GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur Au Parti socialiste

1ère partie

Tirer sérieusement le bilan de la défaite

de la gauche plurielle et du PS en avril-juin 2002

pour faire à une droite de combat qui a tous les pouvoirs

1.1 La catastrophe du 21 avril

1.1.1

Rien, dans le temps qui passe, ne doit minimiser...

dans les analyses de la gauche française, l'importance de la défaite historique qu'elle a connu le 21 avril 2002.

Il ne faut pas cacher, ne pas diminuer, ne pas oublier, mais expliquer à fond, comprendre, prévenir tout recommencement. Aller aux racines.

Il a fallu pour que la gauche plonge ainsi dans la déroute, que se creuse une terrible incompréhension entre ses partis, ses dirigeants et la majorité écrasante de sa base sociale naturelle.

1.1.2

L'erreur fatale serait, de la part des socialistes, d'attribuer "la faute aux autres" :

en vrac, aux "abstentionnistes", à "ceux qui ont dispersé leurs voix", à la "diversité de la gauche", aux "gauchistes qui divisent", à tous ceux qui n'ont pas compris, ne se sont pas rendu compte, n'ont pas vu le danger, etc. Et puis de faire comme si de rien n'était, continuer comme avant.

Car il faut bien rendre compte du problème clef : de la coupure entre la direction principale de la gauche, socialiste, et sa base populaire.

1.1.3

Ce n'est pourtant pas faute de signes avertisseurs :

lors des élections municipales déjà, nombreux avaient été les observateurs, dans la gauche plurielle et dans le Parti socialiste à tirer le signal d'alarme dés le 14 mars 2001 lorsque l'abstention avait été forte aux élections municipales et lorsque la gauche, trop souvent divisée, avait, de façon surprenante aux yeux de beaucoup, perdu de nombreuses villes.

Nous avions insisté avec force sur la nécessaire fusion entre le Parti socialiste et le mouvement social radical, entre la gauche institutionnelle et la gauche militante, "motivée".

1.1.4

Lors de nombreux autres scrutins européens, la social-démocratie s'est vue, ces dernières années, sanctionner,

l'Europe rose laissant la place à une vague bleue... Alors que la gauche était au pouvoir dans 13 pays sur 15, au sein de l'Union européenne, en 1997, peu à peu, cette situation s'est inversée.

Au lieu de répondre aux attentes des peuples et d'engager le chantier de l'Europe sociale, les différentes directions des partis sociaux-démocrates, ont subi l'Europe libérale, monétaire, marchande, aboutissant à redonner les pouvoirs aux technocrates, aux multinationales toutes puissantes, et aux partis de droite soucieux de déréglementer les services publics, de rogner les interventions économiques des états et des citoyens.

Ainsi, on a assisté à un renversement, non pas fondamental, mais dangereux ou différentes extrêmes droites, nationalistes, réactionnaires, xénophobes, progressaient tandis que les partisans de la redistribution des richesses, de la lutte contre les inégalités, les adversaires de la dictature de la finance et des actionnaires, reculaient. Non pas que "la partie soit jouée", le retour du balancier n'est pas complet, mais il est assez indicatif pour que des leçons communes, européennes soient également tirées.

1.1.5

Pourtant, les forces populaires des différentes gauches ne sont pas vaincues, ni réellement minorisées :

en France, même le 21 avril, il y a eu 42,96 % au total des voix de gauche contre 40, 56 % au total des voix de droite.

en Europe aussi, il y avait de grands espoirs et une grande combativité : soulignons que de Porto à Goteborg,, de Nice à Laeken, de Gênes à Barcelone, Séville et Rome, depuis 1997, ce sont chaque fois, régulièrement, des centaines de milliers de manifestants, parfois des millions qui ont défilé pour l'Europe sociale, avec leurs syndicats et leurs associations, type Attac.

Il est quand même contradictoire de constater que les mobilisations montent et que le cours politique dominant semble inversé.

1.1.6

Nous jugeons qu'il y a deux causes profondes au 21 avril :

La première, c'est le bilan du gouvernement Jospin qui était nettement "mitigé" (comme nous l'avions analysé à Nantes en août 2001). C'est un bilan partagé, positif et négatif, pas unilatéral. On pouvait certes souligner qu'il était "le plus à gauche d'Europe". Et en même temps, au plan intérieur il était nettement en dessous des exigences sociales des salariés et du peuple français, ce qui l'a perdu. Il s'est effectué une coupure avec les attentes populaires, les urgences sociales.

La deuxième cause est dans la campagne conduite par Lionel Jospin : elle a été mauvaise et n'a pas su dessiner un projet de transformation sociale assez radical pour séduire ceux auxquels il était vraiment censé s'adresser. Pas de projet de changement de société, trop gestionnaire, pas de souffle global, rien de consistant pour le salariat.

La présidentialisation accrue des institutions par le double effet de la réduction du mandat présidentiel et l'inversion du calendrier nous a affaibli. D'abord ce système privilégie le choix des personnes sur les choix collectifs et de fond, ensuite la non introduction d' une part de proportionnelle aux législatives pousse chaque force politique de gauche à se compter lors des scrutins nationaux .Notre défaite a été largement causée par cet excessif émiettement des forces de gauche et singulièrement de la gauche plurielle.

1.2 Le bilan du gouvernement de Lionel Jospin était mitigé :

1.2.1

Nous refusons un bilan unilatéral.

Il y a des aspects positifs dans le bilan de Lionel Jospin, et pas seulement des aspects négatifs. Nous combattons la double idée fausse selon laquelle, il aurait "agi comme la droite", et il aurait "été social-libéral comme Blair".

Justement, dans le rapport de force français et mondial, le gouvernement "rouge-rose-vert" de Lionel Jospin avait des caractéristiques plus avancées, qui le distinguait significativement de la droite et des tenants de la "troisième voie" Clinton-Blair. Il est davantage comparable à ce que fut le premier gouvernement de la gauche en 1981-82. Il a opéré certains choix volontaires que le reste de la social-démocratie européenne a refusé : les "35 h sans perte de salaire", des droits nouveaux du travail, le maintien des retraites, la CMU, l'APA, mais aussi le PACS, la parité, l'IVG, le non-cumul des mandats... La France était, après novembre-décembre 95, la défaite de Chirac en 97, et au terme des cinq ans de la gauche, en 2002, un des pays au monde les plus avancés socialement.

Cela provient d'un "résultat différé" de Novembre Décembre 1995 et de la mise en place d'un gouvernement de coalition rouge rose verte. Cela provient aussi de ce qu'au cours des années 1997 - 2000, la combativité des salariés (nombre de jours de gréve, durée des grèves, caractère massif des grèves, priorité revenue aux revendications salariales, etc.) a été remarquablement dynamique et croissante : pour la première fois depuis les années 70, l'activité sociale se redéveloppait à un rythme suivi et fort.

Tous ces choix l'ont réellement distingué du reste de la social-démocratie. Ceux qui ont intérêt à le nier ou à le sous-estimer privent la gauche d'autant de point d'appui, de référence sur ce qui est possible, vers la politique que nous voulons. Ni Laurent Fabius, ni Dominique Strauss-Kahn n'ont apprécié les aspects les plus avancés des 35 h ou de la loi de modernisation sociale. En vérité, nous nous félicitons, de ce que le socialisme français ait plutôt été un pôle de résistance au social-libéralisme, et à "la troisième voie" façon Blair...

1.2.2

En tant que Gauche socialiste, nous avons pesé.

Nous qui avons été au gouvernement, et qui avons bataillé au sein du Parti socialiste, à tous les niveaux, et aussi, dans les mouvements sociaux, en faveur d'un certain nombre de ces choix, nous soulignons les "aspects positifs" et refusons les amalgames réducteurs avec les "sociaux-libéraux". Nous n'avons pas été inutiles, nous avons pesé, insuffisamment ô certes, sur le cours des choses, du congrès de Brest à celui de Grenoble, des campagnes municipales à la présidentielle...

Les droitiers "blairistes" et l'extrême gauche tirent déjà dans deux sens opposés à propos du bilan, ils vont chercher à cliver, à faire disparaître le rôle de la "gauche plurielle", à diminuer les débats au sein du parti socialiste, à faire reculer la nécessité d'alliances avec les Verts, le PCF, etc.

Ils vont dénaturer aussi bien le bilan que la campagne de Lionel Jospin pour mieux prôner l'existence de "deux gauches" aux projets inconciliables, creuser le fossé entre gauche "institutionnelle" et gauche "radicale", entre la social-démocratie et le mouvement social.

On remarquera l'analyse de Laurent Fabius analysant la défaite comme un refus de l'assistanat et le manque de ciblage social des aides publiques. Cette thématique est celle qui fut développée par Tony Blair pour conditionaliser et réduire les prestations publiques au nom d'une certaine moralisation des soutiens de l'Etat.

1.2.3

Mais pas assez.

Cette politique "rouge, rose, verte", celle de la loi pour des 35 h sans perte de salaire, de lutte prioritaire contre le chômage, était la nôtre mais elle a été conduite en deçà des impatiences sociales, des urgences, elle ne corrigeait pas les effets ravageurs de la longue crise, et a déçu.

Tiraillé dans tous ses choix, depuis le début, Lionel Jospin n'a cessé d'arbitrer "en équilibre", il a osé des avancées sociales, mais il les a pondéré par des "contreparties", des habillages, qui, sans ruiner tout à fait les effets recherchés, les minimisait, et ouvrait la porte béante aux contestations, aux mécontentements justifiés.

Nous avons, avant, en 1996, dans la foulée de Nov-déc 95, fait progresser le programme du Parti socialiste dans les conventions de mars, juin et décembre 96.

Nous avons, pendant cinq ans, dés Amsterdam et jusqu'à Barcelone, dès le congrès de Brest, et à Grenoble mené une bataille pour orienter le gouvernement afin qu'il ne connaisse pas cette issue tragique.

Une leçon décisive de toute cette période : nous ne pouvons gagner en ordre dispersé ni seulement en interne. Nous ne pouvons gagner sans grouper nos forces, nos cadres, nos dirigeants et frapper du même coup en même temps sur le même clou.

Et surtout nous ne pouvons gagner en nous situant seulement en position de "conseillers" : il faut avoir une assise suffisamment importante dans le mouvement de masse, prendre des initiatives publiques, extérieures, dans le mouvement social. Même si nous avons un bon rapport de force interne, ça ne suffit pas, nous ne serons écoutés qu'en ayant un rapport de force social.

1.2.4

Nous nous sommes battus pour une réorientation de la politique européenne :

d'Amsterdam à Barcelone, l'acceptation de compromis, sans bataille ouverte, sans orientation compréhensible, a abouti à laisser en permanence l'Europe libérale l'emporter.

Parce que la situation économique était bonne, il n'y avait pas d'inflation, le commerce extérieur était excellent, les déficits limités, une politique de relance était possible, les critères de Maastricht et d'Amsterdam ont été relativisés.

Mais dés qu'au milieu 2001, des nuages noirs se sont amoncelés dans la situation économique internationale, le carcan des critères maastrichiens s'est refait sentir, les mises en garde contre les déficits, rigueur, ont recommencé, l'échéance de 2004 est réapparue.

Et à Barcelone, le 23 mars 2002 en pleine campagne électorale, Lionel Jospin est obligé de côtoyer, comme en juin 1997, Jacques Chirac en faisant mine de s'entendre avec lui... et d'accepter des mesures indignes sur les retraites et contre les services publics !

Pire : Lionel Jospin a même engagé la polémique électorale en accusant Chirac de faire des promesses incompatibles avec le "déficit-zéro" exigé par les libéraux à Barcelone !

Il fallait, il faut accuser Chirac du contraire : de ne pas se battre pour desserrer l'étau du "déficit zéro" fixé en 2004. D'autant qu'en Europe nous n'étions pas les seuls à vouloir le faire !

1.2.5

Les 35 h :

il a fallu cinq ans, deux lois, des dizaines de décrets et de circulaires, des dizaines de milliers d'accords ad hoc, 105 milliards, une "usine à gaz" juridique, pour permettre à une partie trop restreinte des salariés d'obtenir les 35 h.

Autant le projet était grand et conquérant, historique, autant il a été géré petitement, en multipliant les concessions à un patronat pourtant délibérément hostile et décidé à saboter le projet par tous les moyens. Ainsi, il peut apparaître dans l'opinion, dans les sondages, une perception mitigée des 35 h : tous les maux du monde leur ont été attribuées (gel des salaires, flexibilité, annualisation, augmentation des cadences, non embauche, "travail à deux vitesses, forfaits-jours, etc. selon la taille des entreprises, les branches, ou le secteur privé ou public..)

L'article n°1 des deux lois "Aubry" - la durée légale à 35 h - est pourtant une avancée fantastique, aussi importante que les 40 h en 36, les 39 h et la cinquième semaine en 82. Les jours de réduction du temps de travail s'ajoutent aux congés payés : on est ainsi passé, grâce à la gauche, entre 1936 et 2002 de deux semaines à six semaines de congés payés, record dans le monde.

La réduction du temps de travail est l'instrument privilégié de lutte contre le chômage de masse : si elle n'a créé que 400 000 emplois, c'est en raison des timidités d'application et, bien sûr, des résistances énormes, du sabotage, de la "guerre" déclarée menée par le patronat.

Mais il aurait été possible à tout moment de faire autrement et mieux : la Gauche socialiste, n'a cessé de le redire, de proposer des aménagements précis, argumentés, réalistes, aux deux lois du 13 juin 1998 et du 19 janvier 2000.

Le pire est que le Parti socialiste et son candidat aient même donné l'impression de "tourner" sur le bilan des 35 h et ont décidé de ne pas mener campagne sur ce thème. Ainsi s'explique "l'oubli" incroyable pendant la campagne électorale, de ces 35 h, réduites en une ligne, page 4 du programme du candidat : contresens, erreur politique et pédagogique considérable alors que 9 millions de salariés (4,5 millions dans les entreprises de moins de 20 salariés 4,5 millions dans le secteur public) ne "découvraient" lesdites 35 h qu'à partir du 2 janvier 2002, en février et mars, en pleine campagne.

Et Laurent Fabius a même imposé un "assouplissement" des 35 h pour les entreprises de moins de 20 salariés : c'est ainsi que le contingent annuel d'heures supplémentaires est porté à 180 h (... en 2004) et que des millions de salariés ne verront que du feu en guise de 35 h...

Il aurait fallu une politique offensive, convaincue et pratique pour en développer tous les avantages : avoir fait l'impasse sur cette question centrale fut une immense erreur - encore sous-estimée gravement par la direction du parti.

1.2.6

La question des retraites fut tout aussi mal utilisée.

Car Lionel Jospin a eu un rôle concret positif : il a protégé nos retraites pendant cinq ans, dans la foulée de la grande grève de novembre décembre 1995 qui les avait déjà vigoureusement défendues contre le gouvernement Chirac-Juppé.

Finalement, en abrogeant la loi Thomas sur les fonds de pension (tardivement, 17-1-02, loi de modernisation sociale), en défendant la retraite par répartition (intervention en mars 2000, rapport du COR, décembre 2001), et l'âge de départ officiel à 60 ans, (y compris après Barcelone, 23 mars 2002) en demandant des rapports différents de l'exécrable "livre blanc" de Michel Rocard, en mettant en place un "fonds de réserve", en refusant toutes les pressions, pourtant forcenées, du Medef contre les retraites complémentaires, (blocage du 31-12-00, accord du 11 février 2001 avec détournement de 16 milliards, trois mois de cotisations!) le gouvernement rouge, rose, vert, a répondu aux attentes des Français.

La question des retraites, comme celle du Smic, de l'Ecole et de la "Sécu" compte parmi les grandes questions décisives dans l'opinion, la culture, les "réflexes sociaux" profonds des Français. Elle est même au "palmarès" des préoccupations et elle a, rappelons-le, suscité encore une fois, la plus grande manifestation de la législature, le 25 janvier 2001.

Mais, paralysé par ceux, comme Laurent Fabius, qui estimaient qu'il était "aussi courageux d'aligner les fonctionnaires sur les 40 années de cotisation du privé... que d'être contre la peine de mort en 1981", (intervention faite à L'Atelier, pendant la campagne, cf. Libération) Lionel Jospin a laissé percer, dans les rangs de ses proches, des intentions contradictoires, négatives, inquiétantes pour des millions de salariés !

Paradoxe : le gouvernement refusa en novembre 2001 le principe de verser une retraite à taux plein à ceux du privé qui avaient travaillé 40 ans... et le candidat le proposa en mars 2002.

Pourtant, la Gauche socialiste avait argumenté sur l'importance de cette question et de nombreux votes dans les fédérations avaient démontré qu'une immense majorité du Parti socialiste, (et de toute la gauche, et de la France...) étaient favorables à un retour aux 37,5 annuités pour tous, privé et public.

1.2.7

Les questions de la sécurité et de la justice ont été aussi des terrains de débats en grande partie ratés.

Les avancées sociales de la législature "rouge rose verte" n'ont pas suffi à faire reculer les dégâts antérieurs de la crise économique. Trop de misères, trop de chômage de longue durée, trop de jeunes sans emploi, trop de quartiers ghettos, trop d'économie parallèle, trop de délinquance, le cancer était profond dans nos villes, nos écoles, nos hôpitaux. Il fallait non seulement que la France "aille mieux" mais que les Français sentent massivement que l'immense majorité d'entre eux "allait s'en sortir"...

Dégradation des quartiers, certains devenus zones de non droit, recul des services publics, policiers tués, accidents du travail en hausse, accidents de la route catastrophique, violences à l'école, drogue, l'insécurité est multiforme et plus gravement ressentie en période de sortie de crise, de relance.

Des années de destruction du tissu social, de la vie associative, syndicale, politique, de l'encadrement de la jeunesse, des espoirs ne pouvaient s'effacer naturellement, par simple effet de la croissance 'Cf. "L'état de violence", Julien Dray) .

Le libéralisme a mis en péril le modèle républicain.

L'insécurité était le reflet du libéralisme régnant, peur du lendemain, de la perte d'emploi, du logement insalubre, de la banlieue grise, peur des "vieux jours", peur de l'isolement, de "l'autre", de l'étranger, de la petite délinquance de proximité qui met en jeu les maigres et rares biens, tout cela a été longuement exploité par l'extrême droite et la droite chiraquienne. Tout comme l'immigration, c'est un leitmotiv réactionnaire prégnant.

Là encore la Gauche socialiste s'efforçait concrètement de pousser le gouvernement à répondre plus activement aux "urgences sociales" : mais c'était se heurter frontalement à ceux qui avaient décidé que, "pour gagner il fallait baisser les impôts" !

Lionel Jospin reconnaissait pourtant souvent dans presque tous ses discours qu'il y avait des "impatiences sociales". Mais il ne les a pas traités de manière assez radical, assez rapide, assez profonde.

Il fallait engager plus frontalement une politique de "sécurité globale" tous azimuts, incluant prévention, éducation des jeunes, école, insertion, emploi, réhabilitation des logements, redéploiement des services publics (dont la police républicaine, les éducateurs sociaux, une justice plus efficace).

Cette politique de sécurité globale fut défendue par la Gauche socialiste, illustrée, détaillée avec tous les éléments de prévention, d'éducation et de fermeté nécessaires. Mais on laissa accréditer l'idée qu'il n'y avait "pas de différence" avec la droite sur ce terrain et celle-ci finit par réduire les réponses à l'insécurité sociale à la seule répression policière.

Aidée par des médias presque entièrement contrôlés par des toutes-puissances financières hostiles à la, gauche.

1.2.8

La question du droit du licenciement est de même nature dans le bilan et dans la campagne électorale.

Lionel Jospin avait repris en mai-juin 97, la proposition de la Gauche socialiste de rétablir une forme de contrôle administratif sur les licenciements. Elle figurait dans son discours d'investiture devant l'Assemblée nationale.

Nous avions proposé un dispositif adapté, de type nouveau pour permettre à la puissance publique de venir en appoint aux luttes syndicales, aux institutions représentatives du personnel et pouvoir dire "stop" aux licenciements dits de convenance boursière, y compris aux licenciements abusifs individuels qui minent la vie de tant de "petits" salariés...

Aucune des promesses initiales ne fut mise en oeuvre alors que plusieurs fois la question rebondit négativement : lors des licenciements Michelin (automne 1999 : "l'état ne peut pas tout") et lors des plans "sociaux" Danone et Marks Spencer (forte baisse de la popularité de Lionel Jospin consécutive au printemps 2001 au refus de faire intervenir l'état : "nous ne sommes pas pour une économie administrée").

Est-ce que l'état est là seulement pour subventionner sans contrôler ?

Est-ce qu'il est là pour distribuer les aides à l'embauche mais ne peut dire "stop" lorsque les licenciements sont visiblement abusifs ? Est-ce que l'état ne peut "rien" en économie ? Donner le sentiment d'impuissance publique en la matière a été un terrible affaiblissement du gouvernement rouge, rose, vert. D'ailleurs l'effet dans les sondages au printemps 2001 lors des grandes manifestations contre les plans en série (Danone, etc.) a été automatique, et chaque fois que le sujet est réapparu, l'opinion était constante à reprocher l'inaction du gouvernement. Jusque dans la campagne électorale ou le Premier ministre ne sait répondre au salarié de chez LU, en Essonne, devant les caméras.

La loi de modernisation sociale, dernière occasion, sinon d'interdire, mais de freiner et de rendre plus difficiles les licenciements massifs abusifs, ne fut même pas adoptée en procédure d'urgence, elle traîna de juin 2001 au 17 janvier 2002, ne fut pas mise en oeuvre sérieusement avant le 21 avril. Il n'y eut aucune tentative pour contrer la censure éhontée du Conseil constitutionnel. Même le doublement des indemnités individuelles de licenciement ne rentra en application... que par un décret du 7 mai 2002 ! Il faut dire que cette loi avait l'opposition de Laurent Fabius et de DSK qui y voyaient une gêne pour les entreprises !

1.2.9

C'est parce qu'il n'a pas réduit suffisamment les inégalités, pas assez corrigé les effets de la crise antérieure, pas assez redistribué les richesses que Lionel Jospin a été battu.

La Gauche socialiste avait fait, au Congrès de Brest, un thème central de "l'urgence sociale", de la nécessité de renverser le cours des choses. Nous n'avons pas mené ce débat en vain. Il y a eu une lutte autour de cette question. Sur ce point décisif, Lionel Jospin ne fut ni tout à fait avec Laurent Fabius et DSK, ni tout à fait avec nous.

Hélas, la recherche de "l'équilibre" souci permanent de Lionel Jospin ne donne pas la clef d'une vraie politique sociale : la France était dans un état ou il ne lui suffisait plus d'une politique d'amélioration économique avec des effets sociaux, il fallait des mesures d'urgence, de correction volontariste du fossé, de la fameuse fracture sociale qui a été créée, développée, tout au long des années de crise.

Tout le reste de la politique contradictoire du gouvernement est un peu comme cela : un pas vers la taxe Tobin in fine, mais hésitation, toujours parce que Fabius et DSK sont contre, un pas contre la mondialisation, pour rencontrer Attac, mais pas de voyage à Porto Alegre, et meeting discret avec Lula à Bordeaux, clivage à Malmö au sein du PSE en début de mandat, mais silence à Berlin en 2001, etc. Approbation de l'école professionnelle pour tous de Jean-Luc Mélenchon, mais laissez-faire de Jack Lang. Soutien de Marie-Noëlle Lienemann et sa CLU, mais quels crédits pour agir ?

Cette recherche paralysante d'"équilibre" si difficile, a souvent gâché des chances : par exemple, sur les questions des sans papiers, de la double peine, et quelques autres sujets comme le droit de vote à 16 ans, et l'allocation-autonomie pour la jeunesse.

1.2.10

Tous ces points constituent un ensemble inséparable :

le "succès" de Lionel Jospin, dans l'opinion, réussissant brillamment, à la surprise générale, à "tenir" cinq ans, est aussi, paradoxalement, la cause de son échec. Il nourrit des espoirs qu'il ne parvient pas à satisfaire. À la différence de ses prédécesseurs, il fait avancer les choses dans le bon sens. Mais à la différence de ses prédécesseurs, il encourage une opinion qui s'est mobilisée et qui en exige plus. D'où le "gap". D'où ce "gap" particulier ou il est donné gagnant, et où il perd tragiquement.

1.3 La campagne électorale n'a offert ni mesures-phares concrètes suffisantes, ni même un idéal socialiste :

1.3.1

Dans une campagne électorale nationale, il faut proposer un "souffle" fort, une vision globale :

Ce n'était pas un "duel" personnel, et même le choix entre un candidat intègre et un "président-voyou", n'était pas celui qui allait emporter la conviction des Français - du moins pas au premier tour.

C'était bel et bien sur un choix de société, entre libéralisme et socialisme que se jouait l'élection.

Hélas, ce choix ne fut, non seulement pas présenté, mais il fut esquivé délibérément dés la première intervention télévisée du candidat. Sans aucun doute les "conseillers" spéciaux, Laurent Fabius, DSK, Pierre Moscovici, étaient-ils plus écouté que la Gauche socialiste ! Lionel Jospin a opté pour un "programme qui n'était pas socialiste mais d'inspiration...". il a refusé de dramatiser le choix de société. Il a proposé de "présider autrement" là où il fallait rompre avec la mondialisation libérale.

C'était exactement l'inverse qu'il fallait dire : "- Ce n'est pas une simple question de choix de personne, ce n'est pas une simple question de présidence différente : la France doit choisir entre le libéralisme à tous crins, débridé, l'économie boursière mondialisée, avec ses cortèges de licenciements, de déréglementations, ses bas salaires, la remise en cause de ses retraites, ou un socialisme de liberté, d'égalité, de fraternité, le plein emploi, la redistribution des richesses, la sécurité sociale pour tous, un état volontaire, une société mobilisée, la République sociale".

Il fallait convenir que tout était loin d'être accompli en cinq ans :" Nous n'avons pu tout faire, notre bilan comporte du positif, (...) mais hélas, il reste beaucoup à faire, à corriger, à réaliser, (...) donnez nous les moyens de le faire, plus vite, plus fort, dans les cinq ans à venir. Nous le voulons, nous le ferons."

Il fallait une campagne de "premier tour" à gauche vraiment, avec un objectif socialiste, et des revendications-phares immédiates, spectaculaires, s'adressant aux travailleurs, sur les salaires, les retraites, contre la précarité, pour une sécurité sociale collective pour tous.

Mais ce fut le contraire, d'emblée : l'orientation consista à mener une campagne de second tour, recentrée, dans un "duel" avec Chirac, sans mesures-phares capables de s'imposer au débat public. Et à force de prudence sur les sujets décisifs comme les retraites... le débat fut imposé, polarisé, centré sur la "sécurité", sur le terrain choisi par l'adversaire.

1.3.2

Un programme, ce n'est pas évidemment pas le seul élément d'une élection de type présidentielle.

Ce qui compte avant tout, c'est le positionnement d'ensemble, visible. L'idéal socialiste aurait dû constituer l'horizon. On ne commence pas un siècle sans ambition globale.

Mais le contenu du programme comptait aussi pour lepremier tour. Or celui de la campagne (largement limité et guidé par Pierre Moscovici,DSK, Laurent Fabius, malgré les objections,et suggestions de la Gauchesocialiste)publié le 13 mars, a aggravé la situation, Il péchait par son côté catalogue, sans mesures-phares pour le salariat.

Nous l'avons fait remarquer au Conseil national du PS en temps utile.

Du coup l'ensemble du message a été déporté, et c'est sur le terrain terre-à-terre, mystifié, de l'adversaire, l'insécurité que la bataille a été gravement perdue

1.3.3

Le Pen était là par défaut, parce que ni de Villiers, ni Pasqua, n'avaient été candidats.

Chirac avait-il manœuvré en ce sens ? En tout cas, Le Pen obtint ses signatures grâce à l'Elysée, après avoir fait mine d'être marginalisé. De Villiers se tint coi. Pasqua se déroba. Sans vraie progression des voix d'extrême droite, Le Pen franchit le cap, par surprise, mais aussi par carence, profitant des manques de la gauche soulignés ci-dessus.

Le Pen est un fasciste, mais heureusement, ce n'est pas le cas de la majorité de ses électeurs. À part le vieux lot de l'extrême droite française, intégriste, idéologiquement vichyste, ou Algérie française, et les secteurs de la droite aisés qui l'utilisent eux aussi au premier tour pour contrer au maximum la gauche, il y a des millions de "petites gens" qui se laissent avoir par la démagogie de celui qui joue le rôle explosif anti-establishment. Ce n'est pas nouveau, la droite a toujours eu une base populaire, sinon elle n'existerait pas : cette base, déçue, frustrée, s'est déplacée à l'extrême droite.

Il y a eu concomitance entre ce recul du candidat socialiste, dans une gauche qui se radicalisait à gauche, et de la progression du candidat d'extrême-droite face à une droite qui reculait.

Le FN n'est pas assez fasciste pour qu'on compare avec les années trente, mais il est assez d'extrême droite pour qu'on veuille lui faire barrage par tous moyens et éviter ainsi qu'il ne profite de ses succès pour connaître une évolution comparable aux fascistes d'avant-guerre.

La seule façon de faire reculer les Le Pen, Megret, De Villiers, Pasqua, Boutin, hostiles aux femmes, defenseurs de la peine de mort, xénophobes, c'est de les empêcher, un jour, de se transformer en véritable fascisme, c'est de supprimer le terreau sur lequel ils prolifèrent.

1.3.4

L'abstention a été forte...

Mais en France, elle n'est pas structurelle, comme aux USA. Une frange importante, c'est vrai, de la population, ne vote jamais : environ 10 à 15 %. Quand au reste, l'abstention est tantôt de gauche, tantôt de droite selon la façon dont chaque camp mobilise. Il y a, contrairement à certaines idées reçus, peu de basculement d'un "camp" vers l'autre. Il y a également très peu de "centre".

Mais il y a tantôt des dynamiques à droite, tantôt des déceptions à gauche et vice versa.

En 1993, le total des voix de la droite victorieuse était inférieur au total des voix qu'avait obtenu la même droite lorsqu'elle avait été battue, douze ans plus tôt, à la présidentielle de 1981.

En étant plus forte que pour de précédentes élections présidentielles, l'abstention signifie que ledit scrutin n'a plus le même effet qu'avant. La personnalisation de la politique dépolitise les personnes. 70 %¨des Français, depuis 1997, estiment que l'élection parlementaire est la principale élection.

Il n'empêche, cela n'aurait pas été possible sans le bilan mitigé du gouvernement Jospin et la mauvaise campagne du candidat qui ont nourri le scepticisme et donc l'abstention à gauche : elle s'est ajoutée à la dispersion des voix sur sept candidats, et le "coup de tonnerre" s'est produit.

1.3.5

On doit ensuite constater que l'enchaînement mécanique des 4 scrutins conduisait à la défaite.

Le mécanisme n'était pas fatal, mais pour gagner contre lui cela exigeait une ampleur de combativité, d'ambition, de contre-attaque, que le Parti socialiste n'était plus en mesure de porter et le reste de la gauche, de l'extrême gauche incluse, était totalement surpris, désarçonné, aucunement en mesure de le suppléer.

Il aurait fallu un bilan et une rupture à la fois, une prise de conscience collective rapide, un programme infiniment plus hardi, une explication publique à la fois critique et consensuelle, de façon à renverser le mécanisme. Quasiment la quadrature du cercle.

L'inversion du calendrier avait ramené l'élection présidentielle au premier plan, donnant les clefs à Chirac. Avec le recul, le choix d'inversion du calendrier peut apparaître d'autant plus contestable qu'il a évidemment déterminé toute la suite.

On notera que l'extrême gauche qui avait gagné 1,9 million de voix, (près de 11 %¨ de voix "trotskistes", fait exceptionnel dans le monde entier, et tout à fait indicatif de l'aspiration de millions de français) s'est immédiatement divisée, incapable de faire face à la situation au plan politique. Même les Verts et le PC ont régressé.

A cause des circonscriptions antidémocratiques existantes depuis 1986, (et malheureusement non modifiées par LJ) la gauche a obtenu en chiffres absolus des scores honorables et serrés, ce qui ne se traduit pas du tout en siéges.

1.3.6

Le PS est redevenu central en juin, seul utile pour limiter les dégâts.

C'est un fantastique argument en faveur d'un grand parti de la gauche, d'un rassemblement unitaire, et contre la division, contre le morcellement, les clivages abstraits, les surenchères. Des millions d'électeurs de gauche, avec bon sens, ont choisi de se reporter, après la crise, devant le danger, sur l'instrument qui leur apparaissait le plus efficace pour limiter les dégâts crées par le 21 avril.

Et, avant ils avaient manifesté le 1er mai dans un sursaut magnifique, témoin de la réalité des rapports de force en vigueur dans le pays. Au moins 2 millions de manifestants ont incarné la réalité de l'exception française, depuis novembre-décembre 1995. Et le PS fut avec eux, dans la rue.

Deux millions de manifestants ont lucidement fait barrage, non seulement à "au facho" mais à "l'escroc". Il y a eu 10,5 millions de voix de gauche et seulement 8 millions de voix de droite pour Chirac.

On ne peut refaire l'histoire : mais Lionel Jospin mandaté par le Parlement pouvait être Premier ministre... jusqu'au 17 juin. Puisque la crise était immense, la gauche aurait gagné à la grandir pour mieux la surmonter. Mais en fait l'élection des 9 et 16 juin a été ramenée à une "réplique", et le mécanisme institutionnel de la V° République qui avait tant été décrié, affaibli, s'est ravivé, subordonnant la nouvelle législature de cinq ans au nouveau quinquennat présidentiel.

Attention, car dans cinq ans, ça recommence.

À l'arrivée, le 16 juin, c'est une vraie défaite, alors que Chirac était en recul grave avec 19 % des voix le 21 avril, la droite a une réelle majorité pour la première fois depuis 1995. Entre temps le médiocre mais dangereux gouvernement Raffarin s'est installé, anomalie incroyable, car sans légitimité, sans majorité, sans assemblée nationale, il a fait "comme si" il gouvernait pendant la phase décisive de la seconde élection du 7 mai au 9 juin.

1.3.7

Cette victoire de Chirac est à la Pyrrhus : les institutions de la V° République n'ont reçu qu'un sursis apparent.

Le principe du présidentialisme est atteint, il a pris un coup dans l'aile. A première vue, tout est déjà en place pour une répétition du calendrier tous les cinq ans , présidentielle d'abord, puis législatives "alignées" sur celle-ci. Donc les écuries présidentielles se mettent en place automatiquement, subordonnant tout choix politique au "chef" potentiel, Alain Juppé et Laurent Fabius, par exemple, sont candidats implicites et tout s'organise pour ou contre eux, dans chaque camp. Mais le 21 avril est plus qu'un avertissement : le divorce entre l'establishment et le peuple a toutes les chances de remettre en cause ces beaux mécanismes tout huilés. Ce ne sont plus des énarques, des têtes d'œuf programmées, des professionnels devenus ignorants de la véritable vie de millions de salariés, qui porteront la parole populaire, d'abord parce qu'ils en sont de plus en plus incapables, ensuite parce que les institutions sortent des quatre scrutins, en crise larvée.

Il est important de réactualiser dans le programme de la gauche, des changements institutionnels profonds, le rejet de la V° République, une assemblée constituante, la suppression du Sénat, le retour à un véritable parlementarisme, avec des élections proportionnelles, loyales, un système de démocratie sociale pour gérer la Sécurité sociale.

La Gauche socialiste qui, dés 1992, avait tenu une "convention pour une VI° république" se réjouit que ces idées soient actuellement reprises, notamment par le club d'Arnaud Montebourg, au sein du Parti socialiste, avec un écho fortement majoritaire à gauche.

1.4 La défaite a été institutionnelle mais pas sociale :

1.4.1

La victoire était pourtant possible,

la France est de gauche, et c'est un coup d'autant plus dur qui vient de lui être asséné. Choc, incompréhension, découragement, division vont se succéder. D'où l'important travail minutieux de bilan, détaillé qui est nécessaire.

C'est un travail de reconstruction, de régénération qui doit traverser toute la gauche. Il va se faire dans un contexte particulier : la droite est enhardie par sa victoire qu'elle n'apprécie pas encore dans toute sa dimension, et elle va essayer d'en profiter pour faire reculer cette "exception française" qui s'est bâtie depuis la Résistance au travers de plusieurs grèves générales, et de la défense d'acquis sociaux devenus d'autant plus appréciables qu'ils ont reculé ailleurs dans le monde.

Nicolas Sarkozy explique que la droite n'a jamais disposé d'autant de pouvoirs d'agir depuis "34 ans". Il fait référence à juin 68. Par esprit revanchard ! Mais c'est une erreur car la droite a déjà eu les mêmes pouvoirs... en 1995 ! Il y a sept ans seulement et ça s'est terminé avec la grande grève générale de novembre-décembre 1995.

Chirac, Raffarin, Juppé, les nouveaux maîtres, sont obsédés par ce souvenir.

Chirac a les mêmes projets, les mêmes conseillers, les mêmes patrons qu'en 1995 : la première question est de savoir comment, il va, cette fois, s'attaquer aux acquis sociaux tant haïs par les libéraux.

Thatcher n'a été Thatcher qu'après avoir vaincu la grève des mineurs. Reagan n'a été Reagan qu'après avoir vaincu la grève des aiguilleurs du ciel. Chirac, Juppé, Raffarin, réussiront-ils là où la droite française a échoué depuis plus de vingt ans ?

1.4.2

La droite va vouloir transformer à fond l'avantage.

Elle veut parvenir à ses plus anciennes et plus ardentes fins, toujours reportées depuis 66-67, 68, 81, 86, 93, 95, 97... Comme le laissait échapper Juppé en novembre 1995, à propos de sa réforme de la sécurité sociale : "en finir avec trente ans d'anomalies".

Le programme de la droite est explicite. Il suffit de lire, d'écouter, de déchiffrer ce qu'il y a derrière les phrases courtes et volontairement atrophiées de Raffarin. Ceux qui ont stupidement placé la gauche et la droite sur le même plan, vont devoir ouvrir les yeux.

Ils veulent achever - enfin - ce que même les ordonnances de De Gaulle en 1966 et 67 n'avaient pas achevé. Achever la "refondation sociale" que voulait le Medef depuis deux ans : reprendre les acquis sociaux conquis depuis cinquante ans.

Tout ne sera pas fait d'un seul coup sans résistance, ni accord entre toutes les composantes de la droite : mais en imposant la construction d'un parti unique, l'UMP, en soumettant toutes les institutions au clan chiraquien, en portant au gouvernement directement des hommes du Medef, des réactionnaires fieffés, le pouvoir actuel se donne les moyens d'avancer en ce sens.

1.4.3

Mais attention, l'histoire ne se répète jamais deux fois de la même façon.

Il n'y a pas d'automatisme dans le retour d'un nouveau novembre-décembre 1995. Ne serait-ce qu'à cause de la récente défaite et du temps nécessaire au redressement de la gauche. Ne serait-ce qu'à cause de traces différentes, dans le mouvement syndical, sur le bilan des 35 h, des retraites...

Chirac-Raffarin vont essayer de jouer sur les hésitations à gauche entre "modérés" et "radicaux", même essayer de les pousser au maximum. Ils vont nourrir le même type de différenciation entre les directions syndicales, flattant la nouvelle direction CFDT, contre celles de la CGT et de FO. Ils n'imaginent le "dialogue social" que de façon marginale mais dans l'espoir de récolter les signatures qui affaibliraient encore plus fortement les salariés qu'en novembre-décembre 95 où la direction CFDT s'était vue isolée, même vis-à-vis de sa propre base. S'ils parviennent, ce qui est leur objectif à diviser la gauche syndicale et politique, ils passeront alors en force, s'ils échouent, alors la riposte bloquera nombre de leurs projets.

Rien n'est joué, inutile de crier à "la revanche sociale", nov-déc 95 ne se répète pas en claquant des doigts, le temps, la maturation comptent, la rigueur aussi, et la dynamique syndicale et politique à gauche sera déterminante.

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