Benoît Hamon répond à D&S
Démocratie Socialisme : “Game is over” as tu
déclaré au terme du dernier CN du Parti
socialiste, signifiant qu’il fallait tirer la conclusion
du congrès de Reims et travailler.
Comment, toi qui y participe centralement, ça se
passe dans la nouvelle direction ? Quels sont les
points forts, positifs, et quelles sont les principales
difficultés à surmonter ?
Benoît Hamon :Je pense que ce congrès a agi
comme une catharsis. Pour la première fois
depuis près de 15 ans notre parti a changé de
majorité. Alors oui pendant deux mois nous
avons montré aux Français une image de nous
qui n’était pas belle, mais il faut maintenant
tourner la page et mettre en oeuvre les orientations
choisies par les militants socialistes : nous
opposer résolument à la droite et retrouver un
temps d’avance pour préparer notre retour au
pouvoir en 2012.
Nous dirigeons le parti socialiste dans un
contexte ou concrètement les choses vont de
plus en plus mal en France.
Pourtant, petit à petit les socialistes redeviennent
audibles et nous nous remettons collectivement
au travail. Le travail de nos groupes
parlementaire porte de nouveau ses fruits. Qu’il
s’agisse de la bataille contre le travail le
dimanche, de notre opposition à la loi sur l’audiovisuel
public ou de la défense du rôle du parlement,
les Français voient de nouveaux des
socialistes combatifs et pugnaces.
Sur le terrain social également le parti socialiste
a retrouvé de la voix. Notre présence dans les
manifestations contre la privatisation de la
poste, contre la casse de l’hôpital public, contre
la baisse intolérable des moyens dans l’éducation
nationale et aux cotés des salariés qui sont
les premières victimes de la crise économique
montre que les choses changent au PS.
Alors bien sur, il s’exerce des résistances aux
changements. Pour certains, tourner la page du
congrès ce devrait être « tout recommencer
comme avant ». La crédibilité tient à l’audace et
au volontarisme de nos solutions et pas à l’expression
du moins disant politique.
Nous devons donc être vigilants et exigeants.
C’est à cela que je m’emploie au quotidien au
sein de la direction avec tous les nouveaux
secrétaires nationaux issus de notre motion.
D&S : Une des premières déclarations de toi,
qui a marqué, en tant que nouveau porte parole,
c’est l’affirmation qu’il faut un contrôle sur les
licenciements, qu’on ne peut laisser les entreprises
bénéficiaires licencier de façon abusive,
pour convenance boursière. Peux tu nous en
dire plus?
B H : Face aux gesticulations médiatiques du
président de la république, les socialistes doivent
prendre des initiatives et alimenter le débat
public. Nous devons dire ce que nous ferions si
nous étions, nous, en responsabilité. En disant
que j’étais favorable à une forme de contrôle de
la puissance publique sur les licenciements, j’ai
pris une initiative politique qui a permis aux
socialistes d’être au coeur débat public. C’est
l’une des propositions qui a suscité la plus vive
opposition du gouvernement. Pour moi c’est
bon signe. Cela montre que nous pouvons bousculer
la droite.
Nous nous apprêtons à présenter notre contre
plan de relance. Je souhaite pour ma part que
cette question du contrôle public des licenciements
soit au coeur de nos propositions.
Il faut que le PS se prononce en faveur d’un
mécanisme de pénalité financière qui dissuade
une entreprise qui réalise des bénéfices de
mettre en oeuvre un plan social.
Bien entendu, cette réflexion doit être menée en
lien avec les organisations syndicales, c’est la
raison pour laquelle, dès notre arrivée à la direction
du parti, nous avons rencontré l’ensemble
des directions syndicales pour aborder les
grands sujets sociaux, dont l’emploi.
D&S : La politique de Sarkozy est oppressante
par sa violence anti sociale permanente.
Comment tu ressens et apprécies le climat social
à la veille de ce 29 janvier ou, pour la première
fois, les 8 syndicats unis appellent à la fois a la
grève et a manifester, pour des revendications
salariales et pour l’emploi ?
B H : La France est une poudrière. La politique
de Nicolas Sarkozy depuis son arrivé à l’Elysée
consiste à dresser les Français les uns contre les
autres et à désigner des « nouvelles classes dangereuses
». Les uns après les autres, ce sont les
salariés, les jeunes, les retraités, les malades, les
artistes, les fonctionnaires, qui ont été stigmatisés
par le Président de la République.
Nicolas Sarkozy s’emploie méthodiquement à
remettre en cause tous les contre-pouvoirs.
Aucun domaine n’est épargné : Il s’attaque aux
contre-pouvoirs politique, avec la remise en
cause des droits de l’opposition, aux contre pouvoirs
sociaux, avec la mise en place du service
minimum et la criminalisation de militants syndicaux
voire de simples manifestants. Aux
contre-pouvoirs médiatiques, avec la loi sur
l’audiovisuel public et le rachat par des proches
de grands journaux. Enfin, il affaiblit dernièrement
le pouvoir Judiciaire, en supprimant le
juge d’instruction.
Dans toutes les mobilisations auxquelles je participe
les gens en ont ras le bol. Ils se sentent
méprisés et atteints dans leurs droits les plus
profonds.
Je souhaite que le 29 janvier soit un temps social
fort. Le fait que les syndicats soient unis est un
signe qui ne trompe pas et qui je l’espère interpellera
la gauche politique.
A leur niveau, je souhaite que les socialistes se
donnent les moyens de relayer dans la rue et
dans l’opinion cette exaspération et de participer
ainsi au succès de cette mobilisation.
Le gouvernement et le Président de la
République prendraient un risque majeur à ne
pas entendre ce malaise social. Jusqu’ici le gouvernement
a jonglé avec des mouvements
sociaux successifs. Aujourd’hui ce sont toutes
les catégories qui vont mal en même temps. Il
n’y a pas de réponse sérieuse à cette crise sans
solution à la compression des revenus salariaux,
constatée dans notre pays depuis 20 ans.
D&S : 2009 est aussi année électorale en
Europe : à l’heure de la crise financière sans
précédent du capitalisme, de ses ravages économiques
et sociaux, quel type d’Europe faut-il
que nos listes socialistes défende ?
B H : La crise que nous vivons, qui s’est étendue
de la sphère financière vers l’économie réelle,
montre assez les limites du capitalisme et du
néo-libéralisme tant au niveau national, qu’au
niveau européen. De ce point de vue, la présidence
française de l’Union se termine sur un
constat d’échec. Aucune politique concertée au
niveau européen n’a permis de limiter les effets
sociaux de la crise. Les citoyens de l’Union
voient leur pouvoir d’achat dramatiquement
réduit. Alors qu’une réponse forte et coordonnée
au niveau européen, notamment la baisse de la
TVA, aurait permis de réduire les effets immédiats
et dans la durée de la crise financière, les
gouvernements de droite de la majorité des états
membres ont fait une nouvelle fois la preuve de
dogmatisme.
Là ou Barack Obama annonce un plan de relance
de prêt de 1000 milliards de dollars avec des
mesures ciblés pour les salariés, là où la Chine
va injecter 560 milliards de dollars, la Russie
120 milliards de dollars, les réponses apportées
en ordre dispersé, sont très en deça de la masse
critique nécessaire pour relancer l’économie
européenne.
Pour les socialistes, il est clair que Union
Européenne conçue exclusivement comme
l’instrument d’une libéralisation du marché intérieur,
a vécu.
Nos listes devront défendre une nouvelle fois
l’émergence d’une Europe sociale
Cela passera par un important effort d’encadrement
et de régulation du marché et des échanges
commerciaux et un véritable contrôle politique
sur les grandes institutions économiques
(Banque Centrale Européenne, ...). Et au-delà,
par la poursuite ou la mise en œuvre de chantiers
essentiels, tels que la promotion du service
public par le biais d’une directive-cadre, la mise
en place d’un salaire minimum européen, l’harmonisation
fiscale ou encore la réduction du
temps de travail pour ne citer que quelques
exemples importants.