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26 novembre : Les cheminots en manif

Ce n'est pas la première fois que les syndicats cheminots organisent une manifestation nationale. Celle du 26 novembre 2002 va prendre une importance particulière. Après la manif des salariés d'EDF-GDF du 3 octobre dernier, c'est au tour d'une autre secteur du service public de se mettre en mouvement. Sur l'emploi, les salaires, et la défense du service public.

La situation est à nouveau en train de se tendre à la SNCF. La bonne conjoncture économique des années 2000-2001 couplée à la mise en œuvre des 35 heures ont fait de la SNCF une exception en Europe. Ses effectifs ont cessé de baisser, ont même légèrement augmenté, rompant avec la baisse massive de la décennie précédente. Lorsque le président Gallois annonce en septembre de cette année que 1000 embauches prévues en 2002 ne seront pas réalisées alors que la stabilité des effectifs était prévue, les cheminots craignent que l'on entre dans une nouvelle période de chute des effectifs. Pourtant la situation de l'emploi est déjà très tendue dans de nombreux secteurs de l'entreprise, ne rendant pas toujours facile l'exécution du service public dans les meilleures conditions. Peu importe : la SNCF doit devenir une entreprise comme une autre ! Si la conjoncture est moins bonne, s'il y a moins de recettes provenant aussi bien du trafic voyageurs que du trafic fret, l'entreprise doit réduire sa « voilure ». Or dans le secteur des services, lorsqu'une entreprise de main d'œuvre veut baisser ses coûts, elle s'en prend en premier lieu à la masse salariale. L'emploi devient la première variable d'ajustement.

Une mauvaise nouvelle ne venant jamais seule, la SNCF annonce aux organisations syndicales qu'il n'est pas question de les retrouver avant le premier trimestre 2003 pour finir de négocier les salaires 2002 ! Les 1,2% obtenus depuis le début de l'année sont particulièrement insuffisants, ne serait-ce qu'au regard de la hausse des prix.

L'avenir de la SNCF est également au cœur des préoccupations des cheminots. La privatisation, l'ouverture du capital n'est sans doute pas à l'ordre du jour. Pour autant la libéralisation, imposée par la Commission européenne, risque de profondément bouleverser le service public ferroviaire. En mars 2003, le trafic fret international sera ouvert à la concurrence, prélude à une ouverture totale pour les trafics fret et voyageurs que Bruxelles voudrait atteindre avant 2008. Le risque est évident : quelques opérateurs ferroviaires privés vont venir écrémer les trafics les plus rentables…pour laisser les autres aux entreprises publiques. La séparation entre les infrastructures et l'entreprise ferroviaire de transport a été la première étape de ce processus. Réseau Ferré de France va vendre des sillons (créneaux horaires) à divers opérateurs ferroviaires qui paieront, comme le fait déjà la SNCF, des péages pour circuler sur le réseau ferré national. Priorité à celui qui acceptera de payer le plus ?

La politique européenne de la SNCF prend un tournant. Comme Louis Gallois l'explique : « Jouer l'Europe à 100 %, c'est aussi en accepter les règles du jeu, et en particulier, dans la logique du marché unique, les règles de la concurrence…Nous allons avoir des concurrents ; nous allons nous-mêmes être des concurrents. » La SNCF utilise alors les mêmes armes que ses concurrents. Eurostar est transformée en société de droit britannique, Thalys est tout autant menacé de privatisation, plusieurs services risquent d'être transformés en filiales…L'éclatement partiel de la SNCF se profile, sous couvert d'une gestion accrue de l'entreprise par activité (fret, Grandes Lignes, Ter…). Face à cette libéralisation, l'action syndicale s'organise au niveau européen. La fédération européenne des travailleurs du transport (ETF) se bat pour lutter contre le dumping social, et pour imposer le respect par toutes les entreprises ferroviaires de normes sociales communes.

Croire qu'une entreprise publique peut se comporter comme une entreprise privée est une erreur. Bruxelles le rappelle à la France à propos d'EDF, qui est devenu un concurrent en Europe des autres producteurs d'électricité. La commission exige que les emprunts faits par EDF n'aient plus la caution de l'état français (cette caution permet évidemment des emprunts sur les marchés internationaux à des taux avantageux). Le statut d'EPIC (établissement public industriel et commercial) d'EDF est menacé. Il risque d'en être de même pour la SNCF.

L'année 2002 a été jusque-là particulièrement calme à la SNCF. Il faut remonter à 15 ans pour y connaître aussi peu de grèves. Le 26 novembre, le choix a été fait de manifester plutôt que de faire grève. Cette manifestation nationale doit être comprise comme un premier avertissement. Si les cheminots ont le sentiment de ne pas être entendus, la « conflictualité » connaîtra une hausse. Ce n'est pas la menace brandie par 130 députés UMP d'interdire la grève dans les transports en commun avant 9h et après 17 h qui y changera quelque chose (d'ailleurs le ministre des transports, De Robien, a été obligé de prendre quelques distances avec cette initiative particulièrement provocatrice). D'autant que la droite semble bien décidée à réouvrir le dossier des retraites, et pas de la meilleure façon : en allongeant la durée de cotisation ! Les cheminots ne sont pas décidés à se laisser faire.

Eric Thouzeau

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