Au dépot RATP de Fontenay aux Roses
Dépôt de bus RATP Fontenay aux Roses:
4h30 jeudi matin, une trentaine de
grévistes au piquet, + 4 instits et profs. Ca monte progressivement
jusqu'à
une centaine à 6h30, heure à laquelle les policiers (une cinquantaine)
arrivent. 38% de grévistes (25% la veille).
Palabres, discussions avec le
commissaire, avec le directeur, ça traîne. 7h les grévistes obtiennent du
directeur de faire l'AG de grève avant l'évacuation (bon enfant comme la
veille où l'évacuation avait eu lieu vers 13h, croit-on).
7h10 : les
policiers poussent en disant que le directeur a demandé d'évacuer sur le
champ. Les gars sont ulcérés de s'être fait piéger. Ils s'arc-boutent
pour
résister à la poussée. Deux ou trois flics (jeunes) se mettent à cogner.
Bousculade violente (il y a des baraques pas commodes parmi les RATP).
Pendant quelques secondes, j'ai cru que c'était parti... Pas certain que
les flics restent maîtres du terrain car ils n'ont ni l'avantage numérique
ni, souvent, celui de la stature. Quelques machinistes interviennent pour
calmer leurs copains déchaînés tandis que le commissaire engueule
vertement
ceux de ses hommes qui ont cogné.
Le directeur est couvert d'injures :
lâche (en une langue, ma foi, souvent plus verte), incompétent, "Je ne
t'adresse plus la parole", "il est impossible d'avoir le moindre respect
pour vous". Il est livide. Tension très vive. Un responsable CGT (qui a
été
foutu par terre dans la bousculade) traverse le rideau de flics, revient
avec un escabeau, grimpe dessus et démarre l'AG sous le regard des non
grévistes qui écoutent sur le côté. Les flics et le directeur laissent
faire. Prises de parole, ambiance électrique. Les non grévistes sont
interpellés : "Vous allez laisser faire ça ?". Un grévistes, venu avec sa
fille lycéenne, dit, les larmes aux yeux que c'est pour ses enfants qu'il
se bagarre. Il craque. Une autre pleure aussi, soutenue par un copain.
Fin
de l'AG, il est 8 h 15. Les flics avancent, le piquet s'écarte, une
vingtaine de bus sort sous les quolibets : Collabo ! T'as fait des mômes
parce que tu ne pouvais avoir de chien. T'as pas de cervelle et pas de
couilles !
Résultat : 72% de grévistes alors qu'ils n'étaient que 38% le
matin !
Vendredi 6 juin.
Piquet à 4h30, comme d'hab. Une trentaine à l'heure, les autres arrivent
progressivement. 150 vers 6h30. Le directeur du centre va de groupe en
groupe, assurant qu'il n'y aurait pas d'intervention de la police, que
l'AG
pourrait avoir lieu normalement mais qu'il aimerait bien qu'ensuite, il
n'y
ait pas de blocage du dépôt.
6h30, arrivée du commissaire de police. Quelques minutes après, les
martiens débarquent : les gendarmes mobiles, cuirassés, encoquillés,
casqués, vitrifiés, boucliers, matraques, lance-patates, flash-ball. Pas
de
discussion, manoeuvre enveloppante, ils passent derrière les grévistes et
commencent à pousser brutalement, on résiste en se laissant pousser,
quelques coups sournois partent, des grévistes s'énervent, balancent
d'inefficaces moulinets à mains nues contre les forteresses rampantes qui
répliquent à coups de matraques. Certains pleurent de rage : "On n'est pas
de voyous", "fascistes", "t'as pas honte". On se retrouve parqués sur une
moitié de cour, les issues fermées par un cordon de mobiles...
Prisonniers
! Les grévistes interpellent ceux qui étaient prêts à travailler, un se
décide, un autre, un troisième, les trois dizaines de machinistes en tenue
RATP franchissent la ligne des martiens sous les congratulations des
grévistes.
Le rideau de fer du hangar où sont parqués les bus s'abaisse : le
directeur, très secoué, vient de décider qu'aucune voiture ne sortirait
aujourd'hui, quand bien même il y aurait des machinistes non-grévistes. Il
n'avait pas été informé de l'évacuation de son dépôt, décision prise, la
veille, dans le secret, par le Préfet. Il s'agit, à l'évidence, d'une
décision politique prise à un haut niveau pour tenter de briser le
mouvement. C'est un échec : une AG survoltée. C'est une véritable leçon de
chose que donne à tous le gouvernement : des projets qui laminent ce qui
reste de législation sociale dans ce pays. Tu bosses, tu payes et tu te
tais. Et si tu l'ouvres, les képis casqués.
La leçon a été entendue : 100%
de grévistes.