GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur

A propos de l'homoparentalité

Pour la première fois en France, un couple de femmes a obtenu l'autorité parentale conjointe sur leurs trois enfants et forme ainsi officiellement la première famille composée de deux parents du même sexe. Marie-Laure a eu trois petites filles par insémination artificielle. Sa compagne a obtenu le pouvoir de les adopter, puis une juge aux affaires familiales leur a accordée à toutes les deux l'autorité parentale conjointe. Mais rien n'indique que cette décision fera jurisprudence.

La situation européenne

Au niveau européen, il existe normalement un consensus pour mettre fin à toute discrimination fondée sur l'orientation sexuelle (article 21 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne). Allant plus loin, le Parlement européen a dès février 1994, invité la Commission à présenter un projet de recommandation sur " l'égalité des droits des homosexuels et des lesbiennes, afin notamment de mettre un terme à toute restriction à leurs droits à être parent ou à adopter et élever des enfants ". Depuis la ratification du traité d'Amsterdam, la France et ses quatorze partenaires se sont engagés à " combattre toute discrimination fondée sur le sexe, (...) ou l'orientation sexuelle " (art.13). Cette exigence est rappelée par une résolution de 1998 qui réitère l'exigence adressée aux Etats membres pour qu'ils " garantissent, à l'égard des couples de mêmes sexe, l'égalité des droits par rapport aux couples et aux familles traditionnelles ". Pourtant, par une décision du 26 février 2002, prise à la courte majorité de 4 contre 3, la Cour européenne des droits de l'homme vient de confirmer du refus d'agrément opposé à un individu voulant adopter, du seul fait de son homosexualité. Il s'agissait d'un ressortissant français.

Depuis, une majorité conservatrice est au pouvoir en Europe ; la commissaire européenne désignée pour mettre en œuvre les politiques concernant l'égalité et la non discrimination est ouvertement homophobe (et anti-IVG) et a été nommée en connaissance de cause.

Le droit français

Le droit français ne reconnaît pas le projet parental d'un couple homosexuel. Pour avoir un enfant quatre voies sont possibles, hormis la situation (minoritaire) des couples élevant des enfants issus d'une union hétérosexuelle antérieure. L'adoption, depuis 1966, est ouverte à tout célibataire âgé de plus de 28 ans. Mais à l'exception de Paris ou de l'Hérault, les Conseils généraux refusent quasi-systématiquement de délivrer l'agrément préalable à l'adoption aux célibataires qui ne cachent pas leur homosexualité. L'insémination artificielle avec donneur est une autre solution régulièrement utilisé par les femmes : interdite aux célibataires en France, elle est autorisée dans plusieurs pays d'Europe. Pour les hommes, le recours à une mère porteuse qui renonce à ses droits sur l'enfant est possible dans certains pays nord américains : très chère cette solution reste rare en France. La coparentalité enfin, organisée entre deux couples, l'un gay l'autre lesbien, est la plus simple à mettre en œuvre hors du cadre de la loi et permet à l'enfant d'avoir un père et une mère, ces derniers vivant leur vie conjugale séparément. Mais elle doit se pratiquer par " insémination artisanale ", à la maison (via une seringue la loi interdisant l'aide d'un gynécologue).

Le " bien de l'enfant "

Un discours répétitif développé au nom de l'enfant, proclame haut et fort que ce dernier doit absolument avoir deux images parentales marquées par la division des sexes pour se construire harmonieusement. Cette affirmation n'a guère de fondement et il n'existe aucun argument scientifique sérieux contre l'homoparentalité.

De nombreuses études montrent que ce traitement discriminatoire à l'égard des homosexuels n'est pas du tout justifié.

En 1995, une étude britannique sur deux groupes de jeunes adultes sont l'un était élevé par des mères hétérosexuelles et l'autre par des mères lesbiennes, démontrait qu'il n'existe aucune différence de comportement entre les groupes. Cette étude signalant par ailleurs que 91 % des personnes issues des mères lesbiennes étaient hétérosexuelles. Dans le même ordre d'idées, l'Académie américaine de pédiatrie (regroupant 55 000 pédiatre) estime qu'il n'existe aucune raison légitime pour empêcher un individu ou un couple homosexuel de devenir parent.

Si il y avait un idéal pour chaque enfant concernant le cadre dans lequel il est élevé, le fait de l'être par un couple hétérosexuel ne constitue en rien une garantie et n'est pas la priorité. La sécurité affective et matérielle procurée par des adultes qui l'ont désiré et sont soucieux de son bien être, paraît autrement plus fondamentale. A cela s'ajoute que l'enfant ne vit pas en vase clos avec ses deux parents, il peut ainsi prendre ses repères avec des personnes de l'autre sexe à l'école et dans l'entourage familiale notamment.

Enfin, il ne s'agit pas de disserter sur un idéal, ni de savoir si les homosexuels ont le droit ou pas d'avoir des enfants, car les familles existent de fait, et sont de plus en plus nombreuses. Il s'agit donc de prendre cette réalité en compte.

Une révolution des mœurs

L'homoparentalité constitue, il est vrai, une véritable révolution des mœurs, il est logique qu'elle déroute et fasse peur. La difficulté vient surtout de ce qu'elle émerge dans un contexte particulièrement défavorable où la société, fatiguée et fragilisée est obsédée par sa sécurité et tend à se protéger par une réactivation des valeurs traditionnelles. Contre le profond mouvement de démocratisation individuelle, incitant chacun à sortir des rôles imposés pour s'inventer, les discours prônant une restauration des images paternelles et maternelles trouvent actuellement des oreilles attentives.

C'est d'ailleurs pour cela qu'il existe un risque pour les enfants. Non pas du point de vue de la forme du modèle parental. Mais à cause des réactions de la société. Car si cette dernière conserve une position d'hostilité, les enfants pourraient en ressentir les conséquences, se sentir stigmatisés et mal vivre ces regards critiques. Le problème est donc essentiellement politique.

Les positions des socialistes

Les socialistes ont déjà reconnu le couple homosexuel en organisant l'ouverture du concubinage et la création du Pacs, il semble que nous pouvons difficilement être opposé à la reconnaissance du couple apportée par le mariage. En revanche, le débat qu'il reste à trancher aujourd'hui, que ce soit en soi ou par le biais du mariage, est bien celui de l'homoparentalité.

Le PS s'est déjà exprimé favorablement à l'adoption par un célibataire homosexuel en refusant, y compris par la loi, que l'orientation sexuelle soit prise en compte lors de l'adoption par un célibataire, ou que l'orientation sexuelle soit prétexte à retirer les droits parentaux lors d'un divorce.

Le seul argument qui s'opposerait à l'adoption par un couple homosexuel est celui lié à la nature du couple : un homosexuel peut adopter mais pas un couple homosexuel car il n'est pas composé d'un homme et d'une femme. Pour que l'argument tienne il faudrait démontrer en quoi une personne seule, qui peut adopter, pourrait se substituer à un homme et une femme pour élever un enfant, alors qu'un couple homosexuel ne le pourrait pas. On le voit, il est temps d'affirmer ce droit à l'adoption pour les personnes homosexuelles et ce droit à une vie de famille stable et reconnue pour des milliers d'enfants.

Il ne s'agit pas de privilégier une forme familiale plutôt qu'une autre. Qu'elles soient classiques, monoparentales, homoparentales, elles doivent toutes pouvoir coexister sans hiérarchie du moment qu'elles garantissent concrètement la bonne socialisation de l'enfant.

Barbara Romagnan

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