Alerte sur la santé !
Le parlement a commencé en février
la discussion de l'important projet de
loi: HPST (« Hôpital,patients, santé et
territoires »; Ce texte va organiser l'offre de santé dans les territoires sous
l'autorité des ARS (agences régionales
de santé) qui interviendront dans 4
champs: la santé publique, les soins
ambulatoires et hospitaliers,les services
médico-sociaux, ainsi que les
professions de santé. Elles seront compétentes
sur l'observation de l'état de
santé, la promotion de la santé et de l'éducation en santé et surtout, sur l'organisation de l'offre de services en
santé.
Un constat alarmant
L'offre de soins n'est pas satisfaisante
dans notre pays. La situation se détériore.
Les clignotants s'allument les
uns après les autres. Concernant l'hopital public, les déficits s'aggravent,
800 millions d'euros pour les 31 CHU
en 2008! Pour équilibrer leurs budgets, les hopitaux devraient supprimer
20000 postes. Quant à la densité
médicale , les écarts se creusent. Si, au
niveau national, on compte 340
médecins pour 100 000 habitants (
268 pour la région Centre, 417 pour la
région PACA, 426 pour l'Ile-de-France
mais... 70 pour le département de la
Seine-St- Denis). Pour les spécialistes,
l'écart se situe entre 34 pour la Lozère
et 244 à Paris! Les taux de dépassements
d'honoraires sont de 65% (140% pour les chirurgiens) à Paris. Il
est difficile de trouver un médecin en
secteur 1 en Ile-de-France, Rhone-
Alpes ou PACA.
La médecine de proximité : les
impasses du système actuel
Les principes de 1927 définissant les
pratiques médicales (liberté d'installation,
liberté de prescription, paiement
à l'acte) trouvent actuellement leurs
limites. Des déserts médicaux se multiplient.
On assiste actuellement à des
surenchères entre collectivités territoriales
pour attirer des médecins,
primes d'installation, prise en charge
de logements, de frais de cabinet... Des
médecins roumains s'installent dans
certaines régions déficitaires... Le
gouvernement envisage même la mise
en place d'une pénalité financière
pour les médecins installés en zones
surdotées qui refuseraient d'exercer
des missions dites de service
public(travailler ponctuellement dans
des zones déficitaires en médecins,
contribuer à la permanence des soins
en effectuant des gardes). On peut
douter de la volonté de ce gouvernement
quand il affirme vouloir négocier
cette pénalité avec la profession alors
qu'il avait reculé devant la fronde des
internes en septembre 2008 pour un
projet analogue.
L'augmentation du numerus clausus
est en route, il s'accompagne de
bourses (mises en place par les régions
et les départements) destinées à aider
les étudiants effectuant leur stage en
médecine générale obligatoire depuis
2006.
Les statistiques montrent qu'à l'heure
actuelle, les nouveaux médecins ne s'installent pas . Seuls 9% des nouveaux
inscrits à l'ordre s'installent
comme libéraux, tandis que 66%
choisissent d'être salariés et 24%
remplaçants. 2 explications à cet état
de fait; D'abord, la féminisation de la
profession, 56% des médecins de
moins de 35 ans sont des femmes,
celles-ci sont, en majorité , des médecins-remplaçants. La deuxième explication
réside dans la pratique de la
médecine générale. Les nouveaux
médecins connaissent uniquement l'hôpital , avec un travail en services
spécialisés ,des pratiques de groupes
pour établir un diagnostic et un protocole
thérapeutique . La médecine
générale (fondée sur la relation et la
probabilité) leur fait peur ; le stage
obligatoire accentue leur angoisse.
Des pistes sont ouvertes. La médecine
générale est depuis 2004 une spécialité.
Jusque là ,on considérait que le
généraliste était un médecin au rabais.
Avec ce nouveau statut, les généralistes
peuvent désormais enseigner
dans les CHU à côté des spécialistes.
Les étudiants apprennent le métier de
généraliste .
La 2ème piste se trouve dans le développement
de la médecine de groupe
et de pôles de santé pluridisciplinaires.
Le choix est ici très politique.
Lors de la dernière présidentielle, 58% des médecins qui ont voté Royal
sont favorables à cette évolution mais
seulement 37% des médecins qui ont
voté Sarkozy. La droite ira-t'elle
contre son électorat? Et pourtant, ce
choix est l'avenir. Les pôles de santé
peuvent réunir autour des médecins
spécialistes et généralistes tous les
professionnels( infirmières, kinés,
sages-femmes,..). Les atouts sont multiples,
permanence des soins, temps d'attente diminués pour les patients,
possibilité d'une petite chirurgie,
échanges entre professionnels pour
affiner un diagnostic, et aussi pratique
de la délégation de soins ( un vaccin
réalisé par un médecin coûte 22€ mais
seulement 3 € quand il est fait par une
infirmière. Les incitations à ces initiatives
doivent se multiplier ainsi que les
partenariats avec les collectivités.pour
développer les opérations de prévention
sur un territoire. Avec ce choix, la
pratique de la médecine généraliste
redevient attractive mais elle suppose
une rémunération des médecins sur le
forfait et non plus sur le paiement à l'acte.
La sauvegarde de l'hôpital public
Depuis une trentaine d'années, les
hôpitaux vivent au gré de lois successives.
La loi de 1983 (gouvernement
Mauroy) met fin financement des
hôpitaux publics et des PSPH (établissements
privés participant au service
public, comme les hôpitaux mutualistes)
par le prix de journée et met en
place une DGF (dotation globale de
financement). Leur budget augmente
chaque année d'un pourcentage fixé
par l'Etat. La durée des hospitalisations
chute avec en contre-partie une
intensification du travail des personnels
(en 1988 éclate la grande grève
des infirmières) mais les budgets sont
tenus... Ce système pérennise les inégalités
entre hôpitaux, puisque les DGF
ont été fixés sur les anciens budgets,
ainsi, les hôpitaux récents ,en pleine
expansion,connaissent des difficultés.
La loi de 2003 change la donne, place
à la tarification à l'acte (T2A).
Désormais, le calcul ne se fait pas
malade par malade mais par rapport
aux coûts définis par pathologie
regroupées en Groupes homogènes de
malades (GHM). Chaque GHM est
côté , chaque hôpital est rémunéré en
fonction de son activité mesurée en
nombre de cas traités par GHM. Le
résultat est, bien sur, une concurrence
entre les établissements; chacun alignant
ses coûts sur le plus performant:
traiter le plus de cas pour le coût le
moins cher.. Tout est dans le codage
des actes techniques entrant dans les
GHM... Certaines pathologies comme
les soins de longue durée dûs au
vieillissement n'entrent pas dans le
moule . Les hôpitaux (notamment privés)
privilégient les actes les plus rentables
. Avec ce système, les services d'urgence ont intérêt à multiplier les
actes au détriment d'une médecine de
proximité fondée sur les pôles locaux
de santé....Certains, à droite, vont en
tirer les conclusions, le privé coûte
moins cher... sans se dire que les établissements
publics doivent accepter
tout le monde, or les plus pauvres sont
les plus coûteux à soigner. Pour contrer
la concurrence, les hôpitaux publics
sont conduits à réduire leurs budgets
,notamment en personnel (avec la
remise en cause de la fonction
publique hospitalière). On explique les
restructurations nécessaires par la loi
du marché mais son application à la
santé résulte de choix politiques. L'application de la T2A sans tenir
compte de la situation sociale des
patients ou de la situation géographique
conduit à la mort de l'hôpital
public. En face, des établissements privés
qui font du rentable, et qui coûtent
moins cher à l'assurance-maladie
mais beaucoup plus aux patients qui
doivent le plus souvent acquitter des
dépassements d'honoraires importants,
voire des dessous de table...
Le projet de loi HPST prévoit la disparition
du secteur PSPH ( essentiellement
mutualiste) et son intégration au
secteur privé. Il prévoit également que
tous les établissements , même privés,
participeraient aux missions de service
public. De telles dispositions risquent d'entrainer la réduction d'une offre de
soins accessible à tous, compte-tenu
de la logique de l'hôpital privé. Ces
dispositions seraient mises en œuvre
dans les régions par les agences régionales
de santé (ARS).
Les axes de lutte pour renforcer l'accès de tous aux soins de qualité
Le 27 janvier, la CFDT, la CFTC, la
CGT, l'UNSA et la Mutualité française
(FNMF) ont publié une déclaration
commune. Ces organisations entendent
peser sur le débat parlementaire
en présentant leurs propositions pour
« un véritable service public de
santé ». elles soulignent que « l'accessibilité au système hospitalier
doit respecter le principe d'égalité d'accès aux soins.En ce sens, la délégation
des missions de service public au
secteur privé lucratif ne doit pas s'étendre. Là où elle existe, elle doit être
encadrée afin que les patients puissent
bénéficier des tarifs opposables (c'est
à dire conformes aux conventions de la
sécurité sociale) pour la totalité des
soins ». Les organisations demandent
le maintien du secteur PSPH notamment
mutualiste. Elles veulent que les
centres de santé soient reconnus par la
loi comme acteurs de soins de premier
recours (donc de proximité). Les organisations
souhaitent des politiques de
prévention face au développement des
maladies chroniques ainsi que l'instauration
d'un nouveau mode de
rémunération des médecins libéraux
reposant sur des forfaits et sur l'atteinte
d'objectifs de santé publique.
Didier Bourdelin