GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

International – Europe

Barack Obama, un médiateur (enfin) honnête dans le conflit israélo-palestinien ?

Barack Obama nous surprendra-t-il sur le terrain miné du conflit israélo-palestinien ? Parmi les présidents étatsuniens, sera-t-il le premier honest broker entre les deux parties ? Reconnaîtra-t-il l’infini déséquilibre des forces en présence ? : d’un côté, Israël est une puissance nucléaire et coloniale (le « flic des États-Unis au Proche-Orient », comme le souligne Noam Chomsky) ; de l’autre l’« Autorité » palestinienne de Mahmoud Abbas est une entité sans pouvoir, dont la ligne de compromis mou avec Israël n’a amené que revers et déboires à un peuple déjà meurtri par les interventions militaires israéliennes et le blocus de Gaza.

Pourtant, rien ne devrait inciter à l’optimisme. Depuis la présidence Clinton, les États-Unis n’ont rien fait pour contrarier le fait colonial des Israéliens, se contentant de le condamner de manière purement formelle. George W. Bush donna même son appui à l’entreprise coloniale peu avant son départ de la Maison blanche sans que cela ne suscite d’émotion particulière.

Depuis le refus par Yasser Arafat du « deal en or » concocté par Bill Clinton à Camp David en juillet 2000, les Etats-Unis n’essayent même plus de maquiller leur parti-pris pro-israélien. Ce « deal en or » prévoyait de reconnaître l’annexion d’une partie des terres occupées par Israël depuis 1967 ; il entérinait la mainmise israélienne sur la partie arabe de Jérusalem ou encore il apportait une fin de non recevoir au droit au retour des Palestiniens expulsés en 1948 et en 1967. Qu’Arafat ait dû porter seul la responsabilité de l’échec de Camp David qui « ruina » la présidence Clinton (avant que Monica Lewinsky ne vienne définitivement l’achever), montre bien de quel côté penche la machine médiatico-diplomatique aux États-Unis.

Lors de la première année de sa présidence, Obama n’a rien fait pour dissiper l’image très partisane de son pays sur ce dossier. Aux prises avec Benyamin Nétanyahou, un homme de la droite extrême et hostile à l’arrêt de la colonisation, Obama a peiné à se démarquer de ses prédécesseurs. Il a quand même bien compris que l’arrêt inconditionnel de la colonisation est le préalable à toute reprise des négociations.

Pourtant, Barack Obama est allé d’échecs en échecs, humilié par la politique jusqu’au-boutiste du premier ministre israélien jusqu’à la semaine passée. A cette occasion, Nétanyahou a essuyé un premier refus : Obama a demandé l’arrêt de la construction de logements dans la partie arabe de Jérusalem. Le premier ministre israélien a estimé qu’il s’agissait d’une exigence « irraisonnable » et « illogique ».

L’administration étatsunienne a, fait inhabituel, rendu public son désaccord. Un porte-parole de la Maison blanche n’a pas hésité à parler de « profondes divergences de vue » entre les deux hommes. Quand Nétanyahou a déclaré que c’était à ses yeux la même chose de construire des maisons à Tel Aviv et à Jérusalem, Obama lui a répondu qu’il n’était pas d’accord. La teneur de cet entretien privé a filtré en direction des médias étatsuniens (caricaturalement favorables aux positions israéliennes), ce qui marque un changement de stratégie au sein de l’administration Obama.

Ce contrepied médiatique a plongé Israël dans l’embarras et a paru suffisamment sérieux pour que le lobby pro-Israël mène une contre-offensive de grande ampleur par l’entremise de l’American Israel Public Affairs Committee (AIPAC). Il s’agit en la matière d’une institution de masse dont l’objectif est de faire adopter au Congrès les « politiques et décisions les plus favorables à Israël ». Une majorité d’élus au Sénat et à la Chambre des représentants est membre de cette organisation. Les universitaires John Mearsheimer et Stephen Walt ont souligné le rôle influent d’AIPAC dans l’élaboration de choix politico-militaires des États-Unis, le présentant comme le « bras armé » du gouvernement israélien au Congrès (The Israel Lobby and US Foreign Policy, 2007). AIPAC a déclaré que les « trois quarts » des membres du Congrès avait signé sa lettre ouverte exigeant la « fin des critiques » à l’égard d’Israël, car ce type de querelles doit être réglé en « tête-à-tête en non sur la place publique ». AIPAC a préconisé un resserrement des liens entre l’administration étatsunienne et le gouvernement israélien.

Les campagnes d’intimidation contre les critiques de la politique israélienne sont redoutables et redoutées. La vigueur des attaques fait très souvent rentrer dans le rang les rares éléments récalcitrants. Ici, la contre-offensive n’a pas semblé perturber l’administration Obama. Robert Malley, l’ex-bras droit du président Clinton pour les affaires israélo-arabes, a confié que cette confrontation était « délibérée » du côté du gouvernement fédéral. Davantage, elle serait la preuve de la « détermination » d’Obama sur la question.

L’avenir nous dira si l’infime espoir suscité par l’opposition obamesque était illusoire ou pas. Il apparaît pourtant difficile à Obama de rebrousser chemin car il perdrait la face et toute crédibilité pour le plus grand malheur des Palestiniens. Le président étatsunien aurait d’autant plus tort de relâcher son effort que le fait colonial israélien est en passe de devenir impopulaire au Capitole. On y estime que l’extrémisme de Nétanyahou met en danger la vie des soldats étatsuniens en Irak et en Afghanistan.

Si l’administration Obama parvient à convaincre l’opinion publique que l’arrêt de la colonisation israélienne est dans l’intérêt des États-Unis, alors peut-être sera-t-il possible d’envisager à moyen terme le retour à une vraie solution négociée. Mais nous n’en sommes pas encore là.

Philippe Marlière

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