GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur Actions & Campagnes politiques

Assurance maladie : Ni privatisation, ni étatisation mais démocratie sociale

Le Medef et de son bras armé, le gouvernement de droite ont décidé de saper l'un des piliers fondamentaux de notre société : la Sécurité sociale.

De la même façon qu'ils ont « sauvé » les retraites, ils veulent maintenant « sauver » une autre branche essentielle de lé Sécurité sociale : l'assurance maladie. Ils veulent « sauver » l'assurance maladie en s'attaquant à son principe fondateur : la solidarité, le refus de sélectionner les assurés en fonction de leur état de santé, le refus de moduler les cotisations en fonction de l'âge.

La droite et le Medef poursuivent les deux mêmes objectifs que lors de leur réforme des retraites :

Ils visent, tout d'abord, à ne pas augmenter et si possible à diminuer les cotisations sociales versées par les entreprises.

Ils visent, ensuite, par voie de conséquence, à faire une large place aux assurances privées. De la même façon que le recul des retraites par répartition laisse aujourd'hui une place déterminante aux fonds de pension.

Avec l'assurance maladie, la droite et le Medef poursuivent un troisième objectif : permettre au secteur privé d'investir le champ de l'hôpital public. La tarification à la pathologie, la mise en concurrence de l'hôpital public et des cliniques privées, la suppression de la carte sanitaire sont les outils de ce démantèlement du service public hospitalier mis en œuvre par le plan hôpital 2007.

Tout le restant n'est qu'habillage pour rendre leur réforme présentable.

Ces remises en cause des retraites par répartition, de l'assurance-maladie solidaire nous sont, à chaque fois, présentées comme une réponse spécifique à un problème spécifique : la « fatalité démographique » dans le cas des retraites ; le déficit « abyssal » dans le cas de l'assurance-maladie.

En réalité, ces attaques font partie d'un plan d'ensemble du Medef, de la droite pour en finir avec l'ensemble des conquêtes sociales depuis 1945, pour nous faire entrer dans une société d'une toute autre nature que celle dans laquelle nous vivons. Une société proche de celle des Usa ou du Royaume-Uni.

Car les retraites et l'assurance-maladie ne sont pas seules à être dans la ligne de mire. Le gouvernement de droite remet en cause l'ordre public social, diminue de façon drastique l'allocation des chômeurs qui ont épuisé leurs droits à l'Unedic et, en instaurant le Rma, permet au patronat de faire travailler un salarié 20 heures par semaine sans que cela lui coûte plus de 130 € par mois. La « délocalisation sur place » en quelque sorte. Le rapport de Virville constituerait, enfin, s'il était mis en œuvre, un séisme dévastateur pour le salariat de notre pays.


Un déficit dramatisé

En 2003, le déficit de l'assurance maladie était de 10, 6 milliards d'euros. Celui du budget de l'Etat était de 57 milliards d'euros. Le deuxième déficit est nettement plus « abyssal » que le premier mais fait l'objet de moins d'alarmes

Ce déficit de l'assurance maladie est utilisé comme le prétexte, l'alibi providentiel pour une ‘réforme » libérale de l'assurance maladie.

Pour s'en convaincre, il suffit de constater la façon dont le ministre des affaires sociales a joué la politique du pire et chargé la barque en augmentant les tarifs des consultations des médecins généralistes et des médecins spécialistes. Alors que, dans le même temps, il se refusait à toute augmentation, autre que marginale, des ressources de l'assurance maladie.

Ce déficit est un prétexte car il avait suffi de quelques années de croissance à plus de 2 % pour que les déficits de l'assurance maladie soient ramenés à 0,7 milliards d'euros en 1999, 1,6 milliards en 2000 et 2,1 milliards en 2001. L'équivalent, dans le pire des cas, du montant des exonérations de cotisations sociales patronales non compensées par l'Etat.

Il faut souligner également, qu'au cours de ces trois années, le solde global des comptes du régime général de la Sécurité sociale (retraites, assurance maladie, accidents du travail, famille) était excédentaire. Le « péril en la demeure » est donc largement suscité.

En réalité, les causes du déficit actuel de l'assurance maladie sont parfaitement identifiables et relèvent d'autres remèdes que ceux de la droite.

La cause la plus fondamentale réside dans l'évolution du partage de la richesse nationale.

Au début des années 1980, la part des salaires directs et indirects (les cotisations sociales) dans le partage des richesses créées dans les entreprises s'élevait à 69 %. Elle n'était plus que de 60 % au milieu des années 1990.

9 points de la richesse créée par les entreprises perdus par les salaires et gagnés par les profits, cela représente plus de 100 milliards d'euros chaque année. De quoi financer l'assurance maladie sans problème pendant 40 ans !

Sans omettre de rappeler que nous avons crée la sécurité sociale quand la France était en ruine, en 1945 et qu'elle est entre 4 à 5 fois plus riche aujourd'hui !

Une autre cause, fondamentale elle aussi, du déficit de l'assurance maladie réside dans la structure des dépenses de l'assurance maladie.

En 2001, l'ensemble des dépenses de santé a augmenté de 5,8 % par rapport à 2000. Mais toutes les dépenses de santé n'ont pas augmenté à la même vitesse. Deux secteurs entièrement aux mains d'intérêts privés ont augmenté beaucoup plus rapidement que 5,8 %.Le taux de croissance des dépenses de médicaments qui représentent 21,5 % des dépenses de santé en 2001 a été de 9,5%. La croissance des dépense de biens médicaux qui représente 5,8 % des dépenses de santé la même année, a connu une croissance encore plus rapide : 11,8 %.

Quant aux dépenses de médecine de ville (secteur presque entièrement privatisée) : elles continuent à peser lourd dans le totale des dépenses : 26,5 %. Il faut dire que la France est le seul pays au monde où coexistent, dans le cadre d'une assurance maladie socialisée : la liberté de choix du médecin par le patient, la liberté de prescription et le paiement à l'acte pour le médecin.

La dernière cause du déficit de l'assurance maladie relève de la politique économique et sociale menée par le gouvernement de droite.

Avec un taux de croissance sans doute inférieur à 1 % en 2003 et une augmentation en terme réel de 0,6 % ( !) de la masse salariale, la politique du gouvernement Raffarin a donné le coup de grâce à l'équilibre des comptes de l'assurance maladie.

Pour justifier leur réforme de l'assurance maladie, la droite et le Medef qualifient la période de croissance supérieure à 2 % entre 1997 et 2000 de période d'exceptionnelle. Et de leur point de vue, ils ont raison. Les ingrédients de cette croissance se situaient, en effet, aux antipodes de leurs préceptes : euro faible donnant un coup de fouet aux exportations, hausse des salaires, réduction du temps de travail.

Cette période était une période de création d'emplois et de croissance plus soutenue qu'aujourd'hui pour l'ensemble de l'Union européenne. Mais la croissance de l'économie et celle de l'emploi avaient été, en France, plus rapide que la moyenne européenne. Aujourd'hui, avec la politique du gouvernement de M. Raffarin, c'est exactement l'inverse qui se produit. La gauche a amélioré la situation environnante, la droite a dégradé la situation environnante.

Avec 9,5 % de son Pib, la France se situe au 4ème ou au 5ème rang des pays de l'Ocde (les pays riches) pour la part de Pib consacrée aux dépenses de santé. Mais elle n'atteint que le 11ème rang si l'on considère les dépenses de santé par habitant.

De plus, et ce n'est pas sans importance si l'on ne s'intéresse pas seulement aux dépenses mais aussi aux résultats de ces dépenses, la France qui consacre 9,5 % de son Pib aux dépenses de santé de sa population a été classée en 2000 au premier rang du classement de l'Oms.

Pourtant, de nombreux besoins restent insatisfaits : remboursements insuffisants, hôpital « au bord de la crise de nerf », inégalités sociales et régionales...

Il est donc hors de question de limiter l'augmentation des dépenses de santé à celle du Pib. Ce qui ne veut pas dire qu'il ne faut pas dépenser plus dans certains domaines (hôpital) et moins dans d'autres (médecine libérale, médicaments, biens médicaux) et au total dépenser mieux en organisant des réseaux de soins et une médecine préventive dotée de véritables moyens.


La responsabilisation par le marché


Les remèdes proposés par les libéraux (rapport Chadelat, projet du Medef, rapport Bouton...) ont tous la prétention de « sauver » l'assurance maladie en « responsabilisant » les « acteurs » de notre système de soins.

Le raisonnement de la droite est simple : l'accès aux soins est « confortable » dans notre pays, les gens n'ont aucun frein dans leur consommation médicale. Il faut donc les « responsabiliser » (« culpabiliser, faire payer individuellement, sanctionner, freiner, dissuader... »). Tous les remèdes ont échoué selon la droite : maîtrise comptable, maîtrise médicalisée. Il ne reste plus qu'une solution : introduire des mécanismes de marché dans le financement de l'assurance maladie ; confier une part déterminante du financement et de la gestion de l'assurance maladie aux assurances privées.

Chacun sait, en effet, que les sociétés d'assurance et les mutuelles gèrent infiniment mieux que l'assurance maladie les fonds qui leurs sont confiés !

Comment expliquer alors que les frais de fonctionnement des mutuelles soient plus de deux fois plus élevés que ceux de l'assurance maladie et que ceux des sociétés d'assurance soient 4 à 5 fois plus élevés ? D'emblée, avec les sociétés d'assurance, ce sont 20 % des sommes collectées pour la santé qui ne serviront pas à la santé ! Du pur détournement !

Peut-on, par ailleurs, imaginer un système plus « responsabilisant », au sens que la droite donne à ce mot, que celui des Usa ou les sociétés d'assurances financent 73 % des dépenses de santé. Comment expliquer, alors, que dans un pays où les mécanismes de marché gèrent la grande majorité de ces dépenses, 13,9 % du Pib soit consacré aux dépenses de santé ? Les assurances et le privé coûtent plus cher et soignent moins !

A l'évidence ce mode de « responsabilisation » ne marche pas ! Pire, il se traduit par un gaspillage énorme de ressources puisque avec des dépenses de santé par habitant qui sont le double des dépenses moyennes des pays de l'Ocde, le système de santé américain n'arrive qu'au 37ème rang du classement de l'Oms en 2000. Juste après le Costa Rica dont la richesse ne peut, pourtant, guère se comparer à celle des Usa.

A l'inverse, avec le raisonnement de la droite, comment expliquer que les dépenses de santé par habitant soient très largement inférieures à celles des Usa et même de la France dans les pays scandinaves alors que les soins y sont entièrement gratuits ? Comment expliquer qu'ils obtiennent de bien meilleurs résultats que les Usa en matière de santé publique ? Sans doute parce qu'à la « responsabilisation » par les mécanismes de marché, ils ont préféré une autre forme de responsabilisation : la prévention.

Etatisation et privatisation sont les deux faces d'une même médaille

Le but de la droite est de privatiser une grande partie de l'assurance maladie.

Mais ils ne veulent pas la privatiser totalement.

Même dans les pays où le libéralisme a imposé sa loi (Usa, Royaume Uni), il subsiste toujours un filet de sécurité pour les plus démunis, même si ce filet de sécurité se situe à un niveau très bas et tend continuellement à se restreindre.

Au Royaume Uni, la retraite des salariés est constituée par une retraite de base pour tous les salariés (que les projections fixent à 15 % du salaire en 2040...) et, pour moins de la moitié des salariés, par des fonds de pension.

Aux Usa, l'assurance maladie est en grande partie entre les mains des sociétés d'assurance, mais il existe deux filets de sécurité. Le premier (Medicaid) est à l'usage des pauvres, dont nombre d'entre eux ont d'ailleurs un travail, mais précaire ou à temps partiel et leur entreprise n'a donc pas souscrit de contrat d'assurance santé à leur intention. Le deuxième filet de sécurité (Medicare) est à l'usage des personnes âgées.

Dans tous les cas, ces filets de sécurité sont financés par l'impôt et relève donc de l'assistance. Les fonds de pensions ou les sociétés d'assurance sont financés par des versements des salariés et par des versements des entreprises.

Loin de s'opposer à la privatisation, ce filet de sécurité est la condition même de l'acceptation par l'opinion publique de la privatisation de la plus grande partie de l'assurance-maladie.

Ce qui menace à notre système d'assurance maladie socialisée, financée en très grande partie par le salaire indirect (cotisations maladies patronales et Csg) ce n'est pas le choix entre l'étatisation et la privatisation mais bien le couple infernal que constituent l'étatisation et la privatisation. Car, pour les libéraux, l'étatisation d'une partie de l'assurance maladie, loin de s'opposer à la privatisation de la plus grande partie de cette même assurance maladie, en est la condition même.

Le gouvernement de M. Raffarin ne souhaite pas non plus privatiser trop brutalement l'assurance maladie. Ils ne veulent pas risquer une mobilisation d'une autre ampleur encore que pour les retraites. Le rapport Chadelat exprime remarquablement ces attentes.

Dans un premier temps, ce rapport propose de financer (grâce à l'impôt) un filet de sécurité relativement élevé.

La Cmu serait maintenue. Mieux, sans « l'effet de seuil ». En effet, avec un revenu annuel de 562 euros (en 2003-2004) il est possible de bénéficier de la Cmu mais, avec 563 euros, on ne bénéficie plus de rien. Le rapport Chadelat propose de financer des « bons d'achat » de contrats d'assurances complémentaires de base. Ces « bons d'achat » seraient dégressifs, de 563 euros de revenus annuels jusqu'à 1 000 euros et éviteraient donc l' « effet de seuil » de l'actuelle Cmu.

Le rapport propose d'imposer aux mutuelles et sociétés d'assurance un contrat d'assurance complémentaire de base de nature obligatoirement « solidaire » : sans sélection en fonction de l'état de santé. Jean-François Chadelat recommande, cependant, une modulation des tarifs en fonction de l'âge qui pourrait aller de 1 à 20 !

En contrepartie de ce filet de sécurité et au nom de la « responsabilisation », ils obligeraient le restant de la population à souscrire des contrats d'assurances complémentaires qui seraient d'autant plus onéreux que le contenu du « panier de soins » remboursé par l'assurance maladie obligatoire serait réduit.

Dans un deuxième temps, lorsque l'assurance privée serait entrée dans les mœurs, un gouvernement de droite au pouvoir diminuera le filet de sécurité.

L'obsession de la droite pour la baisse des impôts et des « prélèvements obligatoires », le sort réservé aux allocations accordées sous conditions de ressources et financées par l'impôt aux Usa, au Royaume Uni mais aussi en France (Allocation Spécifique Solidarité, Rmi) ne peuvent nous laisser la moindre illusion ) à ce sujet.

Le contenu du « panier de soins » fixé par le gouvernement et remboursé par l'assurance maladie obligatoire (financé par les cotisations sociales patronales et la Csg) diminuera progressivement, faisant une large place aux assurances privées.

Quant aux assurances privées, elles auront, comme dans tous les pays ou existent une obligation de non sélection des risques pour les contrats de base, usé de tous les moyens à leur disposition pour tourner la loi : offres de soins ciblant les populations présentant le moins de « mauvais risques » financier ou de santé, retard dans les remboursements des populations que l'on souhaite dissuader ou à qui l'on souhaite vendre des contrats non solidaires, beaucoup plus onéreux ...

Les mutuelles sont, dans le cadre des directives européennes, soumise aux mêmes règles de concurrence que les sociétés d'assurance. Elles pourront donc difficilement, malgré la pression de leur base, échapper à la sélection des risques.

Reconstruire le système de santé

En tout premier lieu, il est nécessaire de donner au système hospitalier les moyens de son action.

Cette ambition passe, tout d'abord, par l'abrogation du Plan hôpital 2007 et par la suppression progressive du secteur privé à l'intérieur même de l'hôpital public.

Une loi programme ambitieuse offrant un cadre pluriannuel est, ensuite, indispensable pour réorganiser et mettre à niveau les établissements et les équipements, et donner aux personnels des conditions de travail normales.

Il est aussi nécessaire de reconnaître la fonction sociale de l'hôpital et de lui donner les moyens de fonctionner : accueil, urgences, médico-social.

La France est le pays qui a la dépense de médicament par tête la plus importante du monde.

La proportion des médicaments génériques est inférieure à 10 % du volume des médicaments vendus contre prés de 50 % en Allemagne.

Avec une consommation de médicaments identique à celle du Danemark, la France aurait économisé 8 milliards d'euros, soit prés de 70 % du déficit de 2003 !

Il est donc urgent de définir une politique du médicament dans ses trois dimensions. :

Celle de la production des médicaments et de leur mise sur le marché.

Celle de la prescription des médicaments.

Celle de la délivrance des médicaments.

La remise en question progressive du paiement à l'acte permettrait de redimensionner les dépenses de médecines de ville. Cette remise en question devrait se doubler de constitution de réseaux de soins intégrant médecin généraliste, médecins spécialistes, professions paramédicales... Des réseaux qui fonctionneraient en liaison avec le secteur hospitalier et médico-social.

Enfin, une véritable politique de prévention devrait être intégrée dans notre système de santé.

La politique de prévention n'a de place que très minime : 2,3 % de l'ensemble des dépenses des santé en 2002. Et pourtant, 20 % seulement du niveau de santé d'une population dépend du système de soins. De fait, 80% de ce qui fait que nous sommes en bonne santé dépend d'autres facteurs, comme l'hygiène, l'alimentation, les conditions de travail, les sécurité de vie, la suppression des conduites à risques.

Des politiques de santé publiques doivent être mises en place impliquant l'ensemble des acteurs de santé ou médicaux-sociaux dans le cadre de réseaux-ville-hôpital avec tous les acteurs qui peuvent avoir un rôle à jouer. Avec une véritable recontruction des médecines scolaires et du travail

Le financement de l'assurance maladie


Ce financement devrait reposer sur trois principes.

Le premier principe imposerait de modifier le partage des richesses créées dans notre pays en faveur des salaires directs et indirects (les cotisations sociales).

Augmenter la Csg ne changerait pas grand-chose au partage de la valeur ajoutée : 88 % du montant de la Csg provient de revenus salariaux (salaires directs, retraites, chômage).

Pour changer le partage de la valeur ajoutée, il est nécessaire d'augmenter le taux des cotisations sociales patronales.

Il est temps d'affirmer haut et fort que les profits d'avant-hier n'ont pas été les investissements d'hier ni les emplois d'aujourd'hui.

Il est temps d'affirmer avec clarté que la politique d'exonération des cotisations patronales, de baisse du « coût du travail » n'a eu aucun effet sur l'emploi. Ces politiques d'exonération, de baisse du coût du travail ont été mises en œuvre massivement dans toute l'Europe au cours des 20 dernières années. Mais le taux de chômage de l'Union européenne qui était égal à 8 % de la population active au début des années 1980, est toujours, aujourd'hui, égal à 8 %.

Par contre, les profits patronaux se sont envolés en même temps que le travail se précarisait et que se généralisait l'insécurité sociale.

Voilà ce qu'il faut corriger.

Le deuxième principe serait d'assurer à l'assurance maladie un financement que la droite ne pourrait pas remettre aisément en question.

Or, les prestations financées par l'impôt sont beaucoup plus facilement remises en question que les prestations attribuées en contrepartie de cotisations sociales liées au salaire direct.

En effet, les salariés considèrent comme un dû les allocations sociales qu'ils perçoivent en contrepartie des cotisations sociales versées à l'occasion du paiement de leur salaire direct. Il n'en va pas de même pour les prestations versées en contrepartie de l'impôt.

De plus, lorsque les salariés défendent leur salaire direct, ils défendent en même temps leur salaire indirect (les cotisations sociales).

La réalité sociale est sans équivoque de ce point de vue.

Les réformes libérales des retraites en Italie, en Allemagne ou en France ont dû être étalées sur plus d'une décennie. Par contre, en 1986, Margaret Thatcher n'a eu aucune difficulté à réformer d'un seul coup les régimes de retraites du Royaume Uni.

La brutalité inouïe avec laquelle le gouvernement de M. Raffarin vient de traiter les bénéficiaires de deux allocations financées par l'impôt (l'Allocation Spécifique Solidarité et le Rmi) indique clairement que ce type de méthode n'est plus réservé aux pays anglo-saxons.

La fiscalisation de la Csg, sa fusion avec l'Irpp faciliterait grandement la tâche d'un gouvernement de droite qui voudrait réduire les ressources de l'assurance-maladie.

Le financement de l'assurance maladie n'est pas un problème technique de tuyauterie, c'est avant tout un problème social et politique.

Le troisième principe serait de préserver les ressources de l'assurance maladie en ne les mêlant pas au budget de l'Etat.

Déjà le statut de la Csg est hybride : il relève de l'impôt et de la cotisation sociale. La Cour de Cassation, comme le Conseil d'Etat ont tranché dans le sens de la cotisation sociale. Le Conseil Constitutionnel a un avis plus mitigé.

La différence n'est pourtant pas symbolique, elle a de lourdes implications pratiques. L'impôt, en effet, c'est un principe de finances publiques dans notre pays, ne peut pas être pré affecté à une dépense. C'est le Parlement qui décide de son affectation. Par contre, les cotisations sociales sont pré-affectées : elles ne peuvent financer que les retraites, l'assurance-maladie... Les sommes collectées pour la santé ne peuvent pas être utilisées à l'achat (par exemple...) d'un nouveau porte-avion. Ce n'est pas une mince garantie. Elle disparaîtrait en cas de fusion de la Csg et de l'Irpp.

Démocratie sociale

Les principes fondateurs de la Sécurité sociale en confiaient la gestion aux représentants élus des salariés. Le patronat n'y avait qu'une présence symbolique (de 11 à 15 %). Des collèges proportionnels et « un assuré une voix ». C'était tout à fait cohérent : les cotisations sociales constituaient un salaire indirect qui, une fois versé par l'employeur, devait être géré, tout comme leurs salaires directs, par les salariés.

Les ordonnances de 1967 ont supprimé les élections et introduit le « paritarisme » artificiel et antidémocratique : 50 % de représentants des salariés et 50 % de représentants du patronat.

En 1983 eurent lieu pour la dernière fois les élections à la Sécurité sociale, dans un cadre où la représentation du patronat avait été ramenée à une part plus raisonnable.

Elles ont ensuite été continuellement reportées. Jusqu'en 1995 où le gouvernement Juppé les a officiellement supprimées en même temps qu'il rétablissait le paritarisme officiel si cher au patronat. Mais même de cela celui-ci n'en veut plus et fait la politique de la « chaise vide » tellement, c'est le système lui-même qu'il veut remettre en cause et détacher la protection sociale du salaire !

Les élections à la Sécurité sociale doivent être rétablies. Tous les ayants droits de la Sécurité sociale devraient pouvoir voter pour des listes syndicales ou patronales. Le patronat aurait alors sa véritable représentation démocratique, celle qu'il aurait acquise dans les urnes.

Cela devrait être étendu à toutes les caisses.

Ces élections à la Sécurité sociale permettraient d'échapper au dilemme dans lequel s'enferme aujourd'hui la politique de santé dans notre pays : soit la privatisation et la prise de décision par la main (pas si invisible que cela) du marché ; soit l'étatisation et le contrôle comptable.

Des élections à la Sécurité sociale permettraient d'instaurer une autre forme de prise de décision : la délibération démocratique ! Des campagnes de proposition et de choix, associeraient, « responsabiliseraient » bien mieux les assurés sociaux sur « leur » Sécu. Des engagements permettraient a des élus de ne pas jouer un rôle fantoche mais actif - sûrement nettement supérieur en qualité, en compétence, en lien avec les assurés, et incontestablement plus contrôlable démocratiquement que celui des technocrates de Bercy qui imposent un « LFSS » votée en quelques jours par les députés qui n'en peuvent « mais »...

Dans le cadre d'une République rénovée, démocratisée, d'une VIème République, le Parlement social pourrait prendre la place qu'occupe aujourd'hui le Sénat.

Un débat démocratique, public, s'appuyant sur les programmes défendus publiquement lors des élections à la Sécurité sociale, pourrait vraiment s'instaurer. L'Assemblée Nationale trancherait en dernier ressort mais le débat fondamental sur notre politique de santé, les grands choix, grands investissements à faire, sur la part du Pib à consacrer à la santé, sur les mécanismes des recettes et des dépenses (et donc aussi la responsabilisation démocratique de tous les acteurs de notre système de santé) aurait enfin lieu.

Gérard Filoche

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