de cette éventualité : seuls 18% sont favorables à une Flandre indépendante et 36% en faveur d’une plus grande autonomie 36% des sondés sont en faveur d’un état Fédéral avec moins de pouvoir centralisé. De l’autre côté, nous avons 17% voulant le statut quo (maintien de l’Etat fédéral), 5% pour un Etat fédéral avec davantage de pouvoir central et 16% en faveur d’une Belgique unitaire (statut quo ante). L’action politique des nationalistes flamands tend à polariser l’opinion publique, y compris en Flandre.

D&S : Comment analyses-tu la N-VA et le nationalisme flamand d’aujourd’hui ?

Le nationalisme flamand a retrouvé une nouvelle vigueur, inattendue pour beaucoup. En fait, ce nationalisme est analogue à celui de la Lega Norte en Italie. Il s’agit de se débarrasser du « poids mort » que serait la Wallonie et du monstre bureaucratique que serait Bruxelles. Ce nationalisme flamand considère que la Flandre prospère nourrit une Wallonie parasite, corrompue et de gauche. En même temps, ce nationalisme s’appuie sur la mémoire d’une question nationale réelle, d’une oppression culturelle et linguistique des flamands par une bourgeoisie francophone. J’insiste sur ce dernier point, l’oppression nationale flamande n’était pas tant le fait des Wallons que d’une bourgeoisie francophone résidant à Gand, Anvers, Hasselt ou Bruxelles.

Au 19ème siècle, les entrepreneurs du textile ou de la métallurgie, les armateurs du port d’Anvers, leurs assureurs et banquiers, étaient toujours francophones. Il a fallu attendre 1898 pour que le néerlandais fut mis sur le même pied que le français et il faudra encore attendre plus d’un demi siècle avant que l’usage du néerlandais soit reconnu à l’université, dans l’administration ou dans le monde de l’entreprise, du moins pour les postes à responsabilité. Monter dans l’ascenseur social exigeait la maîtrise du français et c’est aussi pour cette raison qu’une petite bourgeoisie flamande a fait de la reconnaissance du néerlandais son cheval de bataille. Elle voulait sa place au soleil …

Pour le mouvement ouvrier socialiste du 19ème et du 20ème siècle, la question nationale était secondaire par rapport à la conquête du pouvoir et la transformation de la société. En Flandre, cela a laissé la voie libre aux courants réactionnaires, souvent influencés par l’idéologie raciste et fasciste. Mais aujourd’hui, disons depuis les années 1970, le combat d’émancipation culturel n’a plus beaucoup de raison d’être. Toutefois, cette émancipation s’est faite en déviant la question nationale vers une question « communautaire », en vérité linguistique. Enseignement, le monde professionnel, judiciaire et politique sont homogènes en fonction d’une frontière linguistique établie en 1962 et modifiée à la marge depuis lors. Par conséquent, la Flandre est néerlandophone, la Wallonie francophone (et germanophone pour deux cantons limitrophes à l’Allemagne) et la Région Bruxelles Capitale est bilingue.

D&S : Quels sont les objectifs du mouvement nationaliste flamand et de la NVA en particulier ?

Le nationalisme flamand poursuit un objectif séparatiste qui accepte de passer par une phase intermédiaire de type confédérale. Le N-VA ne s’en cache pas d’ailleurs. Mais les mobiles ne sont plus tant culturels ni démocratiques (souveraineté nationale flamande). Il s’agit surtout de se débarrasser ce qui représente en Flandre un obstacle à l’établissement d’un ordre social libéral, « favorable aux investissements ». Les théoriciens de la N-VA s’inspirent des thèses de Alberto Alesina en Enrico Spolaore (The Size of Nations, 2003) selon lesquels les petits pays sont plus compétitifs, même si, avec la crise financière, on voit combien c’est faux. L’Islande, les pays Baltes ou encore l’Irlande, le « tigre celtique » ont été durement frappés par la déroute du capitalisme financier. Il n’y a guère que l’Italie du Nord comme exemple, sachant que celui-ci s’appuie encore sur le Mezzogiorno, et qu’il dispose de filières d’activité portée par des marques et des technologies en pointe dans leur domaine. La mythologie d’une Flandre qui réussira mieux à elle seule permet de viser un Etat social trop « généreux ». En effet, la Belgique est un dernier pays de l’UE a avoir maintenu une indexation automatique des salaires, à n’avoir pas limité dans le temps les allocations de chômage.

D&S : Qu’adviendrait-il de Bruxelles si le scénario d'une séparation se précisait ?

Bruxelles est une enclave francophone et internationale située en territoire flamand. Il s’agit d’une Région dotée d’une assemblée élue et d’un gouvernement et qui protège particulièrement bien sa minorité néerlandophone. Ceux-ci ne seraient plus très nombreux : 5% au sens strict et 15% si l’on compte aussi les bruxellois bilingues, ou les ménages de composition mixte. Dans le cas d’un scénario de séparation, Bruxelles glisserait vers la Wallonie et formerait une entité commune. Ceci pose un léger souci à la Flandre qui a décidé d’en faire sa capitale régionale … Le choix entre Anvers et Gand, vieilles villes rivales, était trop difficile et la volonté de ne pas « lâcher » Brussel était trop forte. Une séparation aura donc des conséquences sur le plus symbolique aussi… Une autre éventualité serait de faire de Bruxelles une sorte de Washington DC de l’Europe, mais cela ne règle pas le sort d’une population locale reléguée dans la pauvreté (15%) et le chômage (20% de la population active).

D&S : Quelle est l’attitude du PS, tant néerlandophone que francophone ?

Le Socialistische Partij Anders (SPA ou parti socialiste autrement) est ambigu sur la question communautaire. D’une part, il s’est beaucoup plus orienté vers le centre droit que son homologue francophone. Ces dernières années, je crois que la direction a tenté au moins à quatre reprises d’effacer l’adjectif socialiste de son appellation… D’autre part, le SPA a également absorbé un courant progressiste du nationalisme flamand, et il gouverne d’ores et déjà avec la NVA au niveau régional flamand. Il a voté à la fin des années 1999 des résolutions qui ouvrent la voie au modèle confédéral avec une réduction de la protection sociale fédérale voire des compétences fiscales régionales.

Les socialistes flamands résistent d’autant plus mal à ce nationalisme flamand qu’ils ont mauvaise conscience sur l’orientation passée, relativement autiste à l’égard de la question nationale. En même temps, une bonne partie des cadres et de la base demeure attachée à l’Etat social, constituée à l’échelle de la Belgique. Ce courant d’opinion pèse dans le parti et il est allergique à l’égard d’un nationalisme flamand qui s’est compromis dans une collaboration active avec l’occupant nazi. Précisions aussi que la social-démocratie en Flandre reste une force politique d’appoint, et se révèle depuis plus de trente ans incapable de gagner ne serait-ce qu’un tiers de l’électorat. Elle a perdue une large part de son audience populaire, ouvrière, qui s’est détournée vers l’extrême droite ou le populisme nationaliste.

Le PS francophone n’est pas opposé à un transfert de pouvoir vers les régions mais désire en même temps préserver un cadre institutionnel solide au niveau fédéral, notamment au niveau de la protection sociale.

Le PS est hégémonique en Wallonie ; il a su garder un ancrage populaire considérable en se positionnant comme bouclier politique du monde du travail, garant d’un maintien d’un État social, non pas à partir de sa politique gouvernementale mais en s’appuyant sur le cadre institutionnel et son insertion dans l’appareil d’État. La droite francophone veut bien démanteler l’État social mais veut en même temps sanctuariser une présence francophones en territoire flamand. Le compromis est donc difficile... Ceci explique pourquoi cela n’avance pas et pourquoi la situation tend vers la paralysie. En même temps, cette paralysie donne lieu à un renforcement dans du PS comme de la N-VA mais pas forcément à des tensions sociales palpables en rue, dans les quartiers voire à l’école (lorsqu’elle est fréquentée par un public mixte sur un plan linguistique) ou au travail.

D&S : Selon toi, quelle devrait être l’orientation de la gauche en Belgique ?

Certains disent que les priorités sont ailleurs. Il est vrai que la résolution de la crise sociale est urgentissime. Il est vrai que la crise économique est loin d’être terminée et qu’il faudrait agir pour élargir le financement de l’Etat social, notamment par une vaste réforme de justice fiscale. Cela étant, toute offensive syndicale ou politique de ce type butte sur la géographie politique asymétrique du pays et sur le fait que la droite se sert de la question communautaire et linguistique pour diviser le mouvement ouvrier.

Tant que la question nationale n’est pas résolue, le clivage gauche-droite sera moins visible en Flandre et l’opposition capital-travail y sera en partie déviée. Cela laisse donc les coudées franches au libéral-nationalisme. En même temps, le modèle confédéral défendu par la NVA signifie l’arrêt de mort de l’État social. On ne peut donc s’inscrire dans cette perspective. C’est pourquoi il faut à la fois agir en faveur d’un maintien de l’État social à l’échelle de la Belgique tout en réformant les structures de cet État afin d’approfondir la souveraineté démocratique et populaire. Certaines questions doivent redevenir fédérales, je pense notamment à la réglementation environnementale – le cours des rivières ne s’arrête pas à la frontière linguistique et la pollution non plus…

D’autres questions doivent rester ou pourraient relever de compétences régionales ou locales. Il faudrait en faire l’inventaire, en dehors de tout climat de surenchère. C’est plus facile à dire qu’à faire, j’en conviens. Mais la gauche devrait être, de commun accord, par-delà la frontière linguistique, porteuse d’un projet de fédéralisme démocratique et social.

Et puis enfin et surtout, il faudrait intégrer ces réformes institutionnelles dans une perspective de changement systémique. En effet, à quoi sert-il de réformer l’Etat si l’on vit toujours dans une monarchie qui confère un véritable au Roi un pouvoir à l’écart du suffrage universel ? Et pourquoi réformer l’Etat si c’est pour continuer à subir la loi des marchés financiers ou des grands groupes capitalistes … Sur ce plan, la régulation ne suffira pas, il faudra des réformes de structure incluant la nationalisation du crédit et l’interdiction d’une spéculation débridée.

Face à la crise de régime rampante, le mouvement syndical et la gauche ferait bien d’adopter une attitude plus offensive en défendant une perspective de démocratisation radicale de l’État à partir de l’idée d’une république sociale par exemple. D’une certaine manière, si nous cherchons tous à construire une autre Europe, véritablement démocratique et sociale, c’est bien la preuve que nous pensons qu’il est nécessaire de bâtir un cadre institutionnel qui dépasse l’ordre actuel des choses. Fondamentalement, ce que connaît la Belgique n’est pas étranger à ce qui se passe partout ailleurs en Europe. Les États ont sauvé les banques mais ne protègent pas les citoyens des méfaits de la crise… Au contraire, c’est le salariat et les catégories moyennes à qui l’on présente la facture. En Belgique comme ailleurs, cela pose la question de quel Etat pour quel ordre économique et social.

Propos recueillis le 10 octobre 2010 par Jean-Jacques Chavigné

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(1): FDF Front des Francophones, parti politique Bruxellois ayant formé un cartel avec les libéraux de Wallonie et de Bruxelles. (retour)

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