GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur Au Parti socialiste

A la recherche de la boite noire

A mesure que les problèmes surgissent et imposent à la fois leur rythme et leur logique, le discours de la direction du Parti socialiste paraît de plus en plus confiné au commentaire sur la méthode. Le «non» gagnant en Corse ? «C'est un gâchis» gémit un puissant dirigeant socialiste, car le gouvernement n'a pas choisi le bon moment, la bonne explication, la bonne campagne. Un autre ose même dire que c'est la «politisation du référendum» qui est en cause. Un comble ! Un référendum apolitique, qu'est ce que ça pourrait bien être ?

Et comment le représentant d'un parti de gauche peut-il faire sien l'argument classique des beauf de droite selon lequel la politique est une activité basse qui dénature les problèmes ? Un autre dirigeant encore rappelle que le gouvernement avait été mis en garde et qu'il n'en a pas tenu compte ! Je crois que ce camarade ne se rend plus compte de ce qu'il dit : si la droite avait suivi nos conseils, elle aurait gagné ? Quel lapsus incroyable ! Mais je m'amuse aussi à demander de quelle victoire électorale récente le Parti socialiste tire ce brevet de conseil en communication !

Concernant la lutte des intermittents du spectacle, à côté de choses très justes, les dirigeants socialistes reprennent la même rengaine rabâchée un temps à propos des retraites et reprise lors de la mobilisation des enseignants : «la concertation a été insuffisante», «la méthode est brutale», «la communication est contradictoire», «la gestion du calendrier est stupide». La forme, encore la forme. Sur le terrain les intéressés qui luttent ne retiennent qu'une chose : si les socialistes en restent au critiques sur la forme, c'est qu'ils sont d'accord sur le fond. Dès lors de deux choses l'une : ou bien c'est vrai et alors mieux vaudrait l'assumer ouvertement à la manière de la direction de la CFDT, ou bien c'est faux et dans ce cas les problèmes de communication à pointer sont à la tête du PS et non au gouvernement.

Pour ma part, avec de nombreux analystes de gauche, je pense que la communication, le calendrier et la méthode du gouvernement sont parfaitement adaptés à son programme d'action. Il s'agit de provoquer et d'affronter des secteurs clefs du salariat sur des sujets décisifs pour obtenir une victoire totale, humiliante pour les intéressés, enthousiasmante pour son camp. Elle agresse à dessein les «agents d'ambiance» collectifs de la culture de gauche au quotidien : cadres de la fonction publique, fonctionnaires de tous rangs, enseignants. Il est hautement significatif que ce soit à présent le tour des professionnels de la culture, metteur en scène au sens littéral d'une certaine compréhension de la pratique culturelle. L'hégémonie culturelle à laquelle prétend dorénavant la droite libérale de ce pays ne se construit pas seulement dans son hégémonie économique, elle se prolonge par l'écrasement moral et la disqualification idéologique des catégories sociales qui incarnent le projet alternatif. De la violence de l'agression et du piège des calendriers, elle cherche à obtenir ou bien la débandade de la lutte ou bien une division à l'intérieur des catégories sociales visées. Elle peut aussi espérer obtenir le tout à la fois ! La droite «assure» et les calembours injurieux du premier ministre sont parfaitement à leur place dans ce programme ! La parole de gauche étant inaudible, à la fin aucun résultat n'est plus unifiant. Les uns tournent le dos à toute organisation politique, les autres s'enragent et se sectarisent. La division gagne du terrain. La droite joue bien sa partie comme un combat planifié dans tous les registres. La mise aux normes libérales de la France républicaine ne peut être acquise autrement.

Dès lors la direction socialiste se trompe d'époque et de combat. Elle ne peut qu'aller d'un déboire à l'autre et avec elle tout ceux qui s'en remettront à ses conseils. Elle se condamne donc à se mettre au fur et à mesure des défaites dans la main des sociaux libéraux les plus ardents pour qui les vaines gesticulations sur la forme et la communication - impuissantes à contrecarrer la mise en place de «la seule politique possible» - sont une perte de temps et autant d'excessives concessions à l'irresponsabilité naturelle du peuple rétif à «la réforme» et grossier conservateur de ses «privilèges corporatistes». Ainsi de Rocard, Attali et Delors. Mais aussi Kouchner qui n'hésite pas à dénoncer «l'extrémisme du PS». Et de même le secrétaire national du Parti aux études qui enterre d'un coup de plume tout ce qu'ont fait et dit le congrès de Dijon, les parlementaires socialistes et les militants de terrain lorsqu'il écrit que, de retour au pouvoir, les socialistes devront trouver les moyens de financer la réforme Fillon sur les retraites ! Dès lors toute parole socialiste devient inaudible ou suspecte et toute bataille devient illisible.

De surcroît, la même étrange équipe se range d'elle-même dans le camp des battus annulant la victoire quand elle vient malgré elle ! Ainsi, en Corse, les stratèges de la rue de Solférino recherchent avec ardeur la boite noire de l'avion sans pilote du «oui» qui vient de se scratcher et dans lequel ils avaient invité toute la gauche à monter ! Ils ne comprennent rien à la victoire du «Non», ils ne l'épousent pas plus qu'ils n'ont épousé aucune réplique populaire récente contre la droite. Ni synthèse avec la rue, ni synthèse avec les urnes. Il est à craindre, pour finir, que l'une et l'autre nous le rendent bien.

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